28 juillet 2009

The Dead Weather - Horehound (2009)

Jack White, jamais à court d'idées ni d'activités, s'acoquine avec la sulfureuse Alison Mosshart, chanteuse des Kills, ainsi qu'avec un QOTSA et un Raconteurs, pour les besoins de cet album dont le premier mérite est de se démarquer de leurs groupes respectifs.

En effet, ce disque aride et plutôt novateur, s'il reprend brièvement, en certaines occasions les climats à la Kills ou White Stripes, n'en garde surtout que le côté "près de l'os" qui caractérise leurs sorties respectives.

Partant d'une trame blues, The Dead Weather malmènent celui-ci, parfois à la manière méchamment funky d'un Jon Spencer ("Treat me like your mother", "Cut like a buffalo"), soit dans cette même veine mais avec la verve d'un Rage Against The Machine ("Treat me like your mother", encore), par le biais des choeurs quasi rappés de Jack White et d'une accélération rythmique dotée d'un court solo à la Tom Morello.

Sur "Hang you out from the heaven", des scories du génial "Midnight boom" des Kills s'offrent à l'auditeur, tandis que des morceaux comme "So feet tall" ou "So far from your weapon" exhalent des ambiances bluesy du meilleur effet, tourmentée pour le premier, plus apaisée pour le second.

Cette première partie d'album est donc une réussite, que vient confirmer la suite. Dès "Rocking horse", ce blues malsain, tout en retenue, qu'on sent sur le point d'imploser, fait à nouveau son oeuvre et s'embarque dans une envolée électrifiée remarquable, mise en valeur par un gimmick de basse plus qu'efficace et le chant d'Alison, aussi félin que vindicatif ou encanaillé.

Un morceau massif, l'excellent "New pony", fait ensuite son apparition et impose un riff maousse et des saccades rythmiques d'un apport certain, auxquelles se joignent des guitares triturées et complètement jouissives. Puis c'est le trépidant "Bone house", doté comme nombre de ses prédécesseurs de guitares divines, dont l'association avec l'organe vocal de la donzelle des Killls suffit à rendre la chanson captivante (sans oublier, c'est à souligner, l'oeuvre d'une rythmique implacable) poursuivant ainsi le festival sonore et stylistique. The Dead Weather, s'il évoque tantôt certaines références, semble créer ici un style qui lui est propre et qui, de plus, génère un résultat brillant J'en veux pour preuve "3 birds", instrumental intriguant aussi spatial qu'agité, qui démontre de façon définitive l'originalité du groupe et son ingéniosité.

Passés ces neuf titres probants, il nous reste alors deux morceaux à nous mettre sous la dent et là encore, The Dead Weather frape fort avec "No hassle night", titre bluesy doté d'un break aussi court que marquant et de vagues électrifiées significatives, puis un "Will there be enough water?" posé et porteur d'une grande classe, d'une sobriété exemplaire. Une fin plutôt tanquille donc, magnifiée par la guitare acoustique du sieur White, qui clôt superbement un opus dont le contenu appelle forcément une suite et trouvera une place de choix au moment de dresser le bilan 2009 et d'instaurer les classements liés à nos préférences discographiques.

En bref : un side-project concluant, une fois n'est pas coutume, et un album amené à faire date, de par son contenu et son côté novateur tout en restant parfaitement cohérent.




Le Myspace "fans"

"Treat Me Like Your Mother" :


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27 juillet 2009

The Decemberists - The Hazards Of Love (2009)

On avait laissé Colin Meloy et sa bande en 2006 sur le moyen The Craned Wife, on l’avait par contre beaucoup apprécié sur Picaresque, et on savait qu’il ne reviendrait pas en 2009 là où on l’attendait. Ce serait trop facile. Les Decemberists ont choisi pour leur retour un disque radical, que l’on suit avec passion ou que l’on rejette avec force. Un opéra rock en 2009, vraiment ? Risqué, prétentieux, anachronique, le choix du songwritteur est en tout cas remarquable. A une heure où l’aléatoire et le zapping sont légion, The Hazards Of Love ne peut s’écouter que comme un film, du début à la fin, de préférence avec chaîne hi-fi poussée dans ses derniers retranchements. Avec le goût qu’on lui connait pour la narration ("The mariner’s revenge song") Meloy construit une épopée intense et sans coupure, entre ballade folk doucereuses et déchaînements électriques monstrueux. Soit un génie, soit un Tommy.

L’histoire, un amour impossible entre Margaret, jeune villageoise interprétée par Becky Stark, et William, créature mystérieuse des bois, forcément jouée par Colin. D’autres personnages peuvent intervenir dans cette odyssée, comme la reine de la forêt alias Shara Worden de My Brightest Diamond. L’équipe au complet et aidée par quelques membre de My Morning Jacket, le concept album à l’ancienne peut commencer.

Un thème, "The hazards of love", que l’on retrouve plus de quatre fois dans le disque, reliés les uns aux autres par des enchaînements travaillés qui prennent leur temps (une heure pour 17 titres). Eh ça commence sec avec la sinistre monté d’orgue introductive. Lumineuse et tragique à la fois, elle plante le cadre de ce conte musical en mode crescendo jusqu’à la fin. "A brower scene", première salve de guitares électriques évoque d’emblée les papas Led Zeppelin et Fairport Convention. Des influences anglaises pour un groupe de Portland, où va le monde se dit-on.


Aussi à l’aise dans la douceur du picking acoustique ("Isn’t a lovely night ?") touché par la grâce (et un final en pedal steel) que dans le déchaînement de fureur "The wanting comes in waves / repaid" pièce maîtresse et centrale, véritable morceau de bravoure progressif de plus de six minutes, avec cordes orchestrales et chœurs d’enfants. Le riff de guitare à 1’45" donne froid dans le dos si vous avez des watts chez vous. De même, les interventions féminines y sont toujours de bon aloi. Les amateurs de White Stripes et autres Black Mountain devraient également apprécier.

Sans cesse proches de l’excès, ou en plein dedans selon l’humeur, les Decemberists étalent en tous cas l’étendue de leur talent sur un paquet de titres passionnants, qu’on aime ou qu’on déteste. Personnellement il m’a fallu de très nombreuses écoutes (depuis mars) pour y rentrer. Mais rien que pour la section rythmique de "The rake’s song", "The Queen’s rebuke/The crossing" ou "The abduction of Margaret", ça vaut le coup.

En bref : amateurs de romantisme démesuré sur fond de heavy folk britannique joué par des américains : sortez du rang. Les autres : rompez.





A lire aussi : Wild Beasts - Limbo, Panto (2008)

Le site officiel, le Myspace et l’album en streaming

"The wanting comes in waves / repaid" :



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26 juillet 2009

Frida Hyvönen - Until Death Comes (2005)

Avec cette chronique très juste de la dernière pièce montée de Jens Lekman, Ju me replonge sans le vouloir dans mes trésors de pop suédoise (...oui d'accord, je ne les ai jamais quittés). Frida Hyvönen a atteint l'an passé, exactement comme ce cher Jens en 2007, des sommets de pop orchestrée avec le mélodramatique Silence Is Wild sorti comme par hasard sur le même label Secretly Canadian. Sur cet « album au cheval » (cf la pochette), Frida Hyvönen se livre au même « numéro d'équilibriste » (dixit Ju) vocal et stylistique que son compatriote : on y retrouve le même sens du patchwork, le même goût pour le mielleux, la même grandiloquence, et surtout la même excellence dans l'écriture. Mais à ceux que la guimauve écœure, à ceux qui n'aiment pas que l'on joue avec le feu (=le kitsch en langue indie), je propose un retour au moment où Frida est apparue sur la « scène », dans des atours bien plus minimalistes.

