16 octobre 2011

Baxter Dury - Happy Soup (2011)

« No one ever told us that - haha hahaha - we're gonna be left alone - HAHAHAHA HAAAAAAAHAHA ».Ce gros fou rire gras, probablement capté en studio puis superposé sur l’un des refrains les plus gracieux de cet élégant Happy Soup ("The Sun"), figure en substance ce dont il est question dans ce troisième album de Baxter Dury. À écouter la voix, les histoires, et les détails de la production, on se rend très vite compte que la trivialité des choses en est la matière première. À partir de cette matière, le geste artistique de Dury s’exprime en deux mouvements : en sublimer la poésie autant qu'en moquer le grotesque. Et c’est ainsi qu’il s’amuse, avec une nonchalance déconcertante, à désamorcer les plus beaux moments de grâce du disque ("Leak at the disco", "Happy Soup") en leur juxtaposant tour à tour des notes de clavier espiègles ("Afternoon"), ou des coups de batterie puérils ("Trellic").

C’est avec cette même nonchalance que Dury, capable, on le sait, d’écrire les plus belles mélodies, réduit ses lignes de chant au minimum, parfois jusqu’au fameux sprechgesang désabusé qui avait participé à la réussite de "Cocaine Man" (Floorshow, 2005), l’un de ses titres les plus remarquables. Il laisse ainsi ses plus beaux refrains à l’enchanteresse voix féminine qui l’accompagne tout au long du disque. C’est là que je pense à Gainsbourg. Je pense aux années soixante aussi. Et je pense aux films de la Nouvelle Vague. C’est certainement le clip du premier single "Claire" qui m’y amène. Mais c’est aussi et surtout cette manière de sonner volontairement faux pour sonner émotionnellement juste. Là où ces cinéastes usaient de faux raccords, Dury use d’apparentes fausses notes (procédé évident sur "Afternoon", par exemple), ce afin de mieux saisir la beauté brute des choses.



Beaucoup de références franco-françaises, ici. Et pourtant… Chacun des disques de Baxter Dury fait preuve de choix esthétiques forts. Ici, qu’est-ce qui frappe d’emblée ? La forme pop ? Les touches de synthés ? Plus encore, c’est cette étrange mise en son de sa propre voix. Celle-ci, lorsqu’elle ne cède pas sa place à celle de la chanteuse, est particulièrement mise en avant dans le mixage. Comme si Dury avait voulu capter l’essence de son accent, sa britannicité. Et je repense au cinéma. À ces cinéastes anglais qui, à l’époque, avaient développé l’équivalent so bloody british de notre Nouvelle Vague. Je pense à l’excellent The Knack… and how to get it, où il s’agissait, comme ici, de répondre au trash par l’humour et la poésie.

Les comparaisons sont flatteuses, mais le bonhomme, lui, est humble. Humble au point d’enfouir ses plus belles perles au fond d’un album modestement sympathique. Qu’entend-on à la télé, dans les supermarchés, ou sur les sites web des magazines de mode ? "Trellic", "Claire" ? Et pourtant, à l’écoute du disque, ce sont les superbes "Leak at the disco", "Happy Soup" et "Trophies" qui laissent deviner le chef-d’œuvre que ce troisième album de Baxter Dury aurait pu être. Mais là n’était pas l’intention, et nous la respectons. Avec le chapeau bas, fût-il melon ou pas.

En bref : au triste, au trivial et au trash répondent l’humour, l’élégance et la poésie dans un bel album qui, n’essayant pas d’être le chef-d’œuvre qu’il pourrait être, cherche simplement et avant tout à affirmer sa condition éminemment britannique. Et cela suffit à en faire un objet d’intérêt universel.





Le site officiel

La chanson titre au sommet du disque, "Happy Soup" :

1 Comment:

Ju said...

Ah cool, content que tu parles de ce disque et surtout de cet artiste. Je l'ai vu en concert assez intimiste il y a peu et c'est un sacré personnage, qui malgré une fragilité que l'on devine en impose ! L'un des rares très chouettes disques de cette année !
Emmanuel serait-il aussi de retour ? ( ;