04 juillet 2025

Sibylle Baier - Colour Green (1973 / 2006)

Il est des découvertes affolantes et qui ne sont aucunement usurpées par le cliché de l''artiste culte. D'ailleurs jusqu'en 2006, Sibylle Baier, musicienne amateur et actrice à ses heures, n'est pas encore une artiste culte puisqu'elle est une parfaite inconnue.
C'est en furetant dans le grenier de ses parents en 2004 que  Robby son fils musicien et producteur de son état, découvre des bandes magnétiques. Piqué de curiosité il les joue et découvre une bonne dizaine de vignettes chantées par la douce voix de sa maman. 
Le monde ébahi ne va pas tarder à découvrir Sibylle Baier.

Artiste aux multiples facettes, baignant dans un environnement ad hoc - son défunt mari était également saxophoniste et flûtiste - Sibylle Baier a un jour une épiphanie. A peine âgée de 20 ans et rendue singulièrement maussade par une morne journée de février dans son Allemagne natale, elle décide de tout plaquer et à l'instigation d'une amie, d'entreprendre une itinérance. Ce qu'on appellerait aujourd'hui un burn-out la mènera entre autres destinations en France. Rassérénée et apaisée, Sibylle immortalise ce jour de cafard en enregistrant seule chez elle avec sa guitare sa première chanson "Remember the day". Elle sonne les prémices de ce qui deviendra des années plus tard Colour Green ; soit 13 gemmes  guitare / voix toutes plus lumineuses les unes que les autres ; la quatorzième et dernière chanson de l'album (fabuleuse "Give me a smile") sera la seule à être  arrangée a posteriori -  sans doute par Robby -  avec force cordes et orgue. Toutes enregistrées entre 1970 et 1973. On entend encore le chuintement de la bande.

Les textes des chansons sont d'obédience domestique et ainsi emplis de quiétude ; qu'il s'agisse de promenades avec enfants au zoo ("Softy") ou de tricot ("Colour green"). Si l'on devait décrire la musique enchanteresse de Sibylle Baier, l'on pourrait évoquer les rêveries d'une Linda Perhacs, autre artiste folk culte, les enluminures psychédéliques en moins. Les chansons ont parfois des toniques très grave (le do# en dessous de la 6ème corde pour "Softly", ré# pour "William) ; les tonalités les plus utilisées demeurant si, do ré et sol#, principalement jouées en arpèges avec parfois des ruptures étonnantes ("Colour green"). Le reste des chansons parfois complexes ("Says Elliott", "Girl", "Wim" - un hommage à Wenders ?) est à l'avenant.  Pour les aficionados du metteur en scène, on peut apercevoir Sibylle Baier faire une douce apparition dans l'admirable Alice In Den Städten" (Alice Dans Les Villes), road-movie audacieux sorti en 1974 et absolument pas touchy malgré son sujet (Philip écrivain paumé, recueille Alice une gamine facétieuse et parcourt avec elle l'Allemagne pour la ramener chez elle). Sibylle y interprète la passagère du ferry qui fredonne alanguie "Softly" à 1'26''-1'27'' devant Alice et un autre enfant ravis.
La suite, on la connaît : Robby exhume les bandes et n'était un titre, les retouche à peine. Il les offre à sa maman à l'aube de son soixantième anniversaire. Stuttgart est déjà loin ; celle-ci ayant migré depuis lurette dans le Massachusetts, les chansons enfouies dans son inconscient. Plus aucun souvenir du journal intime mis en musique. 
L'un des quelques CD pressés atterrit dans le giron de........Jay Mascis (!) le leader de Dinosaur Jr. qui subjugué, entreprend de répandre la bonne parole. Le disque sortira finalement sur Orange Twin Record en 2006 avec également un premier pressage vinyle rapidement épuisé sur le label Isota.
Ce disque devenu classique sur le tard connaîtra et c'est heureux maintes rééditions.

En dépit des sollicitations, Sibylle Baier n'a pas donné suite à son maître coup d'essai et n'a jamais accepté non plus de tourner. Reste ce témoignage qui à l'écoute ne peut que nous faire frémir à l'idée que sans l'opiniâtreté d'un fils, la beauté sépia de Colour Green serait à jamais restée dans les limbes.