2005 en Suède, un an de retard dans le reste du monde donc, c'est « l'album au piano », Until Death Comes. L'album est comme son titre, sec comme un coup de trique. Une demie heure à tout casser, d'un minimalisme à la limite de la violence. La griffure d'une Lucio Fontana qui croirait dur comme fer en sa toile. Frida ne semble pas très bonne pianiste. La main est maladroite, et le pied donne de grand coups de pédales. Et on entendra que ça, où presque : des à-coups de piano, des silences et des coups donnés sur les pédales. Au contraire, le chant, lui, est tout à fait précis, parfaitement bien placé sur des mélodies finement écrites. Et le choc est là déjà, entre la voix et l'instrument.

Ainsi commence Until Death Comes : dans le piano-folk métronomique de "I Drive my friend" et "Djuna!". Ensuite, "You never get me right" et "Once I was a serene teenaged child" frappent là où ça fait mal. Frida est l'héroïne schnitzlérienne du polaroïd de couverture, névrosée jusqu'aux cheveux, dont la névrose nourrit les chansons plus qu'elle ne s'y exhibe. Plus apaisés, les "Valerie", "N.Y.", et "Straight thin line" sont si bien écrites et interprétées qu'elles réussissent la prouesse de nous faire accepter leurs envolées lyriques, de celles qui inspireront tant Frida par la suite, dans « l'album au caniche » (la bande-son d'une pièce de danse contemporaine, Pudel, 2007), et l'ambitieux Silence is wild. Elles sont ici toujours contrebalancées par la sécheresse de l'instrumentation. Frida double sa voix sur le refrain de "The Modern" : cette seule voix donne toute son étrangeté à la chanson (et la replace par ailleurs dans le contexte d'une scène suédoise : cette voix enfantine façon Stina Nordenstam va bientôt devenir un cliché).

Pour Frida Hyvönen en 2005, les idées les plus simples sont les meilleures. En 2008, elle appliquera le principe diamétralement opposé avec tout autant de réussite. Mais pour le moment, Until Death Comes joue l'austérité. Et dans un tel contexte, "Come another night" impressionne à sa manière : avec trois fois rien, Frida Hyvönen se paie le luxe d'une chanson pop sixties et rhythm 'n' blues lumineuse, avec climax de cuivres à la clé. Et achève de nous émouvoir. Cela pourrait déjà être la fin, au bout de vingt minutes. Mais non : discrètement, "Come another night" contamine les dix dernières minutes. "N.Y.", "The Modern", et "Straight thin line" acceptent une instrumentation (à peine) plus riche, et des mélodies plus mielleuses. A ses radicaux débuts déjà, Frida Hyvönen joue avec le plus et le moins, avec la douceur et la sécheresse, et ce avec une étonnante réussite.

En bref: de la pop rachitique, dont les notes de piano sont si sèches que, malgré la fluidité des mélodies, elles s'embrasent et se consument en moins de 30 minutes.








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24 juillet 2009

Beulah - The Coast Is Never Clear (2001)

Non, je ne vous lâcherai pas avant de vous avoir présenté l’intégrale de la famille Elephant 6. Eh si Beulah et son patronyme sorti de nulle part ne sont pas forcément les plus connus ni les plus intéressants du lot, ils ne sont pas pour autant à occulter. Simplement parce qu’on se trouve en face d’un groupe sans aucune prétention (splitté en 2004 d’ailleurs) dont le seul souci est de livrer une délicieuse pop rétrograde tout droit débarquée des 60’s, le tout dans une bonne humeur hautement communicative.

Flashback, nous sommes à San Francisco, en 1997, les deux amis Miles Kurosky et Bill Swan travaillent encore ensembles au tri postal lorsque la branche West-Coast du collectif psyché les signe (ainsi que cinq autres larrons) pour un premier album intitulé Handsome Western States. Pop à l’ancienne, sans électronique ni sample, tout juste avec quelques cuivres, l’insouciance est dans l’air. Deux ans plus tard, en 1999, le septet sort When Your Hearstrings Break. On y retrouve encore ces guitares gentiment saturées, ces mélodies efficaces et ces refrains acidulés rappelant pour certains les Flaming Lips, Cake ou encore Of Montréal.


Petit tour par la maison de disques Shifty Disco (le plus psyché des labels anglais), et le 11 septembre 2001 (oups !) sort ce troisième et avant-dernier album avant Yoko en 2003. Dès le morceau introductif "Hello resorven" les bases sont données. Une influence évidente, presque une cover du tube de 1969 "You showed me" des Turtles (écoutez vous verrez). Du pur rock indé teinté côte ouest, réalisé sans drogues, aux voix délicieuses et aux arrangements Beach Boyesques ("Hey brother"). On y trouve aussi du cuivre, comme sur "Silver lining" qui sonnerait presque comme un bon vieux Smash Mouth (souvenez-vous). D’autres titres comme "Gene Autry" et son utilisation inattendue des cloches, ou encore le baroque "A good man is easy to kill" méritent l’attention. Ce dernier morceau donne d’ailleurs son nom à l’intéressant dvd retraçant la trop courte histoire du groupe intitulé "A good band is easy to kill". Sans doute.

En bref : anecdotique plus qu’indispensable, un disque de pop à l’ancienne naïf et frais non exempt de qualités.




Le site officiel et l’album en streaming

A lire aussi : Gorky’s Zygotic Mynci - How I Long To Feel That Summer In My Heart (2001)

Le très Beatlesien "Popular Mechanics for Lovers" et le plus enlevé "A good man is easy to kill" :




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22 juillet 2009

Concert - Jeffrey Lewis & The Junkyard + Victory Hall le 21/07/09


Le ciel commence à gronder lorsque la faune indé Bordelaise au grand complet s’engouffre dans la petite cave du St Ex. Tout le monde s’est donné rendez-vous pour honorer la prestigieuse venue d’un artiste immense, j’ai nommé le New-Yorkais Jeffrey Lewis et son groupe The Junkyard, véritable pape de l’anti-folk - si ce terme veut encore dire quelque chose. Mais avant cela, et afin de se chauffer les oreilles et les guiboles, l’asso Allez Les Filles nous avait préparé deux hors d’œuvre de choix, le combo Bordelais power pop Victory Hall, et Pikelet, une amie Australienne de Jeffrey qui donne davantage dans la pop ambiante bricolée.

Et ça commence fort avec le quatuor Victory Hall au complet. Formé par les membres de Calc et Pull, le groupe déroule son premier album The Dull Commando’s Merchendise avec une décontraction et un entrain contagieux. C’est l’occasion surtout et encore une fois de constater que Julien Pras est tout simplement le meilleur songwritteur français. Chaque mélodie, chaque riff, chaque coup de baguette s’inscrivent dans une logique so 90’s, reprenant le meilleur de Pavement ou Dinosaur Jr. Et si les quatre amis manquent de pratique pour complètement calibrer leur show, c’est pour mieux faire ressortir ce côté branleur, qui colle finalement parfaitement au genre. On en redemande et on attend toujours la consécration.

La jeune et stylée Pikelet prend donc le relai dans une veine totalement différente. Armée de sa guitare sèche, d’un mélodica, d’un léger clavier ou de percus, elle raconte ses histoires avec une belle efficacité, dans une douceur qui tranche sévèrement avec le groupe précédent. Appelons cela une pause, et surtout une occasion de découvrir une artiste Australienne indépendante dont nous n’aurions jamais entendu parler autrement.


C’est à présent l’heure d’accueillir Jeffrey Lewis et les Junkyard (en fait son frère Jack, qui co-écrit quelques chansons, et à la batterie un ami également prénommé Jeff). Ancien des Moldy Peaches, ami d’Herman Düne, le bricoleur Jeffrey est là pour présenter son excellent quatrième (cinquième si l’on compte son disque de reprise des Crass) album Em are I. Toujours autant inspiré par Daniel Johnston, bourré d’humour, il dresse des portraits au vitriol d’une Amérique qui semble différente dans sa bouche. Tantôt grinçant, tantôt nostalgique, ce fan et auteur de comic books dégage une bonne humeur communicative des plus agréables. Les nouveaux morceaux "Slogans", "To be objectified" ou "Roll bus roll" passent admirablement bien l’épreuve du live, tout comme la plus ancienne et explicite "The last time I did acid I went insane". Pikelet revient par moment pousser la voix aux côtés du band, Jeffrey nous offre une superbe séance de - comment appeler ça - lecture de bd géante en chanson, et son frère Jack termine le concert par une relecture très personnelle du "They don't care about us" de Michaël Jackson.

