"Film musical" sorti l'an dernier dans l'indifférence la plus totale, Across the universe partait pourtant d'une idée de départ plutôt alléchante: Une comédie musicale moderne dont les dialogues sont exclusivement issus de chansons des Beatles. L'occasion vous l'imaginez de se livrer à un blind test géant sur la discographie des Fab Four. Spécialiste des films musicaux (Titus, Frida) et des grands spectacles visuels et sonores (Le roi lion), la jeune réalisatrice livre un film flamboyant et naïf transfiguré par des compositions en or inégalées à ce jour. En résultent des scènes d'une intensité exemplaire. En ouverture, seul sur la plage, Jude annonce les règles : "Is there anybody to listen my story...", 2 secondes de bande et déjà des frissons. D'autres sont du même acabit: I wanna hold your hand sur fond de campus et de foot US, Let it be interprété à capella par un petit black assi dans la rue fondu en gospel majestueux sur fond d'enterrement. D'autres passage sont en revanche un peu plus tirés par les cheveux et quelques transitions sont limites. Plus tard dans le film, le délire visuel est poussé à son paroxisme, comme porté par d'obscures substances et la séquence du recrutement sur I want you est un sommet de chorégraphie orchestrée. Les montages et les incrustations hors norme se multiplient et le film, plutôt beau à voir au début avec son grain si détaillé, de tourner en kaléidoscope psychédélique presque grossier.
Vous l'aurez compris, les fans seront comblés par les références, du nom des personnages (Jude, Lucy, Sadie, Jojo, Prudence) jusqu'au titre, chanson écrite par John Lennon et diffusée dans l'espace par la NASA en février 2008. L'histoire elle ne va pas chercher bien loin. De Liverpool au Greenwich village, un Roméo et une Juliette tentent de vivre une love story sur fond d'émeutes anti guerre du Vietnam et de quête spirituelle du rock. Enregistrée en analogique sur vieux matériel, la bande originale est supervisée par T-Bone Burnett déjà responsable de la très branchée BO de O' Brother. Et les 33 chansons des Beatles du film de se retrouver réinterprétées par les acteurs et par quelques guests dont Joe Cocker, Bono (mouais) ou les Secrets Machines (mieux). Acteurs qui d'ailleurs n'inspirent pas vraiment la prestence qu'ils devraient. Là est un peu le problème, à force d'être idéaliste et insouciant, le film peut paraître niais par moment. Heureusement que l'impression générale réhausse le niveau. Et c'est une fois terminé qu'on réalise à quel point ces quelques chansons sont vraiment le fidèle reflet de l'époque intense qu'ont été les années 60.
En bref : Grand spectacle son et lumière qui, si l'on se laisse emporter, comprend quelques passages bien épidermiques.
Le phénomène Pluxus est très étrange. Chacun de leurs albums se transforme manifestement en une occasion d’expérimenter la chimie facile. Peut-être quelqu’un se souvient de ces mélodies frénétiques aux formes obsédantes présentes sur leur précédent album, European Onion, sorti il y a presque cinq ans. Par contre, nombreux se remémorent les expériences prolifiques de Gaston Lagaffe, ses innovations en tout genre et sa non moins célèbre boite « Le Petit Chimiste ». Faut-il encore citer en vrac quelque unes de ces inventions : le gaz somnifère, le savon miracle qui adoucit la peau, la cire qui ne glisse pas ou encore le gaz hilarant… Bref : loufoques, saugrenues et finalement burlesques, les productions de Pluxus n’ont rien à envier de celles leur cousin de bande dessinée. Surtout quand leur dernière production s’intitule Solid State.
Sebastian Tesch, Adam Kammerland et Anders Ekert sont de véritables pionniers de la scène musicale suédoise. S’ils présentent seulement quatre albums depuis leur formation, ils sont néanmoins actifs depuis plus de dix ans dans un pays reconnu pour raffiner à l’excès une pop sucrée et moelleuse. Comme tant de monde dans le milieu de l’électronique, les trois Stockholmois viennent de formations classiques et se sont rapidement rendu compte qu’ils s’amusaient plus avec des claviers, synthétiseurs vintage, ordinateurs et autres machines. Ils ont mis au point leur son et, visiblement, se l’ont fait pillé par la horde doucereuse des formations nationales. Le groupe a aussi fondé en 2000 son propre label, Pluxemburg, où ils ont produit leurs albums. Ce dernier opus a d’abord été sorti en 2006 sur ce label, mais Kompakt s’est finalement occupé de leur deuxième entrée en matière en 2008.
Quand European Onion était extrêmement volatile, sortes de marshmallows flottants issus d’une cuisine lagaffienne, Solid State a lesté quelques sucreries pour gagner en stabilité. Sobre, mieux ficelé, moins étourdi et tout simplement moins saoulant que le précédent, il nécessite même plusieurs écoutes pour se laisser apprécier. Alors, moins réussi ? Le raccourci est un peut abrupt. Solid State se laisse distiller, lentement. Un peu trop d’ailleurs. L’album hésite entre une atmosphère downtempo, toujours pop ("Transciant"), un peu plus dansante ("Bootstrap" et "Contax") mais loin de l’agression du précédent single "Agent Tangent" avec son tourbillon de friandises. Certains titres s'apparentent même aux expérimentations d’Ellen Allien ("Solid State", "Slow Peel"). Malheureusement, la production laisse s’installer un certain état engourdissement et d’essoufflement caractéristique d’un trop plein de glucides. Mais la chimie facile laisse encore de trop belles occasions d’expérimentation. Pourvu que leurs produits ne leur pètent pas à la figure.