En bref : un choc. Un disque OVNI découvert et publié sur le tard par une artiste rare et précieuse.  Une voix de velours, des accords graves et des mélodies vague à l'âme belles à pleurer. On ne ressent pas insensible d'un tel disque pour lequel on remercie Robby, le fils initiateur du projet.



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29 juin 2025

TINALS - An 8 - Paloma (Nîmes) - 28/06/25

 

INFECTIOUS GROOVE

Moins d'occasions de s'enthousiasmer en ce deuxième et dernier jour de TINALS 2025.  Une fois encore, les meilleures choses se passeront en intérieur. Car une fois passé sous une chaleur accablante le set un peu pute de Almost Monday - le monde a-t-il vraiment besoin de nouveaux Arctic Monkeys dans leur virage rock de stade - retour en intérieur pour goûter à la soul jazzy gentiment ourlée de MRCY (photo ci-dessus), émanation d'un binôme chanteur et producteur. 
Un colosse du nom de Kojo Degraff-Johnson aux faux airs de Cee Lo Green distille une soul très roborative et finement exécuté par un aréopage d'excellents musiciens. Les nouveaux Gnarls Barkley ?


"C'EST SYMPA D'ETRE VELUS"

Gros barouf autour de l'une des dernières sensations noise de la scène britannique. Le public se précipite donc en masse pour voir DITZ, quintette de Brighton. Si les deux premiers titres entretiennent l'illusion, on s'ennuie assez vite car côté chansons, cela tourne en rond. Et on pose la question qui fâche : si le chanteur ne s'habillait pas en femme et n'avait pas l'idée joyeuse d'escalader la rampe de projecteurs, le groupe déchaînerait-il autant les passions ? Rien n'est moins sûr.

Le quatuor teuton Kadavar a fait sienne la devise de Manowar qui est que "même les sourds les entendent". Dès les premiers coups de grosse caisse de Tiger Bartelt, une déflagration nous percute le plexus. Ce dernier vêtu d'un seyant tee shirt filet sur poils envoie la purée tout comme ses acolytes bassiste (croisement improbable d'un Danyel Gérard longiligne et d'un Demis Roussos efflanqué) et le duo de bretteurs dont la présence ne déparerait pas au Hellfest. Il s'agit là d'un métal assez gras, serti de riffs bien juteux ; les voix sont limite pop et friendly, bien loin d'un doom stoner méchant que pourraient susciter leur dégaine. C'est convenu mais à vrai dire....assez jouissif.



SAVAGE OR WHEN THE WILD GOES MILD

A. Savage est la grande claque et l'une des rares satisfactions intégrales de ce TINALS. Déjà présent la veille pour un set acoustique, il se retrouve à nouveau dans un patio bondé et poisseux de sudation pour un medley de ses oeuvres solo. Si l'on soupçonnait l'un des hommes forts de Parquet Courts (ci-devant l'une des plus belles choses qui soient arrivées au rock indé ces 15 dernières années) d'être un mélodiste et un parolier de talent, on s'en veut un peu d'avoir passé sous silence son virage folk.
Armé d'une seule guitare, Andrew tient en haleine un patio hélas dissipé (effet de cuvette sonique oblige) et se révèle captivant de bout en bout au travers de morceaux qui sonnent déjà comme des classiques ("Hurtin' or healed", "Elvis in the army", "Thawing dawn"....)
Et de regretter qu'un si beau répertoire n'ait pas eu l'heur d'une Grande Salle sans doute plus adaptée pour son light-show intimiste qui eût forcé le festivalier à plus d'attention.
On reparlera d'A Savage et des Parquet Courts.
That's all folks.