Une fois de plus, je sors de là le sourire aux lèvres, me rendant compte de la chance hors norme que nous avons de pouvoir encore assister en 2009 à ce genre de concerts, et ce à deux pas de chez soi pour un prix dérisoire.

Le (super) site officiel de Jeffrey, les Myspace de Victory Hall, Pikelet, Allez Les Filles et le St Ex

A lire aussi : Jeffrey Lewis - The last time I did acid I went insane (2002)

L’entêtant "Roll bus roll" en live :


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21 juillet 2009

DODB sur "B comme BoxSons"


B comme BoxSons, blog dédié à la musique et à ses acteurs, met ce mois-ci Des oreilles dans Babylone à l’honneur dans le cadre d’une interview à laquelle je me suis fait un plaisir de répondre. Je vous invite en conséquence à faire un petit tour sur ce site fort intéressant où vous en apprendrez certainement sur « la musique, le fric et les gens autour » comme dit son sous-titre.

Interview DODB ici

B comme BoxSons ici

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Jens Lekman - Night Falls Over Kortedala (2007)

Découvert sur le tard pour ma part, ce jeune premier Suédois signé chez Secretly Canadian. Un hasard que l’on n’explique pas, un album qui atterrit Dieu sait comment dans mon Mp3 de vacances (et pour lequel je ferai le rapprochement bien plus tard avec la pochette que je connaissais déjà et qui m’intriguais) et c’est parti pour 51 minutes de pop néoromantique à l’instrumentation grandiloquente.

Pas besoin de chercher longtemps, le séducteur de Göteborg est déjà bien établi sur la toile. A son actif on compte déjà un nombre incalculable de Cd-r faits maison, des Ep distribués à tout-va, et un premier album bien plus sobre en 2004, When I Wanted To Be Your Dog. On a même entendu un temps qu’il souhaitait arrêter la musique. Quelle blague quand on découvre le talent sans fin que possède le garçon. Autant demander à la pluie d’arrêter de mouiller.

Toujours est-il qu’il revient en 2007 avec ce disque issu d’une première expérience studio à priori traumatisante. Plus habitué à l’intimité de sa chambre qu’à la froideur des salles d’enregistrement, le Jens est très sensible, il a des frustrations, des crises identitaires, mais il se prête finalement au jeu. Le résultat ? Des trésors d’inventivité orchestrale, des mélodies easy listening à chaque coin de rue, et surtout cette voix de crooner identifiable parmi mille autres.


Spécialiste des samples introuvables et des reprises obscures (The Avalanches, The Left Banke, Moondog, The Television Personalities…), Jens se fait un malin plaisir à inclure toutes sortes d’effets (faux craquements de vinyle, samples de lui-même à l’âge de 5 ans) autour de sa voix de baryton, claire et haut perchée. Tapis de cordes, trompette, saxophone, trombone, la parfaite panoplie d’une pop élégante façon Croisière s’amuse, ("If I could cry I would feel like this" très Roy Ayers) toujours à la limite du kitsch, certainement en mode hors-piste pour certains diabétiques.

Dès l’ouverture de "And I remember every kiss" Jens déroule le tapis rouge sur un sample de Jerry Goldsmith. Notons également "Your arms around me" qui peut faire office de parfait petit single, la ballade romantique so 60’s (et so Belle & Sebastien) "Shirin" ou encore "I’m leaving you because I don’t love you" (sic) et ses trois notes de piano. En fait chacun des douze titres est suffisamment réussi pour mériter sa ligne, même ce "Kanske ar jag kar I dig" façon Timbaland qui n’a donc à priori rien à voir et pourtant. Même El Perro Del Mar y met de son chœur sur le mielleux "A postcard to Nina" avant de laisser sa place à sa compatriote Frida Hyvönen.

En bref : un numéro d’équilibriste nordiste dans une veine intemporelle. On adore ou on déteste.




Le site officiel et l’album en streaming

A lire aussi : Figurines - When the deer wore the blue (2007)

Le clip de "Sipping on the Sweet Nectar" qui résume à merveille l’ambiance du disque, suivi du plus intime "A postcard to Nina" :




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20 juillet 2009

3ème Garden Nef Party d’Angoulême - 17 et 18 juillet 2009


Les yeux rivés vers le ciel, scrutant avec appréhension le moindre nuage suspect qui ne serait pas à sa place, c’est méfiants et équipés pour la pluie que se sont rués en masse les tout de même 18.000 spectateurs de cette Garden Nef Party troisième du nom. Après deux éditons plus que réussies propulsant le festival angoumoisin au rang des tous meilleurs français, tant dans l’organisation que dans la programmation (peut-être encore plus pointue que l’an passée), celle-ci s’est finalement déroulée sans trop d’encombres.

Découverte du site, poignées de mains, acquisition du gobelet salvateur, tout juste le temps d’être à l’heure pour la prestation Phoenixienne que j’avais raté à Barcelone. Eh là désolé Nickx, mais le plus international de nos groupes français ne m’a toujours pas convaincu. Rock à midinettes tout juste efficace, Phoenix s’il sonne bon les années 90 ne peut avoir d’autre ambition selon moi que d’atteindre le niveau d’un Nada Surf au meilleur de sa forme. Pas mieux. Quant à Ghinzu, c’est un peu le même combat avec un côté encore ultra grandiloquent et poseur. Mais enfin, on aime l’ambiance belge qui rappelle tant dEUS, Mud Flow, Girls In Hawaii et consorts.


A peine plus tard, c’est déjà l’heure de la tête d’affiche de cette Garden. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que de l’eau a coulé sous les ponts depuis la première fois où nous avions vu les Franz Ferdinand jouer en comité réduit dans une petite salle montpelliéraine. Le prospectus ne se trompe pas, les FF sont les Kinks d’aujourd’hui. Qu’on le veuille ou non. Le quartet de Glasgow a pris du galon et sort l’artillerie lourde sur un répertoire pas si évident que ça, donnant la part belle aux trois albums et démontrant aux plus aigris que derrière Alex Kapranos se cachent trois excellents musicos, à commencer par le batteur qui tire largement sa baguette du lot, et par la même le groupe vers le haut.

Un peu plus tard pas de surprise, ceux qui attendaient encore quelque chose de Vitalic en mode silencieux depuis quelques temps ont été cueillis par une douche froide. Déjà l’installation de ces miroirs / néons était fastidieuse, mais alors que dire de sa musique ? Poum tchak poum tchak poum tchak jusqu’à plus soif. La céphalée l’emporte.


Le lendemain et c’est déjà la dernière ligne droite (eh oui c’est ça un festival sur deux jours). Le public est toujours là, déambulant d’une scène à l’autre (eh oui c’est ça un festival sur deux scènes). Mon équipe et moi (la famille, les potes, Longueur d’ondes, Allomusic) on s’est dit qu’on allait peut-être aller voir des concerts sur la petite scène parce que la veille on l’avait plutôt joué mainstream. Bonne idée puisque je découvre John & Jehn, agréable duo local installé à Londres, Zone Libre Vs Casey, supergroupe français à la Rage (et très belle ouverture du rock au hip-hop) et The Jim Jones Revue, tout simplement parfait et qui nous rappelle par là même ce que c’est finalement que le rock’n’roll.

Côté grande scène, Mix Master Mike et son mix orgiaque nous font agréablement passer la pilule Santigold, absente de dernière minute pour cause d’angine. On oublie Papier Tigre également pour tous se mettre d’accord sur le fait que Cold War Kids c’est chiant. Ils ont l’air sympas et tout, mais c’est chiant. Par contre le couple The Ting Tings est une excellente surprise. Très électrobubblegumpop, mais diablement efficace. "That’s not my name" est d’ailleurs un sacré morceau de scène. Le bibendum Gossip leur emboîte la pas et livre un show beaucoup plus sage qu’à l’accoutumé, et on se dit que finalement c’est beaucoup plus un groupe à voir qu’à entendre. Heureusement l’énergie sauve des chansons qui finissent par tourner en rond.


