04 octobre 2024

Split Enz - Mental Notes (1975)

En voila de drôles de zozos. Septuor inclassable  originaire de Nouvelle-Zélande du côté d'Auckland et mené lors de sa meilleure période par son duo de têtes pensantes Tim Finn / Phil Judd tous deux compositeurs attirés et exclusifs, Split Enz s'est surtout fait connaître comme un groupe new wave à succès jusqu'au milieu des années 80.

Mais avant que de s'accoutrer de façon bizarre tantôt en Devo des antipodes, tantôt d'une manière qui a plus que dû influencer ....la Bande A Basile de nos contrées, Split Enz était en fait un groupe....prog-rock. Avec des compos à tiroir forcément ambitieuses et que servait évidemment le nombre conséquent des musiciens ainsi que leur dextérité. Tim Finn chanteur principal officiait aussi au piano tandis que Phil Judd était dévolu aux guitares et autres instruments à corde. C'est d'ailleurs sa mandoline que l'on entend dans l'intro du fabuleux "Walking down a road" qui ouvre l'album. Tandis que de nombreuses autres sonorités de clavinet, mellotron ou saxophone entendus ailleurs sur d'autres morceaux de bravoure évoquent eux fortement le glam arty d'un Roxy Music ; d'ailleurs les coupes de cheveux permanentées et / ou hérissées sont à l'avenant.
En vérité et même si la comparaison aura de quoi faire frémir ceux pour qui le rock progressif est davantage vu comme quelque chose de régressif, on pense à l'écoute de ce disque qui ne ressemble à aucun autre aux premières oeuvres de Genesis le groupe de Peter Gabriel. Finn notamment a ce chant aigu et affecté toujours à la limite du falsetto que soutient occasionnellement l'organe moins maniéré de Judd
La comparaison s'arrête là car les morceaux (10 au total dont un outro envoyé à la  va-comme-je-te-pousse) ont le mérite de ne pas être trop longs. De cet OVNI, on retiendra outre les titres déjà cités le crescendo de "Stranger than fiction", la dramaturgie de "Time for a change", son piano et ses synthés en adéquation, l'emphase et la concision de "Titus". Avec "Walking down a road", ce seront d'ailleurs les 4 titres réenrengistrés (dans des versions légèrement inférieures) pour Second Thoughts, deuxième album à visée plus internationale qui feront décoller le groupe. 
La mélodie à tiroirs de l'excellent "Spellbound"  et ses guitares saccadées est aussi l'un des climax du disque. Guère après ce dernier album Phil Judd quitte Split Enz et le groupe s'oriente alors vers une pop new wave réjouissante mais aussi plus conventionnelle. L'ajout sur le tard de Neil Finn frère de Tim, annonce la naissance de l' autre groupe "culte à succès Crowded House qui sera l'affaire du seul Neil, les autres comparses ayant quitté le navire.

Poursuivant une carrière à succès dans son pays mais aussi sur le marché anglo-saxon, Split Enz est de ces curiosités à redécouvrir toutes affaires cessantes. Le chant affecté et tout en tremolo de Tim Finn ravira les aficionados de Marc Bolan et T. Rex. Mais pas seulement.

En bref : il est rare de voir une oeuvre aussi singulière venant d'un groupe pourtant essentiellement estampillé pop new wave. S'il ne faut garder qu'un lp de Split Enz, c'est sans doute celui-là.

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28 septembre 2024

The Cure - Seventeen Seconds (1980)

The Cure devait opérer un virage à 180 degrés pour son deuxième long format. On avait découvert le trio de Crawley en Buzzcocks balbutiants (The Imaginary Boys - 1979) ; on les redécouvrait un an après en émules de Joy Division. Un clavier monophonique et brumeux (on était loin des chutes du Niagara pompeuses de Distingration quelque 10 ans plus tard) et tenu par l'éphémère Matthieu Hartley y faisait ainsi son apparition ; tandis que l'emblématique Simon Gallup remplaçait poste pour poste Michael Dempsey à la basse.

Finis les brûlots maladroitement expédiés dans toute leur ingénue fraîcheur, place à des mid-tempos cafardeux mais jamais plombants contrairement au funèbre et éprouvant Faith (81) qui devait suivre. Le seul point commun entre les deux disques était encore cette voix juvénile et diaphane caractéristique des premiers albums de The Cure. Dans ce disque fondateur et indéniable première grande réussite, le groupe parvient à véritablement ficher la frousse aux auditeurs, usant de courts instrumentaux à teneur cinématographique très évocateurs : "A reflection", "The final sound" et notamment ce terrifiant "Three" qui n'aurait pas déparé sur la BO du Halloween de Carpenter. Emmené aussi par une batterie minimaliste souvent enregistrée à l'envers et la  guitare en ligne claire (la marque des grands) de Robert Smith occasionnellement nimbée de chorus et de flanger. Aucun effet ne parasite cette six-cordes et lorsqu'il est à entendre une saturation, cela vient uniquement de la Fender de Gallup qui vrombit sur "At night". La délicate "M" est une ode à Mary alors fiancée et future Mme Robert Smith/ Même si le groupe fut taxé d'inviter au suicide sur le morceau-titre, Seventeen Seconds distille son spleen sans esbroufe.  Clippé sommairement, "Play for today" ne sortira pas en single et c'est fort dommage tant sa mélancolie enlevée fait mouche au travers des harmoniques intelligemment posées par Smith. C'est au contraire le mastodonte "A forest" qui connaîtra les joies des charts. Tout le monde connaît cette incontournable des sets du groupe qui paraît ici bien chétive en comparaison avec les versions puissantes données live ; et l'on pense évidemment à la version définitive figurant sur le live Concert de 84. On lui préférera sans doute d'autres morceaux parmi lesquels la chuchotée "Secrets" ou l'irrésistible "In your house" devenue au fil des années l'un de ces autres classiques à la beauté immuable.

Premier disque d'une auto-proclamée trilogie que chérissent de nombreux aficionados curistes, Seventeen Seconds est doublement d'importance : d'abord il lance véritablement la carrière de The Cure et c'est sans doute celui qui supporte le mieux l'épreuve du temps en dépit d'une batterie datée au Carbone 14. Plus mélodique que Faith, bien moins emphatique que Pornography, l'écoute du premier classique du groupe ne nécessite pas dans son cahier des charges d'être habillé comme un croque-mort.
Ce disque, il convient de se le procurer dans sa version britannique d'origine pour en apprécier la superbe pochette texturée.

En bref : l'envol d'une carrière à la longévité sans pareille dès ce deuxième album digne de ses inspirateurs new wave. Un style encore balbutiant mais déjà des chansons aux allures de classiques.
 