En bref : plus lent, moins dansant, moins sucré, les Suédois Pluxus marquent un pause dans leurs expérimentations frénétiques.
Avec un peu de retard, je me fends de l’annonce de la sortie du nouvel album de Ratatat, un de mes duo new-yorkais préféré. "LP3" est, comme son nom l’indique, leur troisième "long-player" – après l’excellent Classics de 2006. L’album est prévu pour 8 juillet et le single "Shiller" est déjà disponible sur le net avec la face B "Malaho" (elle devrait faire partie d’un futur quatrième album), depuis le 5 mai et uniquement disponible en vinyle. Leur maison de disque, XL Recordings, a pris le soin de préciser que la guitare si particulière de Mike est toujours présente, mais agrémentée de nouvelles textures venues d’un clavecin, wurlitzer, mellotron et même d’un piano à queue.
À l’écoute de Shiller on peut se surprendre de sa relative lenteur et de sa production apaisée. Cependant, si on se souvient des précédents opus du duo, on aura remarqué leur goût prononcé pour les longues mises en bouche ; le morceau se situe d’ailleurs en introduction de leur album. Et puis, en visitant leur MySpace, on trouve un autre titre "Mirando", qui présente les traits caractéristiques du duo : pesanteur, nonchalance et riffs griffants. La bestiole est de retour, et je ronronne déjà de plaisir.
Le songwritter américain qui descend le plus de Léonard Cohen sera en France cet été pour présenter non pas 1 mais 4 Ep sortis cette année : Could we survive, Crazy rain, Vagabond Skies et Foreign Girls. Et comme si cela ne suffisait pas, le 16 septembre prochain est annoncée la sortie de son septième album studio, Temporary people.
En attendant cela, Dodb vous propose de gagner l'une des 10 places mises en jeu pour le concert du 23 juin au Café de la Danse à Paris. Pour cela il suffit de répondre à cette question : Comment s'appelle le premier album studio solo de Joseph Arthur? et d'envoyer vos réponses avec vos coordonnées complètes à contact@desoreillesdansbabylone.com avec Concours Joseph Arthur dans l'intitulé du message, et ce avant le 15 juin prochain. _
Enfin, enfin, enfin la première date française de la tournée de MGMT, après un passage par Paris en Février. Nous brûlions, brûlions, à force d'écouter Oracular Spectacular depuis des mois, alors que nous brûlions déjà trop pour attendre la sortie française. Depuis, nous leur en avions même pas voulu d'apparaître sur toutes les couvertures. Après tout, le délire devait être collectif et solidaire. Et ce soir, nous ne leur en voudrons même pas d'avoir attiré autant d'adolescentes à leurs premiers rang. Celles-ci s'affolent à l'arrivée du duo, accompagné d'un batteur et d'un bassiste, dans un registre vestimentaire évidemment seventies. Mais dès le premier titre Weekend Wars, les regards s'échangent en périphérie du public qui avait décidé qu'il s'amuserait ce soir. La chose devient évidente lors des chansons suivantes, et surtout après Time to Pretend : le groupe ne donne rien sur scène.
Ou pas grand chose. MGMT joue son album dans le désordre, rapidement, précisément. Deux inédits, un solo de guitare vaguement psyché, et puis s'en vont. MGMT fait le concert promotionnel d'un groupe lambda, alors que nous venions vivre une grande messe psychédélique. En réalité ils ont l'air un peu perdu, l'air de ne pas comprendre comment ils sont arrivés là, ni ce que nous attendons d'eux. Mince, est-ce que tout était de la faute de Dave Friedman? Leur a-t-il produit un disque au-dessus de leurs moyens? Pourtant ces chansons extraordinaires émanaient bien de ces deux garçons, qui avaient de leur corps ouvert la porte d'un monde merveilleux à travers des clips faits de couleurs hypnotiques, d'images improbables, et d'héroïsme mythique. Mais MGMT ne propose rien de tout ça ce soir; alors qu'ils devaient nous inviter à entrer dans ce monde tant rêvé, ils nous en ont fermé la porte au nez. Les chansons ont toutes perdu de leur magie. Les plus grandes étaient toutes petites (Kids, The Youth). Les plus colorées étaient toutes ternes (Future Reflections). MGMT, nous ne vous avons jamais demandé de vous produire en professionnels, de contenir votre jeunesse, votre folie, vos fantasmes. Nous voulions vous voir danser les bras en l'air, décomplexer le jeu de scène, aller au bout de ce que vous aviez amorcé. Vous nous avez mis la tête dans les étoiles, et ce soir vous nous avez fait redescendre sur cette Terre que nous n'aimions plus tellement. Oui les garçons, maintenant nous vous en voulons.
Pour se faire une idée, Pieces of What au célèbre Later Live Show:
Non il ne s'agit pas d'une chronique mais d'une annonce. Alors que mon groupe texan favori est aujourd'hui encore en tournée aux quatres coins du monde (jusqu'en novembre) pour promouvoir l'exceptionnel The Stage Names sorti l'an dernier, Pitchfork annonce sur son site la sortie le 9 septembre prochain du 5ème Lp du groupe, toujours chez Jagjagwar. Même si nous n'avons pas encore d'artwork ou de tracklist, The Stand Ins s'annonce comme une séquelle à The Stage Names qui devait à la base être un double album. Will Shef sera le seul leader de cet opus puisque Jonathan Meiburg se consacre désormais uniquement à son excitant projet solo, Shearwater, dont le dernier effort sera disponible le 3 juin prochain sous le nom de Rook, faisant suite au génialissime Palo santo.