Enfin, last but not least, quelqu’un que je n’attendais pas forcément allait nous retourner le cerveau. Mr Etienne de Crecy, non content de se targuer d’être l’un des pères fondateurs de la French Touch est encore un Dj monumental dont les beats transperceraient les tympans d’un sourd. Ajoutez à cela une recherche dans le spectacle constitué d’un Rubik’s cube géant (6m sur 6), tout illuminé et animé on ne sait comment, Etienne au centre (et donc surélevé), et c’est un plaisir de chaque seconde pour les yeux et les oreilles. Nous sommes bouches bée. Quelle plus belle façon de terminer ce festival ?

Si une météo et un contexte économique défavorables ont certainement été la cause des quelques milliers de festivaliers en moins par rapport à l’an dernier, l’intérêt pour les musiques indépendantes et alternatives est néanmoins toujours présent. C’est d’ailleurs peut-être ce qui sauve O Spectacles l’organisateur de l’événement qui assume à lui seul le déficit engendré, car oui, la GNP ne rentre pas dans ses frais, comme bien d’autres festivals actuels d’ailleurs, remettant ainsi en cause un fonctionnement à hauteur de 83% de recettes propres ( !) basé sur le bénévolat (au nombre de 360). Gageons que d’ici l’an prochain les choses devraient bien évoluer à ce sujet.

Le site officiel du festival

Les comptes-rendus des éditions 2008 et 2007

Photos Okluba Tadeusz / Isabelle Louvier ©

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16 juillet 2009

21èmes Eurockéennes de Belfort - 3, 4, et 5 Juillet 2009

Compte-tenu de la densité de l'affiche du festival, je ne vous proposerai dans ce compte-rendu qu'une perspective sur ces Eurockéennes de Belfort. Et puisque dans ce genre de grand festival, tout est question de choix personnels, je dois dire que j'en suis venu à me demander si j'y avais fait les bons, tant cette édition fut tristounette. Dès l'annonce de l'affiche déjà, il y avait légère déception. Le festival commençait à nous habituer à son ambition défricheuse, en programmant sous d'énormes têtes d'affiches des petits noms absolument pertinents, avec un sens de l'actualité et de l'anticipation tout à fait louable. Comme pour les crus, il faut certainement en vouloir à de nombreux aléas extérieurs. Mais pour un festival dont les programmateurs affirment tenir la prestation live pour principal critère de sélection, cette 21ème édition fut, oui, bien décevante.

Tout commençait pourtant plutôt bien avec le set de Yeah Yeah Yeahs venus présenter leur tout nouvel album et leur tout nouveau clavier. Une crainte disparaît : Karen O ne donne aujourd'hui plus tant dans le cri de truie que dans le chant véritable. Et entre les coups de punks, le groupe démontre en plusieurs morceaux (dont "Runaway" et "Way out") que Yeah Yeah Yeahs c'est aussi, et aussi étonnant que cela puisse paraître, de belles chansons pop. Mais les choses se gâtent avec The Kills, dont le concert est, à l'image de leur arrivée sur scène, ridicule d'attitude « rock'n'roll ». A force de prendre des poses pour un shooting de mode fantasmé, le duo enlève toute consistance à leur concert. Le lendemain, je me dis que j'ai déjà vu le Strasbourgeois Lauter plus convaincant, puis ne me remets pas de l'amertume que me vaut le concert de mes chouchous Peter Bjorn & John. Le trio n'essaie même pas de tirer parti de l'énergie sèche de leur dernier album Living Thing, et livre un set en guitares où seul le pantin bronzé aux UV Peter Morén semble s'amuser. Le génie de studio Bjorn Ytlling s'endort, et le public, une fois passé le tube attendu ("Young Folks"), quitte le chapiteau. Après un tel dépit, j'en viens même à mettre de grandes espérances en La Roux, avec qui, on s'en rend compte lorsque commence ce concert assez mollasson, le cool atteint les limites du mauvais goût. Tout comme chez Kanye West d'ailleurs, dont la voix autotunée agace au plus haut point., malgré d'énormes sons de synthé putassiers (mmmh).

S'ajoute à cela quelques incohérences dans le planning, qui ne semble pas tenir compte des paramètres de luminosité. Programmer Alela Diane en pleine nuit entre deux concerts rocks, c'est prendre le risque de décourager des spectateurs, et de créer un choc esthétique qui joue en défaveur de la folkeuse. De même, l'excellent concert soooo Neue Deutsche Welle des allemands de Schwefelgelb aurait gagné à être programmé de nuit. Je me pose donc la question de l'efficacité de ces repérages Eurocks. Puisqu'ils sont de plus en plus pointus et exigeants, ne pourrait-on pas les mélanger au reste de la programmation ?

Alors au final, ceux qui tirent leur épingle du jeu, ce sont les attendus Passion Pit. Ils devaient être les MGMT de 2009, leur inégal Manners a prouvé au contraire qu'ils resteraient en deçà. Mais sur scène, il s'en sortent en réalité mieux que la gloire de l'an passé à qui on les a étrangement comparés. Notons également la brutalité salvatrice de Kap Bambino, le beau voyage dans le temps proposé par le shoegaze de The Pains of Being Pure at Heart, et surtout la découverte des australiens de Sleepy Sun, mené par une sorte de jeune Bobby Gillespie habité, et dont le concert de rock psychédélique 70's était parfait. Rendez-vous l'an prochain.


Les vidéos de la plupart des concerts sont en ligne sur le site du festival.

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Concours - Polar Strong, vinyles à gagner


"Un mur du son infranchissable", "Du garage soft speedé", "Habile mélange de flux électrique et de filtres déformant", " Incendiaire !", les mots n’ont pas manqué pour accueillir Young Virgin Ep le premier 45 tours du combo bordelais Polar Strong. Surtout quand l’objet est mis en boîte par le plus indépendant des labels hollandais, A Fistful Of Record, poussant l’intégrité jusqu’à ne sortir qu’en vinyle (éditions limités numérotés à la main) des premiers 45 tours d’artistes garage émergeants, pour les laisser filer ensuite (Jeff Novak notamment).


En partenariat avec Babylone Promotion, Dodb a décidé de vous faire gagner 5 exemplaires de ces vinyles rarissimes. Pour cela il suffit de répondre à cette question :

Jeff Novak est le leader d’un groupe chroniqué sur Dodb, lequel ?

et d’envoyer votre réponse et vos coordonnées à contact@desoreillesdansbabylone.com avant le 15 août, avec l’intitulé "Concours Polar Strong" dans l’intitulé du message. Bonne chance à tous.

Le Myspace de Polar Strong et celui de A Fistful Of Records

En écoute, "Stinky arm", un inédit :


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10 juillet 2009

The Dodos - Visiter (2008) / Time To Die (2009)


Dieu seul sait pourquoi, j’avais complètement omis l’an passé de vous parler de ce passionnant duo originaire de San Francisco alors que Visiter son deuxième opus après un anecdotique Beware Of The Maniacs en 2006 m’avait occupé les oreilles quelques paires d’heures. A ne pas confondre avec les plus sages Toulousains The Dodoz avec un Z comme Zorro, le binôme formé par le chanteur guitariste touche-à-tout Meric Long et le percussionniste de haute précision Logan Kroeber fait partie de ces formations folk-freaks qui expérimentent. En positionnant dans une complicité maîtrisée les percussions acoustiques sur un même pied d’égalité que les fingerpickings de guitare, les deux drôles d’animaux atteignent assez vite une sorte de transe afro-folk extrêmement riche et mélodique. C’était évident sur Visiter, ça l’est peut-être encore plus sur Time To Die. Retour en deux actes sur l’élaboration de ce prototype pop-folk déjà cher à Islands, Yeasayer, et bien entendu Animal Collective.