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22 septembre 2024

Siouxsie And The Banshees - A Kiss In The Dreamhouse (1982)

5ème album de la grande prêtresse du rock goth, A Kiss In The Dreamhouse clôt la période la plus passionnante du groupe formé par Siouxsie Sioux et le bassiste Steven Severin. Auxquels se sont joints dès 1980 l'extraordinaire batteur Budgie (alors partenaire de la dame à la ville) ainsi que l'un des multiples John guitaristes embauchés par le trio au cours de leur carrière et non du moindre. Puisqu'il s'agit de John McGeoch, le Kid Congo anglais, au CV long comme le bras. Fondateur des mythiques Magazine, il a aussi joué au sein de Visage et s'en ira frayer avec PiL quelques années plus tard.
Son subtil jeu de guitare basé sur de rouées harmoniques couplées à des arpèges mêlant cordes "jouées" et cordes à vide qui influencera plus d'un guitariste britannique irradie sur cet album à haute connotation psychédélique.

Témoin la bigarrée pochette qu'on dirait échappée de Klimt sur laquelle et c'est unique pour être signalé, figurent les visages des quatre Banshees. Très en voix, Siouxsie aligne ici moult classiques qui seront avantageusement repris dans Nocturne le live de 83. Qu'il s'agisse de "Cascade", "Melt!", du trépidant "Painted bird" ou de "Slowdive" les quatre au summum de leur forme déploient des trésors d'instrumentation et d'idées de production.
La batterie de Budgie élégamment mixée martèle ses toms sur "Cascade et il faut voir les incroyables contre-temps sans cesse décalés lors de chaque refrain qui sont infligés à "Green fingers'' rappelant et sublimant  ceux de "Happy house" dans l'excellent Kaleidoscope (80). Tout est onirique dans cette chanson introduite à la flûte et l'on perçoit les influences psychédéliques du rock anglais qui obsédaient alors le groupe.
Toujours à la recherche de sons nouveaux, les Banshees font pour la première fois appel à une violoniste et à une violoncelliste sur le spasmodique "Obsession" ainsi que sur "Slowdive. Jamais avares d'expérimentations, Siouxsie et ses hommes rivalisent d'inventivité offrant au classique"She's a carnival" un curieux outro d'orgue hanté interprété par un Steven Severin très inspiré.
Et McGeoch de parer "Circle" sur lequel Budgie convie un nouvel esprit tribal, de sons synthétiques de chasse à courre. 
L'album sans doute le varié et foisonnant de l'histoire du groupe est ainsi à l'avenant. Le magnifique "Melt!" et ses roucoulades de mandoline reproduit en début de face B la même émotivité et le même lyrisme que "Cascade" ; Siouxsie n'avait jamais aussi bien chanté jusqu'ici. Et s'octroie même une parenthèse jazz dans la ouate sur "Cocoon".

Assez curieusement, A Kiss In The Dreamhouse bien qu'ayant connu un grand succès critique et auprès des fans n'est pas l'album le plus cité de la célèbre trilogie des Banshees. Les aficionados du groupe lui préférant généralement Juju pourtant très monochrome en comparaison. En effet, qu'il s'agisse du chant ou des compositions et particulièrement du genre goth-punk largement transgressé ici n'étaient les effets de chorus et de flanger propres aux guitares, ce dernier album enregistré avec le magicien McGeoch qui hélas sombrera dans la dépression et lui fera quitter le groupe peu après, est de loin ce que Siouxsie And The Banshees ont produit de plus achevé.
Par la suite, Robert Smith reprendra un temps et avec brio le legs de McGeoch et le groupe enregistrera deux bons disques avec John Carruthers Valentine (futur Mabuses) mais rien qui atteigne la perfection de cet espèce d'âge d'or connu entre 1980 et 1982.

En bref : l'inventivité à tout crin d'anciens punks reconvertis goths qui ici transcendent et rivalisent largement avec leurs influences pop psychédéliques les plus enfouies.
 





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15 septembre 2024

Jean-Louis Murat - Parfum D'Acacia Au Jardin (2004)

Assez curieusement et de façon incongrue, le 12ème album de Jean-Louis Murat (hors ep's, live) est souvent considéré comme une livraison à part et n'est pas comptabilisé ni classé comme ses autres disques. Il s'agit pourtant de 13 nouvelles chansons enregistrées en une prise live et en studio et toutes clippées sous la forme d'un DVD lors de sa première parution. Et donc d'un album studio à part entière.
Participent à l'aventure l'accompagnateur de presque toujours, le regretté Christophe Pie (apparu dès Vénus) aux claviers et à la guitare, les désormais indispensables Stéphane Reynaud à la batterie et notamment Fred Jimenez arrivé dans l'équipage lors de l'enregistrement de Le Moujik Et Sa Femme (2002). Enfin la chanteuse Camille vient susurrer et appuyer des choeurs qui font écho aux textes ciselés de l'auteur-compositeur sur quelques titres.

Jean-Louis Murat toujours extrêmement généreux dans ses livraisons de nouvelles chansons (pratiquement un album par an depuis ses débuts) connaît la période la plus féconde de sa carrière lorsque paraît ce nouveau disque au magnifique morceau-titre. Il vient de publier le premier et non des moindres de ses deux triple-albums, Lilith l'année précédente ; et est sorti début 2004 A Bird On The Poire, disque qui a joui d'un beau succès d'estime, coécrit avec Fred Jimenez.
Constitué intégralement de mid-tempos, Parfum....réussit ce bel équilibre d'alterner déflagrations électriques et chansons plus intimistes ; se détachent notamment "Ce qui n'est pas donné est perdu", "Ton pire ennemi, le facétieux "Dix -mille (Jean) Louis d'or", le somptueux et émouvant "Qu'entends-tu de moi que je n'entends pas ?" et des chansons au format plus traditionnel. Si "Fille d'or sur le chemin" évoque la plume d'un Brassens, la surannée "Elle avait le béguin pour moi" est construite peu ou prou sur la même progression d'accords que "Parfum d'acacia au jardin"
Une autre très belle réussite est ce "En souvenir de Jade"où le timbre à la fois mâle mais portant sa part de féminité de l'artiste parvient à délivrer des lyrics qui embarrasseraient chez beaucoup de tâcherons de la variété française  "il est temps / cher enfant / de mettre de côté / toutes tes vanités" s'ils n'étaient conduits avec autant de grâce et une diction parfaite.
Une chanson a également fait parler, c'est le très beau texte de "Plus vu de femmes" que d'aucuns ont pu taxer de phallocrate quand il décrit assez précisément l'homme-qui-aimait-les-femmes qu'était Murat :
"Plus vu de femmes / au monde incertain / faire autant fi des lois de l'hymen / de femmes d'un monde nouveau / ¨Plus vu de femmes / nous laisser autant seuls/............Jamais autant passé de marquis à quidam / Autant vu de nomades à bigoudis / Jamais autant bu le paradis avec dames....
L'album se termine par le cri de "Qu'entends-tu de moi...." et ses spasmodiques cut-ups à la limite de l'anacoluthe tels que les affectionnait Serge Gainsbourg.
Cette formule guitare/basse/batterie sera désormais systématiquement reconduite dans l'oeuvre de l'auvergnat, par choix artistique mais aussi en raison de considérations économiques : Murat pour être culte répétait à l'envi que ses ventes d'album ne lui permettaient pas de supporter des coûts de tournée trop élevés. Ca n'avait de toute façon jamais été son leitmotiv lors des concerts mais on se souvient de disques aux instrumentations riches comme le magnifique Mustango (99) ou bien Lilith. Dorénavant seul le songwriting compterait et le mot d'ordre serait le dépouillement.