L'attente risque d'être longue pour les fans, même si en attendant vous pouvez toujours télécharger gratuitement et légalement The Golden Opportunities, une mixtape de 9 titres dont 8 reprises (John Cale, Gainsbourg, Randy Newman...) enregistrés cet hiver en tournée.
1. The Stand Ins, One2. Lost Coastlines3. Singer Songwriter4. Starry Stairs5. Blue Tulip6. The Stand Ins, Two7. Pop Lie8. On Tour With Zykos9. Calling and Not Calling My Ex10. The Stand Ins, Three11. Bruce Wayne Campbell Interviewed on the Roof of the Chelsea Hotel, 1979
Vite, débarassons-nous tout de suite d'une considération malheureuse : la qualité du son. Alors oui, il y avait trop de basses, et oui c'est bien dommage pour les spectateurs qui n'avaient pas de bouchons. Il était difficile il est vrai de percevoir les différentes strates électroniques jouées ou programmées par le trio. Après, qui peux bien attendre d'Animal Collective un son limpide? Car ce que le groupe propose sur scène, ce n'est pas une interprétation rigoureuse de compositions virtuoses à apprécier avec distance, mais une expérience physique à vivre ensemble avec abandon.
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Il est donc impossible de reprocher quoi que ce soit à Animal Collective, tant la présence de ses musiciens, en chair et en os, en T-shirts et en tongs, est entière, authentique et généreuse. C'est évident, c'est la transe qui est au coeur de la démarche, et à ce jeu-là les trois musiciens se donnent tout entiers: Avey Tare danse frénétiquement, Geologist secoue la tête en tous sens, et Panda Bear frappe ses caisses comme si rien d'autre ne comptait. L'invitation va de soi, que le public participe à la transe! Bien sûr, celui-ci hésite, décontenancé par une attitude inhabituelle en ces lieux, même s'il est indéniablement conquis et emporté par la cadence folle de Peacebone ou par le réarrangement aérien de Chocolate Girl.
Car comme Animal Collective possède une inspiration infinie, son répertoire est déjà un puit sans fond, ce qui en concert laisse place à toutes les possibilités. Ce Chocolate Girl est un moment si inattendu qu'il est émouvant : perle éclatante extraite du tortueux Spirit They're Gone, Spirit They've Vanished (2000), il est ici relu, ralenti, bousculé. Les compositions d'Animal Collective ne sont jamais figées, toujours en mouvement. Alors sur scène ils étirent Fireworks, et se réapproprient même le Comfy in Nautica de Panda Bear solo, d'une beauté absolue, à donner des frissons.
Et tout participe d'un même mouvement. Animal Collective envisage sa musique, exactement comme Atlas Sound en première partie, comme un flux continu: les morceaux initiaux ne sont qu'un point de départ à un immense mix psychédélique. Ils s'enchaînent et se mélangent les uns aux autres; nos musiciens ne s'arrêtent pas un instant. Ils ne laissent aucune place pour des applaudissements, qui seraient de toute façon bien saugrenus, autant que la hauteur désolante de la scène. Nous devrions tous danser autour du groupe sans complexe et profiter pleinement d'être ainsi invité à prendre part à une expérience nouvelle, animale et collective, moderne et réactive. Qui passe à côté d'artistes si essentiels à leur temps risque de rater quelque chose de sa propre vie.
Kidsaredead ne se prend pas vraiment au sérieux. Pas plus qu’il n’a jamais véritablement coupé avec son enfance. Entre le souvenir encore pétulant de la photo de sa professeur de piano à moitié dénudée et les révisions pour ses études, il trouve cependant le temps de s’adonner à la composition musicale. L’exercice est profondément ludique, presque enfantin : porté par une voix gracile, il dessine de parfaites mélodies pop lo-fi. Avec ses instruments et dans la cave des ses parents, il nourrit toujours un seul et unique dessein : conquérir le cœur des filles (et celui de Karl Blau). Une rapide interview, coincée entre deux caddies au rayon bricolage de Auchan-Clouange.
Qui es-tu Kidsaredead ?
Le genre de mec qui renverse des petits pois carottes sur sa chemise à la cantine.
Comment en es-tu venu à faire de la musique ?
Quand j'avais 5 ans, ma première prof de piano avait des photos d'elle un peu dénudée dans la pièce où elle donnait ses cours. Ca remonte à longtemps, c'est assez trouble dans ma mémoire, mais je me souviens que je les regardais d'un air hébété. Sinon, sur la pochette de mon greatest hits de Police, il y avait une photo de Sting en train de faire du yoga au bord d’une piscine à Hawaï, genre le succès n’est pas incompatible avec une vie spirituelle épanouie. Je crois que c’est ça qui m’a donné envie de faire rock star pendant mon adolescence. Heureusement, ça m’a passé.
Comment travailles-tu ?
Au début, j'enregistrais sur un 4-pistes puis je me suis acheté un 16-pistes. J’ai fait mes chansons tout seul jusqu’à maintenant, en jouant plus ou moins mal de tous les instruments.
Quelles sont tes principales influences ?