Nous sommes en 2008, deux amis hirsutes un peu foldingues décident de remettre au goût du jour le power duo minimaliste en plaçant la guitare au centre de l’album et en l’accompagnant de percussions africaines quasi kraut-rock. Au bout du compte, sans vraiment avoir fait exprès, les Dodos pondent 14 titres extraordinaires tout de même notés 8.5 chez nos amis Pichefolk. Utilisant différents accordements, des arrangements camouflés et un mixage de qualité (l’écoute au casque donne évidemment le tournis), ce disque en deux parties est porteur d’une jolie ferveur infectieuse. Il n’y a qu’à écouter, allez au hasard, "Fools", pour se sentir entraîné par des morceaux affichant une bonne vitesse au compteur, plutôt rare pour du folk expérimental.

Sur "Joe’s Waltz" il ne faut pas aller chercher bien loin pour retrouver la filiation Animal Collective. On y trouve des moments abstraits et primitifs, mais aussi des moments de fulgurance électrique (à 4’40"). Un peu plus tard il ne faut pas s’étonner si l’on trouve mandoline (un "Winter" d’anthologie), glockenspiel, toy piano, basse fuzzy ou encore harmonies féminines. Economie de moyens Ok, mais à aucun moment on ne fait l’impasse sur les idées mélodiques. Il y a définitivement peu de ratés sur ce disque qui emprunte autant à Akron/Family ("Jodi") qu’à Sufjan Stevens ("The season") en passant par les séminaux Magnetic Fields (l’énorme "Paint the rust"). Un coup de maître !

A peine un an plus tard, et en septembre prochain sur nos terres tricolores (le 15), ils sont de retour en mode trio cette fois-ci, s’étant octroyé les talents de Keaton Snyder, vibraphoniste électrique émérite. Un instrument en plus qui fait sonner la bande davantage comme un groupe. Et à l’écoute de ce nouvel opus une chose est sûre : on y retrouve beaucoup d’ambition et de production. Côté manettes, c’est Mr Phil Ek qui s’y colle. Largement connu et reconnu pour ses collaborations avec Built to Spill, The Shins, Fleet Foxes ou encore Band Of Horses, il est pour beaucoup l’auteur de cette "renaissance" du groupe (pas mal pour un Time To Die). Là ou en 2008 on pouvait encore prendre The Dodos pour une sympathique formation lo-fi communautaire, en 2009 on en est bien loin et nos deux (allez, trois) gentils oiseaux sont dorénavant au niveau de Grizzly Bear par exemple.

C’est flagrant sur "Longform", tant dans la voix que sur les arrangements luxuriants. Egalement sur "Fables" au doux refrain destructeur. Si les titres sont toujours aussi longs (entre 4 et 6 minutes en moyenne), ils sont en revanche bien moins nombreux (9 contre 14 sur Visiter). Manque d’inspiration ou volonté de revenir à un format d’album plus court et plus direct ? Pour ma part je n’ai aucun doute, spécialement à l’écoute de "Two medicines" l’un des sommets de ce nouveau disque, à la fois carillonnant, créatif et maîtrisé, et mené à une cadence des plus entraînante. Peut-être peut-on seulement être déçu par une fin d’album un peu sage, et un certain polissage de l’ensemble sonnant beaucoup moins fanfare chamanique qu’avant, sans doute le prix à payer sur le chemin de la professionnalisation.

En bref : en provenance de San Francisco, deux puis trois drôles d’oiseaux encore en plein apprentissage de leurs moyens livrent en seulement deux ans deux albums de proto folk denses et excitants dont on attend le successeur (disons en 2010 ?) avec impatience. A découvrir d’urgence si vous appréciez les noms cités plus haut.



Le site officiel, le Myspace , Visiter en streaming et Time To Die aussi

A lire aussi : Grizzly Bear - Veckatimest (2009)

Le monumental "Fools" issu de Visiter et "Acorn factory" issu de Time To Die :




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09 juillet 2009

Lindstrom & Prins Thomas - II (2009)

A la différence du très électronique Where You Go I Go Too de son pote Lindstrøm, les dernières productions de Prins Thomas montraient une attirance grandissante pour un son “live”, plus instrumental, qui, tout en restant foncièrement disco, montrait le désir du Norvégien d’élargir son champ d’activité. Lindstrøm lui-même, lors de récentes interviews, affirmait aussi son envie de “sonner comme un groupe” et de s’engouffrer dans cette brèche électro-acoustique. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que le deuxième album commun des barbus cosmiques (sorti fin mai) sonne davantage comme un hybride kraut-funk que comme une nouvelle épopée space-disco. Rien d’étonnant non plus à voir fleurir les critiques peu enthousiastes un peu partout sur la toile, évoquant ici “la musique d’ascenseur”, là le côté “longuet” de ces plages de 7 à 13 minutes. Et pourtant...

Ces critiques me semblent un rien facile et inappropriées. C’est vrai, II n’est pas le genre de disque qui prend aux tripes. Plutôt un disque d’ambiance, de ceux qui accompagnent une rêverie, un voyage, un égarement solitaire. Aucun de ses titres ne s’adresse aux pistes de danse. N’en doutons pas, si les Scandinaves avaient voulu nous pondre une série d’hymnes mécaniques et de brûlots moroderiens, ils l’auraient fait sans aucun problème. La nature apaisée de cet opus relève donc d’un choix, certes discutable, mais qui a le mérite de présenter une nouvelle facette d’un binôme fasciné par les seventies et particulièrement par le krautrock et le rock progressif. Les références à Harmonia, Can, Brainticket et même aux Pink Floyd semblent cette fois avoir été privilégiées, les compères laissant de côté leur passion pour l’italo-disco.


Bien sûr, les synthés sont omniprésents. Mais leur utilisation relève moins de l’escalade euphorique que de l’installation d’un climat d’une douceur qui n’a pas grand chose de norvégien. Rien n’est ici conçu pour frapper l’auditeur en pleine face. Pour peu que l’on s’arme d’un peu de patience, c’est au fil d’écoutes répétées que se révèlent la finesse des harmonies et des arrangements et, finalement, le charme et la grâce de ce nouveau périple. Tous sur le même modèle, les morceaux se développent et s’enrichissent lentement autour d’un thème simple, qu’il soit imposé par le piano (“For Ett Slikk Og Ingering”), la basse (“Cisco”) ou la guitare acoustique (“Gudene Vett + Snutt”). Viennent ensuite les avalanches de bongos, les tourbillons analogiques et le nappage synthétique. La seule constante, c’est cette batterie qui doit un peu au kraut, et beaucoup au soft-rock californien à la Fleetwood Mac.

Je comprends que certains fans se sentent trahis en découvrant que leurs fournisseurs préférés de bombes disco donnent dans une telle fusion aux atours tiédasses. J’espère seulement qu’ils sauront surmonter leur déception et explorer les recoins de ce disque riche qui réserve quelques belles surprises, comme les choeurs et la guitare folk de la fin de “Flue Paa Veggen” (quelle belle langue que le Norvégien !), le final grandiloquent de “Cisco” ou celui, apocalyptique et noyé dans le phaser, de “Rett Pa”.

En bref : Lindstrøm & Prins Thomas délaissent le dancefloor le temps d’une jam marathon, convoquant kraut, funk et rock progressif pour un festin opiacé ancré dans les années 70. A réserver toutefois aux adeptes de longs voyages contemplatifs.