La disparition de l'un des derniers grands auteurs-compositeurs de l'Hexagone en 2023 aura d'autant plus été vécue cruellement par tous ses fans du fait de la médiocrité ambiante de la chanson française contemporaine. C'est cette empreinte que laissera Murat, plus que le personnage bougon et faussement aigri qu'il s'était plu à créer et à cultiver pour quelques médias complaisants. La littérarité de son oeuvre, la richesse de ses mélodies et sa manière claire et unique de chanter sont ce qui nous le fait le plus regretter ce "paysan de la chanson'' terme dont il aimait s'affubler.
Pour ses 20 ans, Parfum D'Acacia Au Jardin a enfin été gratifié d'une superbe première édition vinyle sous forme de rutilant coffret.Existe-t-il encore une raison de se priver de l'écoute de ce sommet ?

En bref : l'une des grandes oeuvres du plus fécond et doué auteur-compositeur encore récemment en activité. Un dépouillement de bon aloi qui sert une musique et des textes invariablement aboutis.

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11 septembre 2024

Badfinger - Straight Up (1971)

Ce jour où John Lennon se blesse le doigt et donne involontairement son titre de travail à Sergeant Pepper....
 
Ne pas se fier aux mines réjouies de la pochette. Tom Evans donne l'impression d'arborer une chapka mais là encore il s'agit d'un leurre. En vérité et on ne le sait que trop, Badfinger est à la fois le plus poissard des groupes de rock de l'histoire et aussi le plus injustement méconnu des grands groupes en -B : Beach Boys, Byrds, Beatles, Bee Gees, Band, Buffalo Springfield, Big Star....
Leur parcours est même impressionnant de déveine et de destins hélas sacrifiés.

Pourtant, tout avait idéalement commencé. Adoubés par les Beatles qui en firent leurs protégés et très vite la tête de gondole de Apple  leur label nouvellement créé, tout semble idéalement réussir à Badfinger, anciens The Iveys groupe pop d'ascendance galloise. Déjà les mecs ont du charisme et surtout un talent fou pour trousser des vignettes pop débordantes de maîtrise. Tout comme les Beatles....et l'ensemble des groupes précités, le groupe compte en son sein 3 compositeurs. George le 3ème homme s'amourache d'eux au point que Badfinger figure tout entier au casting du fantastique All Things Must Pass (1971). D'ailleurs il est aux manettes et produit ce troisième album aux côtés du fou notoire Todd Rundgren qui a entre autres à son actif les mythiques premières oeuvres de Sparks ou New York Dolls ; chacun gére séparément ses titres
Pete Ham remarquable leader naturel et guitariste doué aux côtés de l'autre homme fort le bassiste Tom Evans, est un peu moins en verve par rapport aux albums précédents où il signait quasiment tout avec son binôme. Enfin si l'on peut dire car tout de même 5 des 11 titres sont de lui. Et quels titres ! "Take it all", "Baby blue", ''Perfection", "Name of the game", "Day after day" excusez du peu ; et son timbre écorché fait une nouvelle fois merveille. Les deux derniers titres notamment sont impressionnants de solennité et de recueillement.  Evans n'est pas en reste même si plus effacé il ne signe que 3 titres dont "Money" (pas celui-là l'autre !) 
Et c'est surtout l'émergence de Joey Molland qui est remarquable et contribue aussi à faire de Straight Up troisième album du quatuor le sommet créatif du groupe. Qu'on en juge : "I'd die babe" sensationnelle pop song early Fab Four que Lennon et Macca ont oublié d'écrire, le boogie couillu de "Suitcase", la tendre et acoustique "Sweet Tuesday morning", l'une des plus formidables ballades du groupe.
Même si les relations avec Rundgren sont orageuses, il y a de bonnes vibes avec Harrison qui distille sa slide ici et là, ou le grand Leon Russell qui est du casting sur quelque partie de piano ("Day after day") ; l'album rencontre un certain succès et tout paraît propice à un bel avenir.
On connaît la suite : le deal prétendument juteux avec Warner pour échapper au requin Allen Klein, aboutira à la disgrâce du groupe. Ni les excellents Ass en 1973 qui est antérieur à la signature  et contient le mirifique "Timeless" ni  Wish You Were Here de 74 (soit un an avant l' ''autre'' n'enfonceront le clou. Entre temps un agent véreux leur a subtilisé toute l'avance consentie par leur nouveau label. Wish You Were Here est retiré des bacs, un nouveau très bon disque Head First ne paraît pas et posthume, ne sera dévoilé que très ultérieurement.
Lassé de toutes ces avanies, Pete Ham se suicide par pendaison en 1975 ; il est d'ailleurs l'artiste majeur régulièrement omis du club des 27. Et fait unique dans les annales du rock, son ami et complice qui pourtant avait dignement continué l'aventure avec Joey Molland reproduit le même geste fatal de Pete en 1983. 
‘’In a way / The sun has shone on me... ‘’ Tu parles !


On ne compte plus les groupes qui vouent un culte à Badfinger. Tous ceux pour qui les power chords et les refrains ciselés ont un sens doivent leur obole aux quatre de Swansea. Les puristes, ceux qui savent leur ont octroyé depuis longtemps une place de premier choix et qui ignore le Hall Of Fame.

En bref : le destin hors du commun de Badfinger est un cas d'école. Dépositaires d'une discographie dont 3 albums sont des sans-faute, Straight Up est celui qui encapsule le mieux le talent d'un binôme infernal. A redécouvrir et / ou à défendre plus que jamais.