Après notre déménagement à Clouange, j’ai acheté Sticky Fingers des Rolling Stones et Harvest de Neil Young en promo au centre commercial AUCHAN près de chez mes parents. C’était cool. J’ai dû trouver pas mal de disques de Prince en promo là-bas aussi. J’ai fait l’acquisition de OK Computer le jour de sa sortie et je me suis tout de suite fait une cassette pour mon walkman. La même année j’avais aussi Wowee Zowee de Pavement en cassette et je l’écoutais tout le temps dans le bus. Le jour où j’ai découvert A Wizard, a True Star de Todd Rundgren, je l’ai écouté d’une traite dans ma chambre avec mon frère alors que mes grands parents étaient venus nous rendre visite. Quand j’ai eu la grippe en Angleterre, j’étais cloué au lit pendant deux bonnes semaines et j’écoutais des CD de MP3 fourrés de groupes Tropicalia (Os Novos Baianos, Caetano Veloso, Joyce…) que j’avais pompé chez Flóp.
Pour l’instant tu n’as enregistré que des démos, prépares-tu un enregistrement pour 2008 ? Des concerts ?
J'ai fait un premier concert de mes chansons à La Java en mars dernier dans le cadre d'une Bienfaisance organisée par les disques Bien. Je vais me contenter pour l'instant d'accompagner mes amis avec qui je joue depuis cette année : Flóp le 28 mai au pop in et le 5 juin à la Java, Orwell le 5 juillet à St Nicolas de Port, Alban Dereyer Je participe au prochain disque de Variety Lab, un très chouette projet pop, riche en collaborations qui devrait sortir dans quelques mois. Sinon pour mes propres trucs, je vais essayer de trouver un peu de temps pour enregistrer à Los Angeles avec les musiciens de Toto.
Tu as dédicacé une de tes compostions à Karl Blau, comment l’as-tu rencontré ?
J'ai rencontré Karl Blau en première partie de Laura Veirs deux jours après avoir découvert the Microphones et Little Wings (groupes du label K records). Il jouait avec une pédale de boucle et il s'en servait comme d'un quatre-pistes en live de manière super casse gueule mais ses chansons était très touchantes. J'ai adoré et j'ai été le voir à la fin du concert et je ne sais pas ce qui m'a pris, je lui ai promis de faire une chanson en son honneur (en me disant que ça changerait des chansons sur les filles...). J'ai passé tout l'été à écrire mon mémoire de maîtrise et pendant les pauses je trouvais des nouvelles parties à la chanson, et comme j'ai été très lent à faire mon mémoire, je me suis retrouvé au final avec cette chanson de 6 minutes qui change toutes les trente secondes. Je lui ai envoyé en espérant qu'il la mette sur un des disques de sa collection mensuelle Kelp mais bon je crois que je dis trop Karl Blau dans la chanson et que par humilité, il a préféré l'écarter. Ou alors il l'a trouvé nulle. En tout cas, Kelp monthly recommence ce mois-ci et Karl Blau vient de sortir un disque intitulé AM qui est super cool, où il adapte notamment des poèmes de l'auteur de Winnie l'Ourson dans un style kurt cobainesque pas piqué des hannetons.
Au final, tu es plutôt Playmobil ou Légo ?
Héhé. Lego. C'est la base de l'overdub. En ce moment, j'essaye d'avoir une approche plus Playmobil de la musique mais c'est pas gagné.
Il y a des fois comme ça où rien qu'à la pochette, on sait que ce que l'on va entendre va suprendre. Ici une illustration originale et quasi vaginale qui attire l'oeil autant que le subconscient. Une fois renseigné, il s'agit du 2ème Lp de la reformation partielle et complétée des relativement bien aimés The Unicorns. Pour ceux qui s'en souviennent, en 2006, Return to the sea avait en effet conquis la grosse poignée de gens au courant. Depuis, Jaime Tambeur est parti et Nick Thorburn (anciennement Diamond) a pris du grade au sein du nouveau sextet basé à Montréal. Et nick est du genre de ceux qui ne lachent pas prise, qui comme Brian Wilson ou Lennon / McCartney avant eux tentent de livrer le disque pop parfait. Et à ce petit jeu là les Islands ne sont pas si loin du compte.
En fait avec Arm's way, réel tournant de leur carrière, le groupe devient le seul véritable concurrent si l'on peut dire d' Arcade Fire, leurs voisins, qui accrochez vous, ont commencé à tourner en première partie de Diamond et sa bande. Et en attendant le prochain Wolf Parade, peu sont ceux qui font prendre à leur pop expérimentale telle ampleur et telle diversité de composition. Car loin du grand frère, chaque titre s'autorise son moment de folie, loin de la norme, polyrythmique et étrange. Référents, le Vertigo de 11 minutes et trois mouvements qui réussit tout ce qu'il tente ou Life in jail, fantastique ballade qui finit en liesse scandée bien montréalaise.
Bien avant Vampire Weekend, les Islands sont considérés comme ceux qui ont réhabilité le Graceland de Simon, avec l'utilisation de thèmes caribéens contribuant à une atmosphère parfois afropop (J'aime vous voir quitter en français dans le texte). A l'opposé, Creeper s'impose comme le titre le plus mémorable, confectionné à l'aide de vieux sons de synthés 80's sur une base de guitare tubulaire. Au milieu, In the rushes est le titre que Muse a toujours rêvé d'écrire, d'un romantisme gothique à toute épreuve. Et comme chez leurs compatriotes désormais superstars, les arrangements de corde théatraux partagent l'affiche avec les couches de cuivre, les synthés et les guitares. Et comme eux encore, les thèmes de l'écriture tournent autour de la mort, interprétée par de très jeunes joueurs, tous talentueux. Les écoutes répétées à venir et entamées devraient vraisemblablement consacrer ce disque comme mon numéro 1 de l'année.