Lindstrøm & Prins Thomas - Cisco.mp3

A lire aussi : Lindstrøm & Prins Thomas - Tirsdsagsjam EP (2009) et Lindstrøm - Where You Go I Go Too (2008)

Les Myspace de Lindstrøm et de Prins Thomas
Le site du label belge Eskimo Recordings

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The Dead 60’s - Space Invader Dub (2005)

L’été est souvent l’occasion de rompre avec la routine. Emploi du temps, lieux, habitudes, rencontres, tout est différent. Aussi, j’ai pu me rendre compte qu’à intervalles réguliers depuis quatre ans, un disque hors de mes sentiers battus réapparaissait inexorablement sur ma platine les beaux jours venus. Et à ceux qui croient en lisant le titre qu’il s’agit encore une fois d’un énième groupe brit pop dont je me suis fait le porte parole, je vous dis détrompez-vous, nous avons à faire là à une formation hors norme, dissoute depuis 2008 dans la plus grande indifférence, qui s’était fait spécialiste à l’époque d’un revival dub ska dans le punk rock, façon Madness, Specials et Clash. Hors le résultat est sans appel, ce disque bonus puisque c’en est un, est un pur concentré de dub à la hauteur je pense de ce qui se fait de mieux dans le genre.

En 2005, le quatuor indépendant The Dead 60’s originaire de Liverpool débarque avec un premier album éponyme, pochette jaune pour les USA, rouge pour l’Europe. Sur cette dernière édition, les boys déjà peu avares en sonorités dub sur l’album dit "classique" ont eu la bonne idée d’enregistrer dans la grande tradition ska /reggae un album bis au titre qui claque, version dub, 100% instrumental. Et alors que l’album, le vrai, affiche 35 minutes agréables et originales mais pas franchement révolutionnaires, le disque bonus est un petit sommet dans la grande lignée des productions Mad Professor. Les responsables de ce 10 titres en sus ? Les Dead 60’s eux-mêmes aux instruments, quasi non reconnaissables, et aux manettes le producteur Central Nervous System dont on sait relativement peu de choses, si ce n’est qu’il officie principalement pour le label Deltasonic.

Un disque assez rare donc, qui s’écoute comme on sirote une Margarita sous un soleil de juillet. Eh si je manque de mots pour décrire ce genre que je pratique peu (lignes de basse rondes, oui mais-encore ?) je fais appel à vos commentaires avisés pour me confirmer mon coup de cœur, ce disque étant généralement bien reçu lors de passages impromptus en soirée. Le groupe a sorti son deuxième album Time to take sides en 2007 avec une orientation bien plus pop. Il a coulé depuis, mais il nous reste l’éponyme, et surtout, ce petit dub unique sorti de nulle part. A déguster sans modération.

En bref : méconnaissables là où personne ne les attendait, les Dead 60’s et un génial producteur inconnu signent un bel ouvrage dub à découvrir.




A lire aussi : Lee Scratch Perry - Arkology (1997)

Télécharger le disque

Numérisé par mes soins depuis le vinyle, "Tower block dub" et "Too much Tv dub" :




Au passage, pour vous faire une idée, "Ghostfaced killer" issu du "vrai" album :

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08 juillet 2009

Pepe Bradock - Swimsuit Issue 1789 (2009)

Puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, la sortie de la collection de remixes de Pépé Bradock sur BBE coïncide avec celle, plus confidentielle, de son nouvel EP sur son propre label, Atavisme. Je ne vais pas vous refaire l’historique du bonhomme, l’un des rares génies (oui, carrément) de la musique house, qui continue, à l’approche de la quarantaine, à joncher son parcours de bombes sans pour autant se prendre pour une star. Si, médiatiquement, le Pépé est plutôt du genre profil bas, il n’en va donc pas de même de ses productions, qui font l’objet d’un culte encore intensifié par une science de la rareté très au point. Exemple avec ce Swimsuit Issue 1789 uniquement pressé sur vinyl à tirage limité, et évidemment déjà épuisé sur la plupart des sites de vente en ligne. Il faut dire que les trois morceaux proposés sonnent comme autant de classiques instantanés, qui augurent du meilleur pour son prochain LP qui ne devrait plus trop tarder.

En face A, "Path Of Most Resistance" regroupe tout ce que l’on peut aimer chez Bradock : un côté house-garage à l’ancienne, un clap qui claque, des synthés enveloppants dans lesquels il fait bon s’emmitoufler… Le track dégage un feeling estival, une impression d’espace et de sérénité qui rappellent "Life", l’un de ses anciens faits d’armes. "CU @ Minna & Lafayette", en B1, perpétue cet esprit, quelques petits samples de piano et quelques cordes en plus. Enfin, le Français nous a réservé une bizarrerie de son cru avec un "Unapologetic Weightlessness" aussi trippé que son titre. Dénuée de beat, cette succession de vrilles synthétiques sonne comme le babil enfantin mais angoissant d’une assemblée d’extra-terrestres. Une belle conclusion pour un maxi impressionnant, l’un de ses meilleurs depuis longtemps.

En bref : trois classiques house par un Pépé Bradock au sommet de son art. A jouer "super loud", comme nous y invite le sticker de la face B !



Pépé Bradock – Path Of Most Resistance.mp3

Le Myspace
Le site d’Atavisme

A lire aussi : Pépé Bradock – Confiote de Bits / A Remix Collection (2009)

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07 juillet 2009

Iggy Pop - Préliminaires (2009)

Iggy Pop et Michel Houellebecq réunis pour un disque. Belle affiche. Pour ma part, je n’aurais pu trouver rencontre plus alléchante et intrigante. Que pouvait donc bien donner l’association – aussi inattendue qu’excitante – du mythique iguane et de l’écrivain français ? Quid d’un album annoncé sous influence de La possibilité d’une île, dernier roman en date de notre libidineux littérateur ?

Beaucoup, dès les premières écoutes, ont été surpris voire offusqués de découvrir un album à l’ambiance plus posée et suave qu’à l’accoutumée. « Merde ! Iggy nous fait du jazz maintenant ! ». Plutôt que jazz, je parlerai volontiers d’un certain blues-rock, joliment cuivré et aux accents baroques me rappelant sur certains titres un autre monstre sacré, Lou Reed. L’Américain livre un de ses plus beaux tours de chant, tout en langueur et en distinction. Sans pour autant renier sa culture rock – qu’il exprime assez nettement dans la seconde moitié du disque - le reptile se fait crooner et expose davantage sa corde sensible.

L’ouverture est sans appel. Pour nous accueillir – ou plutôt nous cueillir (délicatement), sur quelques notes d’orgue velouteuses et quelques discrètes pointes de guitare basse, Iggy Pop nous gratifie d’une magnifique reprise des « Feuilles mortes » de Prévert, originellement chantée – pour l’anecdote – par le plus qu’oublié Jacques Douai en 1947 et non par Yves Montand qui se targuait pourtant d’en avoir été le premier interprète. Je vous parlais de crooner, ce premier titre, livré dans la langue de Molière, en est l’éclatante démonstration, sublimement parachevé par un magnifique solo de clarinette. Enchaîné avec l’éblouissante quoique trouble « I want to go to the beach », il nous dévoile un chanteur charnu, fragile et chaud. Une facette plutôt cachée de l’icône américain.

« King of the dogs », avec ses cuivres fanfarons et son piano cabaret, verse dans un registre plus glamour et baroque à mon goût mais non moins appréciable. Il y a pour moi dans ce titre indéniablement du Transformer. Ceci étant dit, on pourrait abonder inlassablement en références légendaires au fil des 12 morceaux du disque. Cela serait à mon avis oublier trop facilement devant quel mythe et quel grand vocaliste nous faisons face.


Quelques que soient les dominantes des morceaux, du rock rageur « Nice to be dead » au blues garage aux guitares grasses « He’s dead / She’s alive », via des phases d’inspirations new wave (l’excellente « Party time ») ou jazz, règne une atmosphère erratique, menaçante, légèrement déroutante et indubitablement mélancolique. Isolé et pénétré par ses vies antérieures, comme pouvait l’être le personnage de Daniel 24 dans La possibilité d’une île, Iggy Pop, bien que fièrement dressé de toute sa hauteur, expose ses plaies et ses multiples personnalités

Pour la première fois, le chanteur a travaillé seul, ne rencontrant pas ses musiciens et à de très rares occasions Michel Houellebecq, l’auteur des textes. Incontestablement, cet ermitage lui a été bénéfique. Débarrassé de ses Stooges, il nous revient dans les habits d’un crooner blues inquiétant et caverneux, bien servis par les mots et les obsessions du Français ainsi que par des arrangements n’ayant pas souffert la distance.