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09 septembre 2024

Hoodoo Gurus - Mars Needs Guitars! (1985)

Au cinéma, il est toujours plus facile d'émouvoir sur un sujet grave et universel qu'il n'est aisé de déclencher des fou-rire de qualité au plus grand nombre. En d'autres mots, on se demande parfois à l'aune du disque qui nous occupe s'il n'est pas plus simple de briller en donnant dans la musique cérébrale, arty et qui se la raconte plutôt que dans le sacro-saint axiome  couplet/refrain/couplet/refrain/pont/refrain évidemment plus convenu.
La pop guitare-basse-batterie serait-elle une recette galvaudée ?
Dave Faulkner, leader en chef des Hoodoo Gurus déclarait tout de même dans Best pour la sortie de l'excellent Magnum Cum Louder (4ème album du groupe) en 89 :
"Mes chansons s'écoutent peut-être bien mais qu'est-ce que j'ai du mal à les pondre !"

Lorsque naît à Sydney Le (sic) Hoodoo Gurus au tout début des années 80, le groupe déjà emmené par son chanteur-leader Dave Faulkner est une sorte de groupe sonnant comme les Cramps  c'est-à-dire sans bassiste,  doté de deux guitares gavées de reverb et d'une batterie derrière laquelle officie James Baker, pas le Secrétaire d'Etat américain mais le musicien qui officiera au sein des Scientists, Dubrovnicks et autres Beasts Of Bourbons, mythiques formations australiennes. Cette formation sauvage n'existera que le temps d'un simple, le garage et très tribal "Leilani". Assez rapidement une ossature va se dessiner une fois les 3 premiers acolytes partis. Parmi eux les fidèles Mark Kingsmill remplaçant de Baker et parti depuis et le guitariste beau gosse Brad Shepherd.
Mars Needs Guitars! est l'album leur deuxième  qui les fait connaître en Europe et dans le reste du monde. Le son s'est affiné sans plus aucune aspérité et le groupe réussit une salve de chansons dont on se demande encore pourquoi et comment elles ne sont pas devenus des tubes. Pas moins de 4 simples  sont extraits, la très charmeuse "Bittersweet" sur laquelle l'on distingue le timbre d'une activiste pop, la regrettée Wendy Wild. Suivent "Poison pen" qui sonne très Dogs, et les endiablées "In the wild" et "Like a wow wipeout". Avec les Hoodoo Gurus, lorsqu'on aime la pop la plus pure, on est servi : à l'image des remerciements déclinés au verso de la pochette qui citent des gens aussi intègres que Flamin Groovies et Fleshtones; les fameux couplets et refrains proposés en enfilade sont étincelants. On navigue ici en pleine ligne claire sans aucune distorsion. A l'image de sa musique simple et accorte Dave Faulkner s'avère la valeur ajoutée de son groupe ; son timbre aigu et avenant l'emporte aussi bien sur le terrain pop que sur les chevauchées plus hillbilly ("Hayride to hell"). Laissant éventuellement le micro au chant tout de testostérone de Shepherd le temps d'un brulôt ("Mars needs guitars!") les Hoodoo Gurus incarnent tous ces rêves de groupes fantasmés lors des sixties : ceinturés de cuir, chemises à jabot, vestes de velours, l'école des garage bands en tout de même beaucoup moins fruste et beaucoup plus racé dans le songwriting.
Le final dans un déluge de chambre d'écho s'intitule "She" et n'est pas le classique de Aznavour revisité par Costello mais bien l'un des multiples sommets de Faulkner.

Malgré le contexte d'une musique passée de mode et qui depuis l'âge d'or des Beatles ,n'a plus jamais fait vendre, malgré les vicissitudes d'une carrière aussi longue, en dépit de la maladie qui a pu affecter Brad Shepherd et du break inhérent à toute formation, les Hoodoo Gurus sont toujours sur la route et continuent à produire des disques sans doute moins essentiels que ceux qui les ont fait quitter leur terre natale. Mais à la manière de leurs frères d'armes baroudeurs susmentionnés auxquels on peut rajouter Redd Kross, ces gens mourront sans doute sur scène car incapables de faire autre chose. Pour notre plus grande joie.

En bref : le parcours sans faute de musiciens aussie devenus prophètes mais pas uniquement, dans leur pays. Ceci est sans doute leur meilleur disque et une très revigorante ode aux power chords.


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08 septembre 2024

Nick Cave & The Bad Seeds - Wild God (2024)

Cet album de l'épiphanie qu'on n'attendait plus. Nick Cave et ses Bad Seeds ont à nouveau enregistré en France, au studio Miraval cette fois. Il fallait remonter loin (Dig, Lazarus dig!!! en 2008) et plus encore (Abattoir Blues / The Life Of Orpheus en 2004) pour retrouver l'australien à ce point fringant et son groupe aussi dynamique.
Bien sûr entre temps l'artiste aura perdu deux de ses fils dont un auquel il a consacré un album déchirant ;  et c'est plus qu'un humain ne saurait endurer.

Les Bad Seeds originels ont peu à peu quitté le navire, laissant Warren Ellis quasiment seul aux manettes comme un substitut à Mick Harvey. Les notes profondes du Korg, magiques mais parfois ennuyeuses. ont peu à peu pris le pas sur les guitares menaçantes de jadis. On vénérait Nick Cave à son plus apaisé (The Boatman's Call, album certifié 100% ballades) mais on renâclait à ce son émasculé dont Warren Ellis le gratifiait depuis des années.
Voici Wild God  ou le coup d'état permanent de l'orchestre, d'une chorale omniprésente qui donne une fièvre incroyable à l'ensemble. Déjà les deux singles distillés au début de l'été et que l'on retrouve ici rappellent forcément aux plus nostalgiques les grandes heures des Bad Seeds d'antan, avec violons princiers, rythmique souple des rescapés Martyn Casey et Thomas Wylder. Tout comme le morceau d'ouverture, le formidable ''Song of the lake" non utilisé en single dont l'esprit est plus que jamais à la parabole, à la rédemption  ; Nick Cave évoque-t-il les berges du Styx auxquelles le sort contraire l'a amené ? Le crooner confirme en tout cas son retour en forme via le superbe morceau-titre qui offre en éruption un break gospel à mi-chemin.  

L'immense "Frogs (single de l'année ?) emboîte le pas à "Wild god" pour clore une entame qui justifie à elle seule la possession de cet album.  Comme le dirait la mascotte de Groland, « c’est la fête ! » Si le rythme ensuite retombe peu à peu ensuite, c'est pour donner libre cours à de tendres odes aux femmes aimées vivantes ou disparues dans une liturgie - pour les distraits, Nick Cave a toujours été obsédé par la foi et cité la Bible - qui n'a plus rien de plombante. Le magnifique "Final rescue attempt" convie l'auditeur à entendre les louanges adressés à  son épouse Susie. Ou bien le très beau "O wow o wow 'how beautiful she is)" qui met les poils puisqu'il cpnvoque le fantôme d'Anita Lane la muse des premières heures et créditée sur le premier Bad Seeds, récemment disparue.
On entend ainsi sa voix samplée. 