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TINALS - An 8 - Paloma (Nîmes) - 27/06/25


THE SIX YEARS ITCH

Revenu d'un hiatus et d'une réflexion de près de 7 ans, le TINALS festival incontournable de la cité gardoise renaît de ses cendres. Affublé curieusement de l'extension "Beau weekend", le TINALS  a réduit la voilure, ne propose plus que deux jours de programmations, lesquels ne comportent plus de noms ronflants.
Qu'à cela ne tienne, une part belle a été accordée à l'éclectisme.
Très tôt, des jumeaux suédois Deki Alem (photo ci-dessus) de Göteborg affiliés à la maison Talent Boutique se proposent d'ambiancer la Grande Salle qui sera le théâtre de jolis moments. Et ils y parviennent par leur flow souple, arpentant la scène et secondés par un batteur très carré. Mélodique et aguicheur, leur rap enlevé est le premier coup de coeur de ce festival.

La soirée s'annonce bien. Qu'est-ce qui fait donc que les sets successifs en extérieur de BDRMM, Ghostwoman et des très attendus irlandais de Murder Capital nous laissent ainsi de marbre ? Un seul mot, les chansons. Ou plus exactement l'absence de chansons marquantes qui empêchent par exemple Murder Capital d'être les nouveaux Fontaines D.C. Enfin, on parle des Fontaines D.C punks énervés qui avaient enchanté la dernière édition du Festival. Pas de la baudruche de stade qu'est devenu ce groupe.

Rien à voir nonobstant avec le (nouveau) naufrage intégral de la tête d'affiche du jour DEATH IN VEGAS trahie par une scénographie forcément molle, un nouveau répertoire peu convaincant et surtout une ingénierie déficiente qui contraint le groupe ou plutôt ce qu'il en reste, à abandonner la scène pendant une bonne dizaine de minutes tandis que l'assistance déjà se clairsème.
Cette musique n'est définitivement pas l'apanage du live.


ROCK EN -SEN

On n'avait jamais entendu parler de Heave Blood & Die (photo ci-dessus). Ce très jeune groupe - la bassiste bondissante  toute menue a l'air d'avoir 14 ans - dispose de déjà quatre albums au compteur. Et dans une grande salle qui s'est quelque peu vidée, son rock inquiet aux ambiances assez paranoïaques ("Stress city", "Things that hurt", "Heatwave 3000") fait son petit effet. Avec son Korg obsédant et le chant enfiévré de Karl Loftingsmo Pedersen, ces norvégiens habités tiennent leurs promesses. 



PA BAYOU PA BAYOU PA BAYOU PA BAYOU LE LE

Mais la grande claque de ce premier soir fut incontestablement la prestation de l'admirable septuagénaire protégé de Dan Auerbach (Black Keys), Robert Finley (photo ci-dessus).
L'histoire de ce vétéran ancien technicien dans l'armée et auteur de son premier album à la soixantaine bien pesée, fait écho à celles des incroyables Lee Fields, Charles Bradley ou Naomi Shelton également célébrés en ces lieux.
Flanqué d'un jeune groupe et d'une Aretha grandeur nature à la voix de dingue au tambourin ; et dont on  apprend assez vite qu'elle est la fille aînée du maître de cérémonie, Robert Finley qui à défaut d'avoir une carrière longue comme le bras a dès son plus jeune âge chanté et joué de la musique dans sa Louisiane natale et par-delà, subjugue l'assistance. Nourri au blues et au gospel comme tant de musiciens noirs qui ont compté, le vieil homme fait valoir un tremolo de baryton qui n'est pas sans évoquer la profondeur de celui d'Isaac Hayes (!) quand dans les aiguës et avec plus de force, son timbre incroyable réveille le fantôme d'un Al Green pas moins.
Le show d'une grande musicalité venge tous les chants atones et les à-peu-près entendus précédemment.
Et on en ressort en se disant qu'on devrait interdire le falsetto aux blancs-becs qui n'en ont pas les capacités vocales. Ici l'authenticité prévaut. Merci Monsieur Finley et indirectement, merci Monsieur Auerbach !

