06 août 2012

2Pac - Me Against The World (1995)

Plus d'une dizaine d'années se sont écoulées depuis la mort de Tupac Shakur. Si je ne crois plus qu'il soit nécessaire de ressasser une énième fois sa légende, tant il a marqué de son empreinte le hip-hop et l'imagerie populaire, il mérite encore toute l'attention qu'il a pu susciter à son époque. Même pour celles et ceux qui ne se sont jamais intéressés au hip-hop, il paraît difficile de n'avoir jamais entendu "California Love" ou "Changes", pour ne prendre que deux de ses titres parmi les plus célèbres. Et c'est bien le problème avec un rappeur de son envergure. On connait Tupac sans l'avoir vraiment écouté. Sa valeur n'est tellement plus à prouver qu'on ne fait même plus l'effort de rentrer dans un de ses albums et de le laisser tourner du début à la fin. Dans cette situation il y a encore peu, je tiens à faire amende honorable pour aborder l'un des classiques - une bombe - du rap US.

Bien évidemment, ce troisième album est le produit de son époque. En 1995, la guerre East Coast - West Coast compte ses premières victimes. La rivalité entre les labels Bad Boy - fondée par Puff Daddy pour New-York - et Death Row - montée par Marion "Suge" Knight et Dr. Dre pour la Californie - s'illustre non seulement au moyen de règlements de compte verbaux mais également à coups de gunfights meurtriers. L'épisode avait débuté une année auparavant dans un studio d'enregistrement de New-York, où Shakur avait été victime d'un vol et s'était fait tirer dessus à plusieurs reprises, ce qui s'était soldé par un séjour à l'hôpital. Tupac avait ensuite été reconnu coupable d'agression sexuelle et condamné à de la prison, période pendant laquelle sort Me Against The World.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il évite plusieurs écueils dans lesquels il aurait pu s'engouffrer. Le premier, et non des moindres, est que Tupac n'en profite pas pour démolir ses rivaux à coups de missiles ciblés. Il préfère régler ses comptes avec lui-même, assumer ses prises de position et affirmer les principes pour lesquels il s'est toujours battu et qui l'ont certainement poussé à rapper. Enfin, qu'il ne profite pas de l'occasion pour faire l'apologie du "Thug Life", ce "code de vie" voyou. Code "Thug" qui a réellement existé, puisqu'il avait été rédigé avec d'anciens membres des Black Panther, pour aider les personnes à s'échapper des ghettos par les moyens et les actions mis à leur disposition - y compris immoraux.


Me Against The World ne fait donc pas l'apologie d'une violence gratuite. Loin de là. Il ne fait que refléter le climat dans lequel a pu se retrouver Shakur. À ce stade, il devient difficile de séparer la réalité - des faits d'agressions tangibles - de la paranoïa. Ce vide a certainement contribué à forger le mythe, tout comme la force et la cohérence de cet album. Une attitude : "nothing to loose". Alors que l'album s'ouvre sur une succession de flashs info qui relatent différents épisodes dont a été victime le rappeur, "If I Die 2Nite" retentit comme une première détonation. Ce credo, où Tupac fait intervenir des fragments de son passé plus ou moins proche, se termine par un couplet d'une rare agressivité. "Me Against The World", le morceau éponyme de l'album, ne fait que renforcer le mouvement.

Ce n'est pour autant que Shakur se fait le héraut du côté obscur du gangsta rap. On peut citer "Dear Mama", premier single de l''album qui rend un très bel hommage à sa maman. Ou encore le très réussi "Temptations", un de mes morceaux favoris, qui aborde la relation de Tupac avec les femmes. C'est d'ailleurs dans ce titre que son rap prend une dimension chantée, un côté renforcé par la présence de voix de fond et une production des plus soignées. L'une des véritables réussite de l'album, et probablement l'un des meilleurs titre de Tupac reste "Old School". Il résume à lui seul ce qu'il a fait de meilleur. Avec un sample tiré de "We Share" des Soul Searchers, il évoque un âge d'or du rap, celui de Mr. Magic, Flash, Eric B. & Rakim, etc., avec force de respect et de nostalgie. De cet album qui montre toute l'ambivalence de 2Pac, John Pareles du New-York Times le comparera à un "Saint Augustin du gangsta rap".

En bref : un album fondamental, entre ombre et lumière, qui fait exploser de nombreux clichés du gangsta rap.








1 Comment:

-Twist- said...

Très chouette article, genre madeleine de Proust (mais qui ne s'épanche pas genre "c'était mieux avant"). J'aime beaucoup cet album aussi, mais je crois que je lui préfère (malgré son côté inégal et trop plein) All Eyez On Me suivant. Rien que pour une chanson comme You Can't C Me...
Merci de cette replongée, je file réécouter cet album.