Pas même l'inattendu et désagréable autotune sur ce dernier titre ni cette décevante pochette (alors qu'un si beau portrait orne l'intérieur ne parviennent à minimiser l'impact du retour en grâce du prêcheur ; c'est un signe.

En bref : l'album de la résilience pour Nick Cave. Et des Bad Seeds pour ce qu'il en reste qui retrouvent enfin de leur panache. Certaines orchestrations frisent ici le sublime et de nombreux nouveaux classiques s'ajoutent au riche répertoire de l'artiste. Un retour au premier plan inespéré.

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Fat White Family - Forgiveness Is Yours (2024)

L'histoire passe souvent à côté de groupes comme Fat White Family à cause de leurs aspects foutraques. On se souvient que lors de la scène baggy du Madchester des années 90, beaucoup n'avaient retenu de Happy Mondays que l'image d'une bande de drogués ingérables au talent relatif. C'étaient pourtant individuellement d'excellents musiciens et leurs compos même si elles piochaient à droite à gauche, faisaient plus que tenir la route.
Les mêmes remarques auront été formulées sur Fat White Family sauf qu'ici la musicalité saute aux yeux.

Le COVID, ce long hiatus qui a paralysé bien des groupes aura donc été fatal aux frères Saoudi. Ces derniers se sont séparés avec fracas de Saul Adamczewki, l'autre tête pensante de l'aréopage. Ce dernier avait pourtant élaboré des drones et des boucles en vue de ce 4ème album, incontestablement le plus abouti depuis l'ébouriffant Champagne Holocaust qui les vit émerger. Son ombre fait plus que planer sur ce disque sur lequel apparaissent furtivement quelques une de ses compositions. D'autant que celle-ci remet en question l'existence même de Fat White Family devenu plus que jamais l'affaire de Lias Saoudi et de son frère Nathan. Si des esprits chagrins auront vu les natifs de Peckham se saborder ;  dès l'ouverture,  Forgiveness Is Yours place haut la barre du lâcher prise avec deux exercices de spoken words. Les bourdonnants "The archivist" et "John Lennon" - ce dernier inspiré d'une rencontre inopinée avec Yoko Ono - et les textes débités au kilomètre, laissent libre court au flow de Lias qui se pique de poésie et de littérarité. "Visions of pain" parle de la religion en des termes peu amènes, usant de la prosodie du célèbre "Aguas de Marca" de Tom Jobim. Exercice de style audacieux mais réussi. 
"Today you become man" est une narration haletante qui relate la circoncision du frère ainé de Lias. La question de combien de chansons ont ainsi évoqué le sujet du prépuce sera désormais posée. "Religion for one" propose ce très intéressant constat d'une civilisation et d'une époque obsédées par l'image et les écueils narcissiques qui en découlent. Avec ces mots terribles "You're not the picture, not even the frame / Just a dog drinking up my reflection". La Société du Spectacle de Guy Debord revisitée, il fallait y penser ; Lias l'a fait. Avec cet étrange plainte de muezzin en fond, Fat White Family ne craint pas de mélanger les genres ; la mélodie est simple mais superbe. Tout comme celle entêtante de "Feed the horse" dont on ne jurera pas qu'elle est est dénuée d'intentions salaces.
Cela passe ou ça casse. Ainsi de l'electro "Polygamy is only for the chief" l'ode Raëlienne à la ritournelle cabaret inspirée de Dietrich que Lias écoutait au moment de l'enregistrement, Fat White Family comme les bons osent tout et c'est à ça qu'on les reconnaît. N'hésitant pas à se mettre en danger dans le sequencing en plaçant des titres "difficiles en début d'album ni à aborder des styles épars qui ne retirent aucune cohésion à l'ensemble. Cette fois-ci les collaborations ont été nombreuses au sein des membres qui mettent tous la main à la patte au point qu'il est parfois difficile de déceler avec exactitude qui a composé quoi pour suppléer Saul.

Disque intelligent et fourmillant d'idées de productionn Forgiveness Is Yours est la pierre de voûte d'une discographie insaisissable. Une chose est sûre, peu de groupes dans le paysage musical des 2020's se seront montrée aussi authentiques et maîtrisés en dépit ou grâce à tel chaos. Les derniers rockers ?

En bref : le disque inclassable d'un groupe inclassable, l'un des plus passionnants d'une époque relativement en berne. Celle d'un groupe libre qui joue à l'arrac

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23 juin 2024

Iggy Pop - Soldier (1980)

Il y a des disques comme ceux-là que personne ne peut  souffrir. Qui sont au mieux considérés comme de sympathiques oeuvres mineures. Au pire comme d'inutiles avatars, albums dont on ne condescendra à ne sauver que les proverbiaux singles. Ainsi le reggae festif de "Loco mosquito" sur lequel Iggy se fend de "bzzzz bzzz" que pourrait lui disputer Lux Interior. Ou bien le furieux "Knockin' em down (in the city").
Plus que des guilty pleasures, heureusement qu'ils existent. On ne les chérit que davantage.

Après son remarquable coup double RCA - The Idiot et Lust For Life tous deux de 1977- Iggy signe chez Arista pour une période plus...troublée dans sa carrière artistique. Si New Values (79) plutôt bien foutu recueille généralement la majorité des suffrages et que Party (81) au contenu aussi ignoble que sa pochette se contente de quelques miettes ; en revanche rien pour celui qu'il est permis de considérer pourtant comme le plus réussi des disques dits mineurs d'Iggy. Si l'on songe que le très inégal Zombie Birdhouse (82) a lui aussi ses aficionados, on peut considérer que ce disque est un peu son Sally Can't Dance à lui. Son disque maudit.
Bon, retour aux sources oblige avec son rock de rigueur, Soldier est évidemment pour l'oenologue ce bon vin rouge qui tâche, assez râpeux en bouche a priori dépourvu de tout tanin aromatique. 
Le 4ème album solo de l'Iguane souffre d'une production qui n'envoie pas du bois comme on aurait pu s'y attendre avec James Williamson. Initialement prévu  pour diriger l'affaire, l'ex-acolyte pour d'obscures bisbilles ne se prête finalement pas au jeu. C'est finalement le méconnu Pat Moran qui s'y colle. Pop qui fit appel pour les guitares à quelques épées de la scène post-punk (Glen Matclock, Ivan Kral, Steve New) doit en plus se coltiner des affaires d'ego comme par exemple la susceptibilité d'un Bowie à nouveau dans le tableau. Ce dernier s'est fait boxer par New car il tournait un peu trop autour de sa copine....une certaine Patti Palladin. Exit la six-cordes de l'ex-Rich Kids.
Enfin Klaus Krüger ex-Tangerine Dream est à la batterie et son son n'a évidemment rien de motorik.