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13 juin 2025

The Beach Boys - Sunflower (1970)

Avant que l'affaire ne tourne au sale avec les inévitables fâcheries fratricides, une inspiration en berne et l'irruption dans la saga Wilson du redoutable Dr Landy, voici l'un des derniers grands actes de bravoure des Beach Boys. Après cela il restera le sommet Surf's Up (71), Holland (73) et ce sera à peu près tout. Tous les membres du groupe sont photographiés dans un bel et rare unisson ; ce qui est rare. Al Jardine manquait à l'appel sur les premiers albums surf et était remplacé par David Marks. Entre temps revenu de ses années d'étude, le même Jardine manquait à nouveau la photo d'illustration sur le voilier pour Summer Days (and Summer Nights!!) de 1965 pour cause de dysenterie.
Brian absent des tournées du groupe dès 1965, n'étant pas davantage préoccupé par les visuels, se révélait absent de ceux de 20/20 en 69, l'une des nombreuses réussites des apprentis surfers postérieures au trauma Smile.

Et cette atmosphère idyllique et d'harmonie familiale retrouvée est présente dès le recto : les 6 membres d'alors dans un mood hippie de circonstance se font tirer le portrait avec les enfants de chacun. Tout le monde participe à l'écriture. Brian Wilson même en retrait depuis quelques années, parvient toujours à caser son brelan de merveilles. Ici celles-ci s'appellent "This whole world"; mini symphonie de poche d'à peine 2 minutes avec carillons, rupture harmonique étonnante et magnifiée par Carl devenu depuis "God only knows" puis l'album Wild Honey (67) l'emblématique chanteur lead. Puis c'est "All I wanna do" composée à l'ancienne avec Mike Love, ballade douce-amère où le timbre flûté et métallique du cousin fait à nouveau le métier. Puis "Cool, cool water" en ces années de conversion baba écolo clôt le 16ème opus de façon légère
Dennis qui non content de battre, chante et compose divinement depuis peu, signe et interprète l'inhabituellement enjoué "Slip on through" introductif. Mais tout le monde se souviendra de la déchirante "Forever" annonciatrice des  "4th of July" et "(Wouldn't it be nice (to live again)" à venir et de son Pacific Ocean Blues (77). Impossible de passer sous silence non plus "It's about time" également amenée par le plus SWAG des frères Wilson. Et que tous ceux qui sont toujours restés dubitatifs devant la puissance de rockeurs des Garçons de la Plage écoutent prioritairement ce titre dont il existe plusieurs versions live incendiaires sur Youtube. Et une nouvelle fois la puissance vocale de Carl emmène le titre très haut.
Album préféré de Bruce Johnston et il y a probablement lien de cause à effet; ce dernier se voit confier 2 titres. "Deirdre" est une ballade délicate co-chantée avec Brian et préfigure la tendre "Disney girls (1957)" d"un an plus tard. "Tears in the morning" inaugure les-chansons-des-Beach-Boys-qui-ne-sonnent-pas-comme-des-chansons-des-Beach-Boys telles qu'on on en retrouvera notamment dans Holland.  Mélancolique, douce-amère et soulignée d'accordéon, c'est peu dire que ce titre détonne. Il est arrangé par notre Michel Colombier national, tout comme le rageur "Got to know the woman" de Dennis et "Our sweet love" titre mineur d'Alan Jardine.

Album disparate et beaucoup plus hétéroclite que ne le sera son grand frère Surf's Up, un petit peu foutraque aussi, Sunflower est néanmoins un album terriblement attachant et qui encapsule très bien la diversité et le talent hors du commun en ce qui concerne le songwriting de ce groupe à nul autre pareil qu'était harmoniquement et vocalement les Beach Boys.
Et révèle définitivement un groupe sachant rocker; bien loin des sages chemises à rayures des années surf.

En bref : album sonnant comme une véritable compilation mais n'en étant pas une. Tout le talent d'écriture des Beach Boys et de ses divers membres se révèle ici avant de réapparaître de manière encore plus éclatante avec Surf's Up l'année suivante. Hippie Hippie hourrah.