En bref : Ce disque est énorme, fantastique et majestueux. "Et Funeral, tu te prends pour qui? " _
Je m’étais dit : «Mozart et le rock indé, bon, c’est bien, mais il faut que j’écoute un peu autre chose, de la musique de jeune, un peu comme Daft Punk» (que je me surprends à aimer, quand je ne me crispe pas sur ma montre, en attendant la fin de ces boucles interminables qui font le charme si caractéristique de ce groupe). Je vais écouter Justice, donc, puisque même Télérama en dit du bien. Je tombe sur DANCE, et je fuis au bout de 18 secondes d’écoute, les petits chanteurs à la cross de bois n’ayant jamais été ma tasse de thé. «Insistes, tu verras, c’est bien», me dit mon vieil ami Nicks, toujours impitoyable envers la chanson-française-de-qualité, mais très ouvert sinon, même à l’électro hype plutôt fédératrice.
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À force d’insister, voilà que je me retrouve à un concert de Justice, et je vous épargne les étapes de cette conversion inattendue. «Fédérateur», c’est effectivement l’adjectif qui vient à l’esprit, quand on observe le public et son comportement durant les premières parties (car, hélas, il y en a eu deux). Une pom-pom girl, vêtue d’une improbable salopette, se trémousse sur fond de variété remastérisée par un DJ qui se permet toutes les audaces … en matière de mauvais goût (on a eu droit à The final countdown, souvenez-vous, ça va vous revenir). Une partie de la salle s’échauffe dans la fosse, et s’en donne à cœur joie, tandis que l’autre, assise, prend son mal à patience, et ose quelques sifflets pour essayer d’abréger la torture. C’est exactement ça Justice : une musique qui fédère les trentenaires amateurs d’électro et les ados amateurs de beats (« Putain, Justice ça déboîte »). Du gros son qui déboîte, en effet, mais des empilements d’amplis Marshall en guise de dispositif scénique, qui fonctionnent clairement comme un principe de distinction, en rappelant les installations de Jeff Koons.
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Justice c'est un peu de pub, du merchandising, mais aussi la couverture de Télérama, et un clip du fils Gavras, qui joue, à l’évidence, sur la conception légitime de l’œuvre d’art comme opacité, objet devant être interprété. Il y en a donc pour tout le monde ; sauf que, quand même, on a l’impression que c’est le côté dance-floor/big rave partie qui l’emporte un peu, dans l’ensemble ; les titres s’enchaînent avec un art consommé du faire-danser, un peu appuyé parfois : attention le rythm of the beat va aaaaaaaaaarrrrrrriiiiiiiivvvveeeeeer, et il arrive (bom, bom, bom,etc. ). On prend, au demeurant, grand plaisir à retrouver les morceaux de l’album complètement transfigurés, hâchés, dispersés, ou réduits à l’état de trace, de vestige, ou de leitmotiv. Précédée d’un long crescendo, Genesis prend toute sa dimension d’ouverture wagnérienne ; Stress est littéralement dépecé, comme dans un exercice de style qui aurait consisté à en dégager les éléments constitutifs, à les épurer, en vue de sur-dramatiser l’ensemble ; l’inévitable Because we are your friend vient juste après, et, là, sur fond du clip désormais bien connu, on ressent comme l’expression d’une vague solidarité émeutière, qui rend plutôt sympathiques nos deux parisiens branchés. Le thème de Phantom est intelligemment traité comme un leitmotiv discret, et DANCE passe, indolore, même pas mal. L’album est pris dans un gigantesque maëlstrom sonore et rythmique, qui tantôt le condense, tantôt le dilue. Où sont passées les basses slappées de l’album , par exemple ? Les rappels nous envoient, à l’inverse, des bomb-bass à vous décoller la plèvre, et nous assomment avec un final étonnamment métal (Les amplis Marshall, c’est des amplis de guitare non ?), furieux, dans un crescendo rythmique qui nous laisse pantois…et heureux.
Chaque album de Destroyer sort, même distribué comme ici par Rough Trade, avec la plus grande discrétion. Il est pourtant de chanceux initiés qui accueillent chaque sortie avec la curiosité la plus vive. Car au fil d’un répertoire en mouvement, Daniel Béjar, des plus grands poètes nord-américains contemporains, replie et déploie un univers textuel fascinant. D’une litérarité emphatique à une oralité triviale, de ficelles absurdes en cordes sensibles, la poésie de Béjar chasse sur les terres du non-sens. « Night’s surgeon dons his robes to take apart a fellow amateur » : une écriture cryptique dont nous ne pourrions avoir la clef ? Mais ces références à l’Art, aux villes concrètes, au Cinéma, et surtout à la Pop ne sont-elles pas autant d’invitation à entrer dans la ronde des mots ? Les textes de Destroyer sont troués de ramifications auto-référentielles : il y a au détour de chaque vers un renvoi à d’autres chansons, enregistrées sur des albums précédents. L’Eternel Retour ? La vie ne serait que cycles sans raison ? La question à peine posée que les mots creusent sur place puis partent en vrille.