Qu'à cela ne tienne. Il n'y a pas grand chose à jeter sur Soldier. Après la parenthèse New Values, Bowie met à nouveau un pied dans la porte et co-signe avec Pop "Play it safe", fournissant au passage les choeurs sur ce titre en compagnie de deux Simple Minds. Est-ce lui qui fournit la ligne de sax sur le syncopé "Get up and get out ? Rien n'est moins sûr. Le reste est signé Iggy ou Glen Matlock (l'excellent "Ambition") dont on se repaît goulûment de la basse sur des titres moteurs comme cet inénarrable hymne pro-Trumpien bien avant l'heure "I'm a conservative". Ou sur d'autres cosignés par les deux hommes, "I need more", titre d'une future autobiographie en 1993,  ainsi que cet hommage à l'idole de toujours James Brown ("Mr Dynamite") et sa belle ligne mélancolique de trompette. A l'aise dans tous les registres, l'artiste fait parler son inimitable baryton jusque sur les morceaux les plus crétins de sa discographie, le très gouailleur "Dog food" qui a le mérite de faire court, en est l'illustration.

Mine de rien, Iggy Pop ne se montrera plus guère aussi inspiré dans sa longue carrière à venir. Un vrai sursaut période American Caesar (93) et pour le reste, des relectures jazzy de classiques français convenues et beaucoup trop de gros rouge qui tâche. 
En fait; la vraie cuvée vin de table était ici.


En bref : le disque d'Iggy Pop que beaucoup aiment détester et que trop peu hélas concèdent aimer.  Conçu dans le chaos et brut de décoffrage, Soldier meilleur opus d'Iggy de la  courte et controversée période Arista, est à redécouvrir toutes affaires cessantes.

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14 juin 2024

Belle & Sebastian - Fold Your Hands Child, You Walk Like A Peasant (2000)

Belle & Sebastian, confrérie de neurasthéniques vivant reclus dans une chapelle. Et qui gagnent via le biais universitaire de quoi enregistrer un single qui deviendra un album, le très culte Tigermilk (96), 1000 vinyles pressés, un temps uniquement l'apanage de quelques heureux initiés. Bon, ces jeunes gens avaient un talent certain pour oeuvrer une pop raffinée un brin filiforme ; certains diront chichiteuse. Sans doute un autre point avancé aussi bien par ses partisans que par ses détracteurs, l'analogie avec les Smiths, notamment pour la représentation graphique : les pochettes toutes ou presque monochromes reprennent des portraits. A la différence que les photos  de proches ou de membres du groupe remplacent les modèles, acteurs ou écrivains. Ici deux chanteuses islandaises d'un groupe ami (Mum).

Sur ce 4ème album au titre abscons déniché sur une cuvette de WC public, sorti en 2000, Stuart Murdoch gardien du temple... et de la chapelle, en véritable leader du sextuor Glaswegian et amateur de foot, muscle son jeu. Encore que...ce qui plombait les meilleurs titres des bons mais très inégaux Tigermilk et If You're Feeling Sinister qui les révéla la même année, peut sembler perdurer une fois encore.
Sur "I fought in a war" qui ouvre superbement l'album, Belle & Sebastian semble peiner une nouvelle fois à lâcher les chevaux. Sur le premier disque, on assistait déjà au crescendo d'un premier morceau ("The state I am in") qui peinait à démarrer. Même chose avec le deuxième lp et l'étouffé "The stars of track and field". C'était presque encore le cas avec "It could have been a brilliant corner", chanson inaugurale du magistral The Boy With The Arab Strap (98) qui démarrait timidement avant de donner sa pleine mesure et de monter le volume. Si "I fought in a war" finit par prendre son envol, ce n'est rien comparé à "Step inside my office, baby" ouverture de Dear Catastrophe Waitress, qui rue dans les brancards.
Pour l'heure la délicatesse s'aère : pour un "Beyond the sunrise" ascétique avec ses glissements sur le manche, que de titres où Belle & Sebastian se lâche enfin. Il y a tout d'abord "The wrong girl", vieille scie rodée par le groupe sur les routes et que le guitariste Stevie Jackson qui a pris du galon depuis The Boy...chante lead. Cela deviendra une habitude et c'est très bien tant sa voix ourlée complète idéalement celle chétive de Murdoch ; c'est le cas sur "The model" où les musiciens se répondent dans une ambiance baroque. Ou sur la rêveuse "Don't leave the light on baby" baignée de Rhodes et de cordes caressantes.
La douce Isobel Campbell emmène également très haut la mélancolique "Waiting for the moon to rise" et la pastorale "Family tree". C'est un régal que de l'entendre vocaliser entre deux titres de ses deux principaux compagnons de jeu. 
Fold your hands... suit les mêmes traces de l'éclectisme que The boy.... Son tour de force consiste enfin à dégainer quasi à la suite deux fantastiques titres northern soul que sont "Women's realm" et "There's too much love" qui clôt avec majesté l'album "jaune". Quelle leçon.

Beaucoup ont considéré qu'il y a eu un avant et un après Fold Your Hands Child You Walk Like A Peasant. Les plus puristes, les plus snobinards (souvent les mêmes) considèrent même que ce disque ainsi que celui qui précède ont sonné le chant du cygne. Pour ce qui est des premiers, on ne saurait leur donner tort.
Car outre outre les partis-pris mainstream à venir et le futur tube "I'm a cuckoo" qui achèverait ceux qui chérissaient leur Tigermilk sur Electric Honey, ce disque signait aussi le départ d'Isobel Campbell lors de la tournée à venir.  Stuart David, le bassiste co-fondateur du groupe l'yant déjà précédée à la fin de l'enregistrement.
Bien sûr il y aurait encore de grandes chansons même si certainement plus à la même cadence  ; mais Belle & Sebastian deviendrait pour l'éternité l'un de ces groupes indé au répertoire irréprochable et pérenne Il n'y en a pas tant.


En bref : le meilleur album de Belle & Sebastian tout simplement. Qui contient sans doute deux de ses titres soul les plus ambitieux, ce qui ouvrirait la voie à d'autres déclinaisons du genre bienvenues.
 