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07 juin 2025

The Jesus Lizard - Epicerie Moderne (Feyzin) - 04/06/25

(de gauche à droite ; David Wm. Sims, Mac Mac Neilly, David Yow et Duane Denison)
)
Dans la foulée de l'excellent Rack leur album de reformation célébré en 2024, les mythiques Chicagoans de The Jesus Lizard s'offrent une belle tournée européenne. La France n'est pas ignorée : c'est ainsi qu'après une date à l'Elysée Montmartre, c'est au tour de la Capitale des Gaules et plus exactement sa banlieue d'être visitée.
Et l'on constate très vite que bien que sexagénaires bon teint; ces dépositaires hard core aux sonorités jazz uniques n'ont rien perdu de leur superbe. Puisque dès le 3ème titre ("Mouth breather"), les premiers rangs sont déjà imbibés de bière et que l'ineffable et très alcoolisé David Yow fait le show. Bien qu'abîmé comparé à ses trois comparses qui portent beau,  et assagi (il ne pisse plus sur le public), Yow a très vite un nombre déraisonnable de slams à son actif. Vociférant et à grand renfort de glaviots, il ouvre le set avec "Puss" un vieux classique qui a fait la gloire du groupe lors d'un split single avec Nirvana.
Les "Fuck Trump" abondent forcément, le son est nickel ; en particulier les riffs incendiaires que cisaille Duane Denison qui demeure l'un des plus brillants bretteurs de la scène punk US, le JJ Burnel de la six-cordes pour le port même si moins exubérant. Avec 7 titres, Rack est forcément à l'honneur avec une mention spéciale pour "Grind" et "Alexis feels sick". Tous les albums sont passés en revue à l'exception notable et justifiée de Blue (1998); sans doute l'album le moins réussi du quartette. Et surtout le seul orphelin de Mac Mc Neilly, le très racé batteur parti à l'époque sous d'autres cieux. Avec David Wm. Sims il forme une section rythmique démoniaque.
Les trois musiciens ne laissent que peu de répit à David Yow pour s'adonner à ses frasques car tel un Panzer, la machinerie des ex-acolytes de Steve Albini ne faiblit pas et enchaîne. L'incroyable limpidité du jeu de Denison fait d'harmoniques, d'écarts de phalanges et de glissandos au bottleneck particulièrement sur 'Blue shot", "Thumper" et "Thumbscrews" de ce qui demeure leur sommet - l'album Shot de 96 - fait merveille.
Et de ressortir rincé d'un show de 23 titres long de deux heures et ponctué de deux rappels placés sous ls signe du stupre et de la sueur. A aucun moment on ne leur en voudra de ne pas avoir joué "Dancing naked ladies".
Quel groupe.


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02 mai 2025

Hugh Cornwell - Cargo de Nuit (Arles) - 01/05/25

 Rendez-vous avec la légende des Hommes en Noir pour ce jour de travail chômé. En formation très resserrée - une basse, une batterie et c'est tout - l'autre homme fort des légendaires Stranglers des 15 premières années, armé de sa Telecaster revisite pendant près de deux heures son riche répertoire.

Le line-up très dépouillé détonne par rapport à la palette sonore à laquelle nous avait habitué les Etrangleurs : cela fait certes un drôle d'effet d'ignorer ainsi les parties de claviers de frère Greenfield sur la bagatelle de 8 titres (!) extraits de l'oeuvre du groupe mythique. Mais étonnamment, c'est pratiquement "Strange little girl" et sa revigorante partie de basse qui s'en sort le mieux. Et sans doute un "Nuclear device" envoyé du feu de Dieu sur lequel Hugh n'oublie pas son fantastique monologue sur l'Australie.

C'est peu dire qu'en comparaison des morceaux-que-tout-le-monde-attend, le répertoire récent de l'Homme en Noir ferait presque un peu chiche. Comment en effet lutter face à de tels monuments que "Tank", "Nice 'N' sleazy", les morceaux précédemment cités ou l'infernal "Duchess", peut-être la plus belle composition de Cornwell à ce jour. Alors, il y a bien ici ou là quelques couacs - ce solo de guitare irrémédiablement raté sur "Golden brown" ; malgré ce la magie opère encore chez ce monsieur à l'âge vénérable dont le timbre, le grain de voix et l'humour tongue-in-cheek demeurent inusables.

En rappel, notre homme enfonce le clou avec "White room", formidable reprise extraite de son premier effort solo Nosferatu dont l'album va faire prochainement l'objet d'une réinterprétation intégrale lors d'une tournée britannique. Et comme "Goodbye Arles" n'existe pas au répertoire (op cit Etienne Déconing), le set se conclut donc par une revigorante "Goodbye Toulouse".
No More Heroes, qu'il disait ?