La poésie de Destroyer est sonore, ne l’oublions pas, et elle est là mue par le nouveau perpétuel. La linéarité aveugle ? La vie ne serait que paliers perdus ? La question à peine posée… Et elle est là, la fébrilité des Mélomanes, moins sur les écrits que sur l’ïnouï évidemment : où le son de Destroyer est-il allé cette fois-ci ? C’est que nous étions passés du lo-fi We’ll Build Them a Golden Bridge au glam rock de Streethawk : a Seduction, puis du du folk rock noisy de This Night aux symphonies synthétiques de Your Blues. Ici Trouble in Dreams : belle déception. Destroyer creuse à peu près le même sillon que sur le précédent Destroyer’s Rubies, à savoir une sorte de piano-prog-rock d’influence 70’s. Dommage, ce n’est pas là que le groupe était le plus pertinent.
Dan Béjar se situerait donc dans une démarche contraire à celle de Leonard Cohen, pour qui la guitare n’était au départ qu’un prétexte au verbe, mais qui a finit par s’impliquer plus encore dans la mise en musique. Dans Trouble in Dreams, Destroyer semble avoir asséché la composition et tourné le dos au radicalisme sonore des précédents opus, aux partis pris extrêmement marqués. On écoute alors parfois un groupe qui chercherait à avoir des idées, qui malheureusement ne fonctionnent que rarement. Plus triste, l’emphase qui apparaît sur Shooting Rockets (From the Desk of Night’s Ape) va se révéler indigeste et énervante en fin d’album (les quasiment inaudibles Leopard of Honor et Plaza Trinidad). L’auditeur se retrouve ainsi immergé dans un ensemble dont il peine à sentir la consistance. Il se raccroche à quelques mélodies, à de belles nappes de synthé (revenues de Your Blues), à la délicatesse de Blue Flower / Blue Flame, aux cavalcades de Dark Leaves Form a Thread, à l’outro de Foam Hands ou à l’intro de My Favourite Year. Ces quelques réussites lui retiendront une attention certes émue mais pas éblouie. Pour le reste, Destroyer n’est tout simplement pas parvenu à mettre en forme ses chansons. On regrette alors, profondément, les derniers joyaux de Béjar au sein de The New Pornographers : Myriad Harbour, Entering White Cecilia et The Spirit of Giving sur Challengers. Ces pop-songs renversantes, produites au pinceau fin, avaient laissé augurer du meilleur, surtout auprès des admirateurs passionnés du canadien.
Mais cette fois-ci, entre le clair et l’obscur, Destroyer a préféré le flou, qui donne à vrai dire bien mal à la tête. Et déformer ainsi les contours des chansons n’a contribué, au-delà sûrement de l’effet recherché, qu’à les rendre impuissantes et inexpressives. Non, pas un mauvais disque en soi, c’est juste qu’à côté des crêtes sauvages, impressionnantes de splendeur, que sont This Night et Your Blues, les vallées cultivées de Trouble in Dreams font bien pâle figure.
En bref : Destroyer, pourtant fins et doués, négligent la mise en musique des grands textes de Daniel Béjar.
Donc, aucune vidéo officielle, aucun live TV... que de plans de concerts filmés à la volée, dont ce Dark Leaves Form a Thread, de piètre qualité plastique malheureusement:
Qui a dit qu'il n'y a que la souffrance qui mène à l'art? Car nous tenons aujourd'hui dans nos mains la preuve du contraire, le contre exemple parfait où tout n'est qu'amour et joie de vivre. Vous me direz, ça sonne un peu neuneu dit comme ça, et je sens déjà les diabétiques de la pop trop sucrée amorcer leur prochain malaise. Car The Submarines est un couple marié et heureux. Celui de Blake Hazard et John Dragonetti. Après Declare a new state en 2006 écrit chacun de leur côté durant une séparation et enregistré ensemble durant les retrouvailles, et celui-ci écrit ensembles post mariage ça sent un peu les feux de l'amour.
Et pourtant, les deux tourtereaux accouchent d'un brillant petit album de sweet pop. You, me & the bourgeoisie, premier single extrait du disque inspire la positive attitude façon Nena, mais fini en solo de Gockenspiel à faire tomber un mur de Marshall, ou presque. Bon pour eux, leur talent ne se limite pas à ça et plusieurs titres comme 1940 ou Fearn Bear rebondissent comme un bon dub oldschool, ou presque (bis). Enregistré dans le home studio au fond du jardin, Honeysuckle weeks est irrésistiblement catchy, 10 morceaux pour 30 minutes de jeu. Paradoxalement, seule la Wake up song n'éveille pas grand chose. Quelques touches d'électronique bien choisies épaississent la sauce et permettent de déguster ce disque comme il se doit, avec de la chantilly.
En bref : Derrière une pochette Yellow Submarine, The Submarines s'aiment et aiment la pop. Et nous les aimons. Et tout n'est qu'amour. Hallelujah !
Aperçus en surfant sur les nombreux sites américains de musique indépendante, une pochette et un nom bien particuliers qui me rappelaient vaguement quelque chose. Un album écouté en 2006, The Loon, qui d'après mes souvenirs valait très clairement l'attention, malheureusement aussi vite oublié qu'arrive le flot des nouveautés. Dur dur de durer. C'est donc en successeur que s'érige ce nouvel opus produit par le désormais inévitablement présent dans mes chroniques Dave Friedman. Plus concentré, plus méritant, plus sale (The dirty dirty, forcément) mais peut-être moins accrocheur. Premier constat. Et pour la comparaison Clap Your Hands que l'on tente de leur faire porter, il faudra repasser, carrément rien à voir, si ce n'est une carrière calquée au niveau du calendrier et un producteur commun pour leurs deux deuxièmes, Dave, encore lui!