En bref : En mode loup solitaire et plus envoûtant que jamais, l’iguane change de peau et se mue en ténébreux crooner blues. Pas un vague album à tendance jazzy d’une icône déchue, un disque bluffant d’un grand Iggy.




Le site web dédié à Préliminaires.

A lire aussi : Danger Mouse and Sparklehorse – Dark night of the soul (2009)

“King of the dogs” en live à France Inter :


“Les feuilles mortes” également à France Inter :

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06 juillet 2009

Juliette Armanet en concert aux Trois Baudets (Paris)


Fidèle à l'idée que je me fais de notre site, et pour faire profiter à certains de notre renommée internationale, voici un petit message totalement amical et emprunt de copinage. Pour la première fois sur scène avec un groupe, Juliette Armanet - par ailleurs documentariste émérite - foulera les planches mythiques de la salle des Trois Baudets, à Pigalle, le 17 juillet prochain. Dans ce lieu qui a accueilli bon nombre de grands noms de la chanson française lors de leurs débuts (Gainsbourg, Vian, Brel entres autres...), la jeune femme y déroulera un répertoire axé chanson - c'est la tradition aux 3B - accompagnée d'un backing band en forme de triplette (guitare, batterie, feedback/mpc). Au programme de la musique hermaphonique - ne me demandez pas de vous expliquer - et une découverte à faire pour les amateurs de douces mélopées.

Entrée 12/15€ (1 place achetée - 1 place offerte)
Le site web des Trois Baudets.

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Pepe Bradock - Confiote De Bits / A Remix Collection (2009)

Au même titre que Motorbass, Chateau Flight ou que son compère Ark (avec qui il officiait au sein de Trankilou dans les 90’s), Julien Auger alias Pépé Bradock fait partie de cette génération de DJ français qui a grandi avec le hip-hop et découvert la house et la techno au moment où émergeait un mouvement rave français. Pas franchement passionné par ce que l’on appelait la french touch, cet ancien guitariste jazz-funk a tout de même signé, en 1999, un énorme hit underground avec “Deep Burnt”, l’un de ces tracks dont on ne peut se lasser, avec son sample de Freddie Hubbard et ce mélange de tragédie et de joie intense qui caractérise souvent les morceaux importants. Créateur et patron du label Atavisme, Pépé ne se cantonne pas à la house et multiplie les maxis expérimentaux et les incursions dans l’afro-soul ou le broken beat, en gardant toujours un pied sur le dancefloor.

Comme DJ Koze il y a quelque mois, le très rare vétéran frenchie nous fait le coup de la rétrospective de remixes, et l’objet hérite du titre loufoque de Confiote de Bits. Remarquez, après le St Glin-Glin EP, Escalope de Dingue, Un Pépé en Or ou encore 6 Millions Pintades, il n’y a franchement pas de quoi être surpris ! Cette collection de 18 remixes, éditée par les Britanniques de BBE, couvre les douze dernières années d’activité du Pépé et s’ouvre avec l’une de ses relectures les plus monumentales, celle de "Mouth", du duo chicagoan Iz & Diz, sortie en 2002. “Aucun son électronique n’a été utilisé pour ce remix, juste des sons humains traités digitalement”, précisaient à l’époque les liner notes du maxi. Difficile de ne pas penser à Matthew Herbert à l’écoute de cette superposition de micro-samples vocaux au rendu ultra-soulful, qui s’achève par un improbable solo de kazoo. Pépé utilise le même procédé pour le moins impressionnant et plus éthéré “Love Vibe” des mêmes Iz & Diz.


L’un des plaisirs de cette compilation est de retrouver quelques belles pages de l'histoire de la musique électronique hexagonale, comme “Discobole” (1997), premier track né de l’association de Gilb’R et I:Cube sous le nom de Chateau Flight. Un morceau de disco-house filtrée encore très connoté “french touch”, tout comme le “Venus”, de Cheek (alias Gilb’R), dont nous est ici donnée une version funky et décapante. La house vocale et sexy de “Sense of Danger” et “I Am Falling" de Charles Webster, même dans les mains expertes de Pépé, a en revanche quelque peu vieilli. Ce qui ne l’empêchera pas de ravir les amateurs de sons new-yorkais à la Strictly House ou King Street.

Dans un registre plus chill, les relectures de Roy Ayers ou d’Alex Gopher se démarquent nettement, la première grâce à ses somptueuses cordes et son mille-feuilles percussif, la seconde par sa batterie jazzy et ses nappes atmosphériques, qui évoquent certaines prods de chez Ninja Tune. Enfin, comment ne pas considérer le remix de Cesaria Evora comme l’un des sommets de cette collection, avec ses handclaps légers et ses petites pointes de synthé acidulées ? Parmi les autres artistes revisités figurent Pete Namlook, Incognito ou International Pony (il manque juste la version de “Do Your Duty” de Candi Staton), mais j’en ai déjà trop dit... Les amateurs de house savent ce qu’il leur reste à faire !

A noter : les versions présentées ont été revues et corrigées par Bradock pour la sortie de la compilation. Aucune édition en vinyl n’est malheureusement prévue pour le moment.

En bref : la plupart des meilleurs remixes d’un flamboyant représentant de la house française, actif depuis plus de quinze ans. Un son unique, intemporel, gorgé de groove et de soul : la musique du Pépé reste fraîche comme une jouvencelle !



Iz & Diz - Mouth (Brad Peep’s Remix For Friends).mp3
Cesaria Evora - Angola (Bateau Ivre Rework by Pépé Bradock)

A lire aussi : section House

Le Myspace de Pépé Bradock
Le site de son label Atavisme
Le site de BBE

Juste pour le plaisir, LE classique de Pépé Bradock, "Deep Burnt" (1999)

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05 juillet 2009

Ghost - Freedom of thought (2009)

Comme le disait à juste titre Dave, le hip hop britannique ne traverse pas actuellement sa période la plus faste et prospère. Et à quelques exceptions près, le versant instrumental du genre n’est guère plus épargné que sa facette rap. Aussi voit-on notre plaisir décuplé lorsque, ponctuellement, un artiste parvient à se sortir de la nasse. Ainsi en est-il du producteur et Dj londonien Ghost. Après un premier disque extrêmement bien reçu – Seldom seen often heard en 2006 – le dénommé Simon Williamson récidive avec Freedom of thought, sorti il y a quelques mois sur le label rosbeef Breakin’ bread.

Avec ses plages instrumentales finement ciselées et variées, ses rap percutants aux délicieux accents brit’ et ses éclairs jazzy, Ghost ne met pas trois plombes à nous convaincre de la qualité de ses productions. Dj expérimenté et remixeur chevronné, souvent comparé à DJ Shadow ou J Dilla, le garçon a indéniablement plus d’une corde à son arc et a accumulé avec les années une bonne somme d’inspirations. Lignes de violons épiques, guitares wah wah à la coule, basses funky libineuses, arpèges de piano épurés, incursions de saxo ou de phases electronica, l’éventail est large et plutôt goûtu. Avec tout cela, il en devient difficile de distinguer un titre plutôt qu’un autre et l’on se laisse bercer par les sonorités feutrées et minutieusement sculptées du britannique, entrecoupées çà et là de titres rappés par ses camarades anglish Verb T, Finale ou Dubbledge.


Parmi les 18 titres en présence, on peut néanmoins retenir le morceau « Return journey », son vague à l’âme de piano et ses basses titanesques. La comparaison avec DJ Shadow prend ici tout son sens. En effet, les deux hommes semblent partager un même don pour tisser des ambiances abyssales et concocter de fluides mélodies sur fond de beat hip hop. L’orchestration est riche et d’une totale pureté. Ghost nous gratifie même d’un très rock et héroïque solo de guitare.

« Elevate » et sa coulée de sons digitaux féériques, peut donner une autre preuve de l’étendue du talent du garçon. Le blanc-bec Jehst s’en donne à cœur joie et fait résonner son rap british gouailleur – je ne me lasserai jamais de ce succulent accent - sur les lignes scintillantes et atmosphériques du Dj. La production est impeccable, c’est en plein dans le mille !