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07 mars 2025

The 13th Floor Elevators - The Psychedelic Sounds Of The 13th Floor Elevators (1966)

L'album qui encapsule les années psychédéliques du garage US ne contient pas l'ombre d'un effet psychédélique. Bon il y a bien une cruche électrifiée à l'arrière-plan mais pourquoi pinailler !
Roky Erickson et ses deux assesseurs que sont le guitariste Stacy Sutherland et Tommy Hall l'homme à la cruche créent leur quintette en 1966 en compagnie de deux sbires et d'emblée le groupe obtient un succès local et texan ultime avec l'un des plus grands hymnes qui soient : ce "You"re gonna miss me" échappé des Spades et composé par Roky est l'hymne repris par à peu près tout le monde et pas uniquement par des groupes punk  à chien. On note notamment la cover marquante synth pop de Jad Wio au milieu des années 80.


Roky Erikson né Roger comme un autre célèbre frappadingue contemporain, a déjà fait sien avec ses copains l'adage de la fumette et des drogues psychotropes. C'est l'époque où de grands gourous et essayistes tels Thimothy Leary valident l'ouverture des portes de la perception. L'éphémère carrière du groupe ne sera d'ailleurs que suites de descentes de police et de mains basses sur de la marijuana quand ce ne seront pas les sacro-saints buvards qui vaudront à leurs détenteurs de sérieux démêlés avec les forces de l'ordre.
"You're gonna miss me" trône en bonne place sous sa chatoyante pochette au centre de laquelle se trouve l'Oeil de l'élévation humaine secondé au verso par le signe cabalistique de la pyramide ascensionnelle. Tout un programme.
La musique dans tout ça ? Elle est irrésistible et ce que l'on entend derrière la cruche quasi omniprésente qui imite le roucoulement du pigeon dans "Roller coaster", ce sont des chansons remarquablement écrites et qui pour une fois ne donnent pas dans les seuls slogans hédonistes amoureux du type "I need you so bad baby". Peu de résonances blues ou rhythm and blues dans la musique du groupe texan contrairement à nombre de leurs confrères de la même époque si ce n'est sur la lancinante intro de "Kingdom of heaven" qui n'aurait pas déparé une bande-son de David Lynch. Tout sonne...différent même si le groupe s'est nourri de ces mêmes influences à travers des reprises de Bo Diddley.
 Et gimmick remarquable, pas une once de distorsion sur les guitares, aucun effet de flanger, feedback ou wah wah tellement empreints de leur époque. Autre élément à mettre au crédit des Elevators assurément. Dans ce disque sans temps mort, on note ces autres hymnes parmi les plus représentatifs du groupe que sont "Fire engine" lui aussi abondamment repris ainsi que "Tried to hide" réhaussé tout comme "....miss me" de l'harmonica de Roky.
Quand il ne jouait pas au possédé nasillard poussant des cris de hyène, le leader du groupe culte, savait être aussi ce chanteur formidablement touchant. Ainsi enfin débarrassé de la cruche, l'homme assène dans le magnifique "Splash 1 (Now I'm home)" ces douloureux et déchirants "I've seen your face before / I've known you all my life / And though it's new / Your image cuts me like a knife" prouvant s'il en était besoin que loin d'être cruche, le légendaire groupe Texan tel que décrit par le musicien rock critic Gilles Riberolles, disposait en plus d'un leader cinglé d'un son épuré qu'aucun autre groupe garage ne pouvait lui envier.

Deux autres albums incontournables même si forcément moins réussis du fait de la démise progressive de Roky en proie à des tourments psychiatriques et carcéraux allaient suivre. Dont notamment Easter Everywhere (1967). Mais aucun ne réunirait autant de folie et de sauvagerie que ces Sonorités Psychédéliques, premières de cet intitulé dans l'histoire de la pop.

En bref  : avec une première occurrence du mot "psychédélique" et sans l'ombre (ou presque) d'un artifice sonore, le coup d'essai des Thirteen Floor Elevators du grand fêlé Roky Erickson demeure l'une des pierres angulaires du garage US.

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