Quoi qu'eux aussi chouchous de la blogosphère, au moins anglophone, la bande de 4 emmenée par le chanteur Josh Grier déploie sa pop rétro moderne évoquant ainsi Pavement, Modest Mouse ou Arcade Fire. Conquest fait partie de ces morceaux moins nerveux mais mieux produit. Comme posé, mûri, repus. Dans l'air du temps, Headshock fait appel aux guitares saturées, la batterie sur Say back something est profonde à n'en plus finir, si claire qu'on dirait de l'électronique. Et la chanson qui déroule autour, tranquillement, son histoire et ses guitares. Line n'est pas mal non plus, dans son final orchestral. On pourrait encore qualifier Blunt de Pixies, ou George Mickaël de Sonic Youth. Ou s'émerveiller devant la ballade Anvil. On pourrait. Mais ce serait devoir décrire chacun de ces 12 tubes de poche. A écouter. Plusieurs fois.
En bref : Minneapolis represents! 12 chansons pop assez classes pour rentrer dans le top 2008.
Il y a un peu plus d'un mois je vous signalais la sortie de Coco killed me, deuxieme album de Think Twice, groupe franco-irlandais transféré de FCom à Dialect. Séduit par leur mixture de punk-rock, de funk blanc et d'indietronica, j'ai demandé à Benoit Raymond, bassiste et guitariste du trio, d'apporter quelques éclaircissements aux bienheureux lecteurs de DodB.
Quels ont été vos parcours respectifs avant la formation de Think Twice ?
Macdara faisait des performances, du spoken-word et de la trompette. JC était a la fois vendeur de disques et DJ. Pour ma part, j'ai joué dans differents groupes de rock.
Choisir d'appeler le groupe Think Twice avait-il un rapport avec la guerre en Irak, comme un avertissement à G. W. Bush ?
Le groupe s'est formé à cette époque- on voyait des manifestations à travers le monde, on y participait - on croyait que les manifestations pouvaient avoir un effet. Nous avons trouvé le nom avant que la guerre ne commence. Pour moi il s'agit d'un nom qui veut dire "pense avant d'agir". C'est un peu une blague pour nous parce que nous gardons une distance avec ce que nous faisons, mais nous souhaitons quand même garder une part de spontanéité. JC a trouvé ce nom et quand il nous l'a proposé, je l'ai tout de suite vu écrit sur des sacs de lycéens au stylo bille...
Ce second album est moins politique que le précédent. Avez-vous abandonné vos revendications ?
Nos revendications sont assez modestes dans le premier album. Nous disons ce que beaucoup de gens pensent déjà. Ici, nous avons fait le choix de prendre des masques et de raconter des histoires, de celles qui arrivent à tout le monde. Avec un côté plus dramatique, évidemment, que nous essayons de restituer sur scène. Dans le prochain album nous allons raconter l'amour politique! Parfois la réalité dépasse la fiction... Par l'amour on transgresse tout, le vol d'Hélène était le début de la guerre de Troie, on est capable de choses merveilleuses pour l'amour comme des pires...(clichés!)
D'où vient cette idée d'album concept, et comment avez-vous conçu l'histoire de Coco et Neverbeen ?
Nous étions bloqués. Alors c'était plus facile de raconter une histoire fictive. Nous étions très innocent au moment de la sortie du premier album, nous pensions que nous allions devenir célèbre très vite. Du coup ça allait être très facile de trouver de l'inspiration entre les cocktails et le champagne. Mais ça ce ne s'est pas passé comme ça. Il y a eu une longue traversée du désert en ce qui concerne les paroles. J etais désespéré et, lorsque JC a propose cette idee, j'ai sauté sur l'occasion de raconter une histoire parmi tant d'autres, derrière un masque. Je m'en fous un peu de ces groupes où le chanteur raconte sa vie, et ses galères. Sauf dans le rap, et même là c'est un peu une blague parfois. J'ai lu que Bruce Springsteen se dit à chaque fois avant d'aller sur scène : "C'est la chose la plus importante au monde que je vais faire mais en même temps c'est que du rock n' roll". Aujourd hui le rock n'est plus un lieu de rébellion ou de questionnement. C'est devenu un rituel. J'ai imaginé un chanteur de rock dans l'avenir, dans une ville où la créativité est à la portée de tout le monde, mais pas la renommée. Au debut de l'histoire, Neverbeen n'est plus tellement à la mode. Son moment de gloire est déja passé. C'était assez facile une fois l'idée trouvée. C'est une longue histoire que je continue d'écrire. Il y a encore des morceaux a ajouter pour raconter la suite... On nous a critiqué pour avoir fait un exercice de style, mais il n'existe pas d'histoires nouvelles que l'on puisse raconter. On peut seulement trouver de nouveaux agencements. Nous ne prétendons pas avoir réinventé la roue. La musique est vaste et nous apportons notre caillou à l'édifice...
Cette histoire d'amour entre une rockstar sur le retour et une lolita insouciante rappelle les intrigues de beaucoup de films mythiques, comme "Badlands", "Taxi Driver"... Etes-vous des fans de cinéma, et ces films vous ont-ils inspiré ?