De nombreux titres, pour ne pas dire l’essentiel des titres, démontrent les qualités de composition du Britannique. Sans originalité démente et sans grain de folie il faut le concéder, il déroule un album plein, ambiancé et propice aux divagations, où la morgue de ses invités rappeurs le disputent à ses vapeurs musicales réglées comme des horloges.

En bref : Dans la catégorie des faiseurs de beat hip hop voilà un homme sur qui il faudra compter. Pour son deuxième album, le Londonien Ghost signe un disque dense à l’instrumentation pléthorique. Du beau boulot, à ne pas ignorer.




Le myspace de Ghost

Le site web de Breakin’ bread

A lire aussi : Speech Debelle – Speech therapy (2009)

Un mix de 30 minutes de Ghost ici.

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Sonic Youth - The Eternal (2009)

Sonic Youth le groupe, serait donc plus important que ses disques. A bien y réfléchir, ce pourrait être la formule idoine pour résumer la carrière atypique et parfois controversée du quatuor new-yorkais. Car finalement, y a-t-il dans la discographie foisonnante du combo bruitiste un disque, une période qui se détachent véritablement ? à tout le moins, l'album qui mettrait tout le monde d'accord ?

Les connoisseurs ont tendance à citer Daydream Nation (1988), album inécoutable s'il en est ; et pourquoi pas Sister, d'ailleurs, issu de la même époque (1987) ! Il y a aussi les adeptes de la période plus produite, plus léchée, qui inclut Goo (1990) et Dirty (1992), choix pertinent évidemment... pour ma part, j'avouerai une préférence pour Washing Machine (1995) et A Thousand Leaves (1998) ; on le voit, on n'en sort pas.

Alors pourquoi nous faire croire que cet album, le 16ème en studio, pourra être celui qui mettra tout le monde d'accord, au moment où Sonic Youth délaisse, après un long partenariat, la maison Geffen fourre-tout pour la plus indie-rock Matador de leurs camarades de jeu, les brillants Yo La Tengo ?

Parce qu'on en revient à un son plus carré, moins bêtement lo-fi, façon Goo ? Hmmm....pas suffisant ! Car si ce nouveau disque n'est pas moins bon (ou plus mauvais) que Murray Street (2002), Sonic Nurse (2004) et Rather Ripped (2006), les trois derniers albums avec Jim O'Rourke (qui a quitté le navire depuis), il n'a pas de quoi leur en remontrer non plus.

Car franchement, que nous apprend The Eternal ? Que Steve Shelley est un excellent batteur, c'est même le musicien le plus convaincant de la bande ; mais ça, on le savait déjà ! Il a le mérite de le prouver une fois encore sur "Sacred Trickster" et "Anti-Orgasm" qui ouvrent tous deux l'album sur les chapeaux de roue. Mais dès "Leaky Lifeboat", c'est la cata : on a droit à des "la-la-la" du couple Thurston/Kim qui, on s'en doute, feront moins date que ceux de Ira et Georgia (Yo La Tengo), comprendre qu'on les fredonnera moins volontiers sous la douche.

Alors, bien sûr, il y a la rythmique qui bastonne, les guitares qui cisaillent et s'entrecroisent sur des "Antenna" ou "No Way" qui doivent beaucoup aux chevauchées électriques du Crazy Horse du Loner ; mais enfin, il faut quand même s'envoyer un nombre de morceaux parfaitement anodins, quand ils ne sont pas pénibles ("Massage The History", soi-disant le sommet du disque, faudra qu'on m'explique !?) avant de tomber ENFIN sur une chanson mémorable, façon "Kool Thing", "The Diamond Sea", ou un "Karen Coltrane" d'antan, et c'est ce formidable "Walkin Blue" et son épatante mélodie binaire, que Lee Ranaldo (pas fou) s'octroie 

Et là Sonic Youth de rappeler, qu'au-delà du groupe arty prise de choux qu'il peut être aux yeux de ses détracteurs - voir à ce sujet l'article manquant de finesse du pourtant excellent Ungemuth dans le R&F # 503- il sait incarner aussi ce band humble qui, en oubliant de désaccorder ses guitares, compose des chansons pop parfaites. Fait d'armes devenu rare chez SY, et qui tend au syndrome slow hand : les anglophones onanistes comprendront.

En bref : pourquoi s'embêter à des formats de 4,5' bien écrits, et qui flattent l'oreille ? Quand on peut se complaire dans d'interminables morceaux où l'on s'écoute jammer sans direction? Tel pourrait être l'adage Sonic Youth. Qui, sans s'en référer au son, sait pourtant disposer d'un trio de compositeurs crédible.




le site, le Myspace

La video de "Sacred Trickster" :


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04 juillet 2009

DatA - Skywriter (2009)

Il y a des disques dont on attend peu de choses, tel était le cas du premier album de DatA. Certes, le Parisien avait fait amende honorable l'an passé avec Rapture, un très joli maxi façon flashdance, truffé de synthétiseurs et éminemment grisant. Mais qu'augurer de la fatidique épreuve du format long et de toutes les qualités qu'elle requiert ? A vrai dire, je voyais déjà venir au large le ratage et la galette irritante du fluokid éphémère – le pléonasme. Que nenni, le jeune homme s'en sort avec un certain brio et laisse entrevoir par moments quelques fulgurances de transe électronique rondement ficelées.

Presque sans surprise, on retrouve sur Skywriter tous les penchants musicaux du garçon entrevus sur ses précédentes productions, certains titres provenant par ailleurs directement de ses EP antérieurs. Les vannes des eighties sont grandes ouvertes, le déferlement de synthé est continu et les breaks de guitares électriques au rendez-vous – souvenez-vous du solo de “Rapture”. Mais il y a un peu plus chez ce DatA, une sorte d'effronterie et d'absence de complexe rendant ses compositions directes et réellement prenantes.

David Guillon, puisqu'il se nomme ainsi, oscille entre plages électro vocales groovy, “One in a million” par exemple, et tracks électroniques pures dans la droite ligne de ce qui a pu se faire en France depuis les incontournables Daft Punk jusqu'aux affreux Justice. “Nightmare” étant à ce titre la synthèse des influences de ces deux groupes repères. On en vient ainsi par moment à se dire qu'au final la veine n'était peut-être pas tarie par la nausée de basses séquelles engendrées depuis des années dans le sillage du duo versaillais. En effet, DatA tire son épingle du jeu et parvient à plusieurs reprises à nous faire décoller. Ce qui n'est déjà pas si mal pour un disque dont on n’attendait rien, vous en conviendrez.

Pour ce faire, il nous balance quelques très belles plages instrumentales – que je préfère nettement aux titres vocalisés – plutôt raffinées et envoûtantes. Pour ouvrir l’album, « Verdict » nous embarque dans une odyssée mélancolique entêtante introduite par quelques fines notes de piano classique et mise sur orbite par de pénétrants synthé moroderiens. Dans le même genre, « Renaissance theme » est tout aussi efficace et érectile. Le ton est ici plus héroïque et magistral mais l’ivresse synthétique est bien là. On notera par ailleurs le solo de guitare transi façon hard rock 90’s surgissant au milieu du titre.

Si l’on ajoute à cela un « Electric Fever » aux basses rebondissantes façon Mylo et une kyrielle de titres électro-pop bien foutus – « Skywriter » et « So much in love » notamment – on obtient au final un album plus qu’honorable qui nous poussera sans aucun doute à surveiller de près les prochains faits d’armes du jeune Parisien. To be continued…

En bref : Vous l’aurez compris, voilà un disque que l’on n’attendait guère mais qui se révèle une belle surprise. Certes pas révolutionnaire, DatA tient cependant la distance et nous réserve quelques envolées jouissives d’électro vintage. Amateurs de synthé 80’s, vous allez être servis…




Le myspace de DatA

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L'album en streaming : DatA - Skywriter


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