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The Gun Club - Miami (1982)

       Au début des années 80, deux amis californiens inséparables décident de tuer l'ennui dans un local de répétition qu'ils squattent. Ils prennent un malin plaisir à ferrailler avec des instruments qu'ils ne maîtrisent absolument pas. L'un est un type un peu obèse et bouffi par l'alcool offrant une troublante ressemblance avec le Marlon Brando finissant, l'autre est un branleur d'ascendance mexicaine et taquin. Le premier, Jeffrey Lee Pierce, est à l'origine de la création du fan-club local de Blondie tandis que le second Brian Tristan s'occupe de celui des Ramones. La légende Gun Club est née.

Même si les deux hommes restent de grands amis, la soif d'évasion de Brian le pousse à toquer à la porte des Cramps....enfin à balancer des parpaings sur les vitres de Lux et Ivy pour les convaincre qu'il est l'homme providentiel pour remplacer Bryan Gregory qui vient de se volatiliser. Excédé, le couple pour s'en débarrasser se voit forcé d'engager celui qui devenu Kid Congo, va accessoirement participer au meilleur album du groupe. Nous sommes alors en 1980.
Devenu orphelin de son pote, Jeffrey Lee, obsédé par la musique hillbilly mais aussi par le blues du Delta monte un groupe et enregistre un disque ; ce sera la déflagration punk-blues Fire Of Love, un disque au mix inaudible mais fondateur.
Les choses s'arrangent si l'on peut dire avec la réalisation du grand oeuvre Miami qui va suivre. Côté production, c'est l'ami Chris Stein qui s'y colle et qui distribue également l'album sous son propre label l'éphémère Animal Records qui au même moment publie aussi le Zombie Birdhouse d'Iggy Pop.
Si l'on entend un peu mieux les musiciens qui sont restés de l'aventure précédente, on ne peut pas dire que la batterie du batteur Terry Graham claque ; la basse de l'ex Bags Rob Ritter (curieusement absent de la pochette) s'insinue davantage. On attend bien par contre la guitare de l'excellent Ward Dotson, assisté ici ou là par un intervenant à la pedal steel.

Mais à la vérité, toutes ces considérations sur ces sonorités de démo améliorée sont anecdotiques. Le plaisir que l'on prend à l'écoute de White Light White Heat, Raw Power ou Fire Of Love serait-il le même avec un son plus léché ? La réponse est bien entendu contenue dans la question. Les chansons de Miami sont fabuleuses et c'est bien  là l'essentiel
Jeffrey Lee dispose de cet inimitable timbre clair et aigu, toujours à la lisière du faux et qui n'est pas sans évoquer les divagations d'un Mayo Thompson des atypiques Red Crayola. Là encore ce prêche possédé concourt à l'étrangeté de cette musique débridée mais alanguie, aérée et étouffante à la fois.
Passé l'obsession Delta, le Gun Club s'ouvre aux sonorités des hautes plaines, hillbilly et country - le magnifique "Mother of earth" joué à la slide par Jeffrey-Lee lui-même qui clôt l'album. Tout l'album empeste le bayou de la Nouvelle-Orléans. On est ici très près de l'esprit de Dr. John et l'on ne voit guère que les merveilleux Violent Femmes des débuts ou Green On Red pour tutoyer à peu près au même moment la moiteur des moucherons collés et ces invraisemblables histoires de meurtres, de rédemption ("Like calling up thunder") démises de Vétérans ("Texas serenade") sur leur chef d'oeuvre The Killer Inside Me. Tout ici est sinistre et il ne faut évidemment pas se fier au titre de l'album, choisi ironiquement. Est-ce là la " blood city" dont il est question ?

Les deux uniques reprises de Miami  sont  "The fire of love" (et non "Fire of love" comme le titre de l'album précédent) qui sonne comme du proto-Camps et le "Run through the jungle" de Creedence Clearwater Revival qui ravive l'esprit sauvage des Marines.
Sur "Brother and sister", le sommet du disque qui ne contient.....que des sommets, il est question d'une troublante relation frère/soeur et c'est le premier morceau dans lequel intervient l'idole Debbie Harry (la D.H Laurence Jr des crédits c'est elle) et ses choeurs vibrants siéent à merveille. On la retrouve aussi derrière "Texas serenade" ainsi que la vaudou "Watermelon man", titre le plus en phase avec l'univers de magie noire de Dr. John.

Le groupe allait avoir du mal à se remettre d'un tel disque. A en croire Ward Dotson qui jeta l'éponge guère après l'album, le comportement erratique et alcoolisé de Pierce était tel que les deux ne pouvaient plus se souffrir et la carrière du groupe en a vraisemblablement pâti.
Par la suite, le leader omnipotent n'en finirait plus d'assembler de nouveaux lineups pour des résultats parfois réussis (The Las Vegas Story, Mother Juno, Divinity, Lucky Jim) parfois mitigés (Death Party, Pastoral Hide And Seek). Kid Congo revenu au bercail participerait à la plupart d'entre eux.
L'homme se fendrait ensuite de deux splendides efforts solo, Wildweed  (85) et Willy Love - Ramblin' Jeffrey Lee & Cypress Grove (92) mais tel Johnny Thunders mourrait dans l'indifférence générale en 1996.
Restent tous ces merveilleux disques.

En bref : la pierre angulaire de l'un des plus indomptables outlaws américains de la fin du siècle dernier. Une oeuvre à la fois ténue et immense qu'il convient de redécouvrir. Miami ou la version "moderne" du bayou de Dr. John.
 



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13 juin 2024

The Dream Syndicate - The Days Of Wine And Roses (1982)

Dans l'histoire de la pop, un chanteur sur trois imite John Lennon tandis qu'un tiers évoque Dylan vocalement. Enfin, le reste affecte le talk over et le phrasé de Lou Reed. C'est presque un axiome. On peut transférer ça aux groupes auxquels ces légendes se réfèrent. Alors si le chant ligne claire et point du tout écorché de Steve Wynn n'a rien à voir avec celui de ses illustres devanciers, son groupe à coup sûr fut à l'orée des années 80 et jusqu'à aujourd'hui l'un des avatars les plus convaincants du Velvet Underground.

