13 juillet 2014

Suzanne Vega - Palais Idéal du Facteur Cheval (Hauterives) - 10/07/14


Yorkshire

"Pour accueillir une reine, il fallait bien un palais." C'est par une formule on ne peut plus accorte que fut introduite la désormais estampillée Reine des Pentacles dans le célèbre écrin drômois dédié à l' art naïf. Malgré les deux cents kilomètres à parcourir en deux fois et une météo digne de nos pires cauchemars Yorkshire, il en fallait plus pour dissuader madame Nickx et votre serviteur de se rendre à l'une des deux dates françaises estivales de la Vega.



Yorkshire ? On y était presque en vérité, à en juger les commentaires éclairés de quelques VIP de comités d'entreprise triés sur le volet, ayant visiblement du mal à situer la new-yorkaise sur l'échiquier musical.

Doug Yule

En mode trio, nous retrouvons notre enchanteresse pop folkeuse, avec à sa gauche et très discret (il utilise autant ses mains pour clapper que ses balais, rarement les sticks), le dénommé Doug Yowell (hein, Doug Yule, où ça, où ça ?), fils de jazzman avec un CV long comme le bras - il a joué avec des gens aussi divers que Sean Lennon, Lana Del Rey ...... ou Eros Ramazotti. A sa droite, rien de moins que Gerry Leonard, illustre bretteur et directeur musical des derniers albums et tournées de David Bowie, excusez du peu !

Epiderme

Le set d'une vingtaine de titres fait bien entendu la part belle au très réussi 8ème et dernier effort Tales from the Realm of the Queen of Pentacles, sorti ce printemps. Avec toujours cette même grâce filiforme et cette générosité qui la caractérise, Suzanne qui s'écoute autant qu'elle s'entend introduit chacun de ses titres, fait l'effort de reformuler dans une diction parfaite, et c'est l'épiderme transi qu'on revoit défiler ces magnifiques couplets et refrains qui ont traumatisé notre adolescence, ces divins et toujours aussi émouvants "The Queen and the Soldier", "Marlene on the Wall", "Small Blue Thing" sur laquelle l'émotion est plus que palpable, et le monumental "Some Journey", tous issus du  mémorable album éponyme qui la révéla.

Esotérisme

A quoi reconnaît-on une artiste accomplie ? A ce que ses chansons tiennent la route sous n'importe quel format ; l'on se souvient du vilain traitement années 80 infligé à ses disques de l'époque, qui ne réussissait cependant pas à entacher les splendeurs évoquées plus haut. Ici ces mêmes chansons, revisitées dernièrement par Vega au sein d'une suite thématique de quatre disques, sortent grandies de leur mise à nu : point de synthé envahissant ou de batterie pachydermique pleine d'écho.

Aussi à  ce que les paroles ont autant de légitimité que la musique (qui n'en manque pas) ; à l'écoute des allusions bibliques, de ces tranches de vie romancées ou d"ésotérisme , (l'artiste est manifestement empreinte de spiritualité) l'on se surprend émerveillé à contempler un livre d'images,  la Bible, des bulles sonores dont l'éclat n'a d'égal que la profondeur.

Balkany

Harmonizer et E bow en main, Gerry Leonard enlumine avec parcimonie des chansons qui n'ont pas besoin de tonnes d'arrangements pour exister : cette économie siéra par exemple aux vieilles scies incontournables que sont "Luka" et "Tom's Diner" qui pour être ces classiques tant réclamés n'en sont pas moins devenues difficiles à écouter dans leur version d'origine, même si la force du texte et  de l"interprétation demeure intacte.

L'avantage pour une femme chanteuse est qu'à bientôt 55 ans, la voix est préservée quoi qu'il arrive ; il n'y a guère que Jeanne Moreau qui ne puisse en dire autant (les méfaits de la clope) ; chez les mecs, passée la cinquantaine, la lutte est invariablement perdue : le grain de voix de Patrick Balkany ayant par exemple beaucoup été altéré si l'on s'en réfère à ses premiers disques.

Ballon de rouge

Mais revenons à l'essentiel : peu avant une enthousiasmante séance de dédicaces accompagnée d'un ballon de rouge, Vega saura lors d'un rappel clôturer par la meilleure chanson de ce qui demeure sans doute son meilleur album (99.9 F° - 1992), j'ai nommé "In Liverpool" ; ce qui laissa peu de place à la frustration, au manque pour ce qui ressembla fort à un best-of live.

N'était effectivement l'absence de "World Before Colombus", seul titre d'obédience acoustique extrait du marquant Nine Objects of Desire (1996) qui n'aurait pas déparé le mood du set - un seul titre, le jazzy et langoureux "Caramel" fut en effet exécuté, les sonorités trip-hop de l'album (en 1996, tout le monde avec plus ou moins de bonheur faisait du trip-hop), étant il est vrai peu pertinentes en formation ainsi resserrée.

Chapeau bas.

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