Avec son nom inspiré d'une oeuvre avant-gardiste du début des années 70, le quatuor mené par l'excellent songwriter, était l'un des chefs de file du Paisley Underground, mouvement musical californien du début des années 80 qui faisait la part belle aux harmonies psychédéliques folk pop des Byrds avec force renfort de 12-cordes. Ses compagnons de jeu étaient les Long Ryders (une déclaration d'intention) ou les Three O'Clock.
Mais avec ses guitares brisées saturées façon le Neil Young électrique période Everybody Knows This Is Nowhere, des titres aussi évocateurs que "Tell me when it's over', 'Then she remembers'", "That's what you always say" ou "When you smile"; le quatuor que complétaient le fin et racé guitariste Karl Precoda, la féline et suave bassiste Kendra Smith et le batteur fidèle Dennis Duck, tenait plus des stridences new yorkaises que du sunshine angeleno.
Avec un art consommé de l'intro qui claque, caisse claire et riff de "Tell me...", solo sinueux du très énervé "Definitely clean", brûlots limite stoogiens ("Halloween", "The day of wine and roses", "Then she remembers), l'impeccable combo aux obsessions urbaines se fendait d'un premier effort irréprochable. Produit à l'arrache par Chris D. le mentor des Flesh Eaters, groupe punk culte de LA, c'est le moins que l'on puisse dire que les chansons parvenaient à exister sans la production qui va avec. L'album un peu à l'instar de ceux commis par les voisins du Gun Club sonne comme une démo améliorée, avec une rythmique très sourde par moment qui en même temps évite les terribles tics années 80.
Qu'à cela ne tienne. Wynn s'y révèle un chanteur et compositeur impeccable. Karl Precoda qui demeurera le guitariste du groupe pour l'également excellent Medicine Show (84) avant de s'envoler pour d'autres cieux est cette espèce de Richard Lloyd local, binôme de Wynn même si c'est Karl qui joue lead. Le fidèle batteur Dennis Duck qu'on entend parfois à peine est donc l'autre composant rythmique avec Kendra Smith qui très vite quittera le groupe pour se consacrer à Opal avec Dave Roback. Elle chante l'une des ballades "hawaiënnes" les plus alanguies et irrésistible qui soient, "Too late too late". Difficile de na pas y voir un clin d'oeil évident à un autre phare de la Grosse Pomme, le Too Much Too Soon des New York Dolls.
Un live fantastique (This Is Not The Nex Dream Syndicate Album..).encapsulerait la première période avec des versions de chansons souvent meilleures même que celles studio - pour le deuxième album notamment.

Par la suite, le Dream Syndicate a continué à sortir des disques souvent excellents, Out Of The Grey (86) Ghost Stories (88) malheureusement parfois ruinés par une prod clinquante et typique des années 80. Les chansons elles étant invariablement au-rendez-vous. 
Avant que tout ce petit monde ne se sépare pour se reformer quelques décennies plus tard.
Les ados français défricheurs gardent un attachement infini à The Day Of Wine And Roses, acheté sur la foi d'un visuel de pochette étonnant : une espèce de Statue de la Liberté dans une pose implorante sou fond monochrome bleu pétard. L'excellent label havrais Closer, spécialiste ès-incunables rock à guitares US avait plus que fait le métier. Aux Etats-Unis, le disque était distribué par l'indépendant Ruby, déjà dépositaire du premier Gun Club.

En bref : l'excellent premier album du superbe songwriter Steve Wynn. Qui sous la bannière de son mythique Dream Syndicate a composé nombre de chansons marquantes et urbaines. Inévitablement l'un des plus crédibles héritiers du Velvet Underground.




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Belle & Sebastian - Paloma (Nîmes) - 12/06/24

 


courtesy of Sylvain Mullerium

L'escouade glaswégienne effectue la première date de sa carrière à Nîmes et le fait savoir.
19 titres enfiévrés dont une bonne moitié sont piochés sur 2 disques ayant fait leur renommée If You're Feeling Sinister, The Boy With Arab Strap (avec la traditionnelle montée sur scène des danseurs volontaires sur le morceau-titre) ainsi que le petit dernier Late Developers qui nous avait laissé circonspects.
Les vieux titres ne sont donc pas en reste d'autant que le set démarre par le classique et premier single "Dog on wheels".
D'humeur accorte et désormais tout foufou, Stuart Murdoch cabotine sur le résultat des récentes élections européennes, se remémore tendrement sa romance avec madame Murdoch ("Piazza, New York catcher"), envoie comme prévu un très classe hommage à la grande Françoise disparue ("Comment te dire adieu" forcément) même si en off le choix du titre a fait débat. 
L'autre membre historique et compositeur, le génial Stevie Jackson qui est une sorte de croisement improbable entre Elvis Costello et Woody Allen dans un costume bien trop étriqué pour sa carrure, est beaucoup moins chanceux. Il prend d'abord un pain électrique au bout de 20' en s'approchant du micro qui le laisse chancelant. ; ce qui ne l'empêche pas d'enchaîner triomphalement en lead sur le formidable "So in the morning" du dernier lp. En fin de set, c'est l'un de ses micros de guitare cette fois qui rend l'âme. Offrant de très impromptus sons saturés à la musique si délicate du groupe qui en est dépourvue.

Ce soir, on pardonne tout à ce groupe fondateur et l'un des seuls du mouvement indie UK à s'être forgé à la manière d'un The Divine Comedy ou d'un Tindersticks un colossal répertoire qui on le sait, restera.
Qu'ils oublient (!) d'exécuter ne serait-ce qu'une chanson de leur divin Fold Your Hands Child You Walk Like A Peasant - nous sommes orphelins de la trompette des titres les plus soul de cet album - ou se croient obligés de défendre ce qui est probablement le plus épouvantable morceau qu'ils n'aient jamais composé, ce très dispensable "When you're not with me" destiné à l'Eurovision (sic) - au moins ne jouent-ils pas l'inexplicable "I don't know what you see in me" (tous deux issus de Late Developers), n'influe en rien sur l'excellent prestation du groupe. Qui se permet aussi de redoutables moments chill avec l'impeccable "Sukie in the graveyard" extraite de The Life Pursuit.
Et clôture l'affaire en rappel  sur le trippant et fédérateur "Sleep the clock around".
Well done lads.


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23 mai 2024

David Bowie - Young Americans (1975)

Débarrassé de ses oripeaux glam David Bowie se pique de Philly Sound. Place donc à la soul teintée de disco déjà entrevue dans le "1984" de son dernier avatar Halloween Jack et entrevue dans Diamond Dogs.

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20 mai 2024

The Damned - Machine Gun Etiquette (1979)

Il est de ces renaissances qui ne frappent pas que les individus new-born. La pop musique contient en effet de spectaculaires métamorphoses. Prenez les Damned par exemple, l'une des deux trois plus grandes incarnations punk de Grande-Bretagne. Personne n'aurait misé un kopeck sur eux lors du départ de leur guitariste et unique compositeur Brian James. C'est pourtant par cette défection là -James parti former les Lords of The New Church avec trois autres mercenaires du rock- que les Doomed car tel est leur nom d'emprunt lors de cette parenthèse erratique, vont renaître de leurs cendres.

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