Nous aimons tous les bons films et les mauvais aussi. Je ne connais pas Badlands mais je connais l'histoire de Starkweather et Fugate, qui l'a inspiré . Est-ce que tu connais l'histoire de Gary Gilmore? En 2007, le film Natural Born Killers qui est aussi le titre d'un livre sur Starkweather et Fugate a aussi inspiré un couple meurtrier au Canada. Il vaut mieux faire de l'art que de la réalité. Surtout quand il s'agit de tuer- parce que le sang, ça tache.
Votre musique croise acoustique et électronique, vous faites le grand écart entre scènes rock et électro. Pensez-vous faire partie d'un "renouveau" du rock à la française ?
Non, le rock est plutôt en train de mourir. Le rock est devenu une musique tout à fait acceptable et parfois c'est désolant. On veut rester underground tout en étant plus connus (Il ne faut jamais dire ça). La french touch est mauvaise et on vient du label ou tout ça a demarré! Il n'y a plus d'écart entre l'electro et l'acoustique. Les deux sont pareils pour nous. On fait de la musique pour nous amuser et pour sentir quelque chose qui est vrai pour nous. Qui nous fait sourire.
On sent une grande influence des Talking Heads sur vos compositions. Est-ce un groupe important pour vous ? Quelles sont vos références principales ?
Talking Heads est un de nos groupes préférés. Mais on ne l'écoute pas souvent. On aime aussi ESG, Gang of Four, LCD soundsytem évidemment (bien qu'ils nous ont tout volé parce qu'on existait avant eux!), Blur, James Chance & the Contortions. Ben écoute Led Zeppelin et Mylène Farmer. JC écoute LFO et Mireille Mathieu et Macdara écoute Miles Davis et Enya.
Comment travaillez-vous ? Qui compose, qui écrit ? Quelles machines et instruments utilisez-vous ?
On compose et écrit ensemble. On utilise l'ordinateur pour enregistrer. Ben joue de la basse et de la guitare. JC construit les morceaux, joue les claviers et écrit les batteries. Macdara écrit les paroles, il les dicte dans le micro et joue un peu de claviers et de la trompette. Cette façon de faire change en ce moment pour des raisons personelles: copines et voisins fachés par le home studio, moins de temps libres pour faire 300 prises, donc nous allons essayer de nous installer dans un "vrai" home studio. En ce moment nous répétons à Mains d'Œuvres mais nous sommes intéressés par toutes sortes de propositions! Si vos lecteurs peuvent nous proposer des possibilités!
Pourquoi avez-vous quitté FCom pour Dialect ?
On s'est quitté d'un commun accord. Tous les labels de musique traversent une période très difficile. Fcom n'en est pas exclu. Quand ils ont vu la direction nettement plus rock que nous prenions ils n'étaient pas sûrs de pouvoir nous suivre. Maintenant avec Dialect nous sommes sur un label qui aime l'éclectique et qui souhaite prendre des risques. Pari gagné puisque nous sommes rentrés en playlist sur Nova avec le morceaux Last Call. Maintenant, nous souhaitons faire vivre l'album sur scène, ce qui commence à se passer avec des lives de plus en plus délirant. Les gens pogotent à nos concerts et nous sommes en train de faire plusieurs morceaux juste pour ca! J'ai aussi un faible pour la tektonik dansée par des filles à forte poitrines. Nous essayons d'intégrer ce type de danseuses à nos shows. De faire coexister ces deux publics. D'ailleurs notre public est principalement féminin... Le public qui nous comprend le mieux. Il faut savoir que beaucoup de ces chansons sont écrites par Coco, la jeune Lolita, c'est elle qui me les a dicté.
Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Le projet à court terme est de créer un live qui s'articule bien autour de cette histoire. Le moyen terme est de préparer le prochain album dans un esprit plus rock, avec des morceaux que nous allons commencer à jouer sur scène pour pouvoir ensuite entrer en studio. Nous réflechissons aussi, comme beaucoup de groupes, a l'avenir de la musique. Comment exister? Comment rencontrer son public? Et si la musique était comme la poésie? Une forme artistique qui n'est plus tellement importante pour des gens qui se contentent d acheter des compils. L'histoire de Coco et de Neverbeen est aussi une tentative de raconter l'histoire de rock. Et peut-être une version de la fin de l'histoire du rock.
Votre playlist du moment ?
Lupe Fiasco Les hesitations de Nicolas Sarkozy, les espaces entre ses déclarations. Kenna - Say Goodbye to Love. Les gens dans le métro (mon lecteur mp3 est cassé). Napalm Death Jelly Roll Morton Ten Years After - Watt Country Joe & The Fish - Electric Music for the mind and body
Quelque chose à ajouter ?
Merci de vous intéresser à nous. Ce qui est bien sur votre site c'est que nous voyons que vous êtes intéressés par la musique. Des organisations comme la votre donnent une raison d'être aux musiciens et montrent la voie de l'avenir. Nous jouons au Nouveau Casino le mardi 27 mai à 20 heures. Si vous êtes fan de nous venez parce que nous allons donner le concert de notre vie - on va se donner à fond. Chaque fois avec nous c'est tellement proche de l'underground que c'est peut-être la dernière fois que nous jouons! En concert nous avons un batteur et un guitariste qui déchirent. Et nous avons donc notre "posse" féminin, qui essaie d'inventer une nouvelle sorte de tektonik.
Propos recueillis par Dave
A noter : Think Twice sera en DJ set au Divan du Monde le 24 mai, en live au Nouveau Casino le 27 mai et le 27 juin a la Fleche d'Or.
The life and times of an American invention ?!? dit le sous titre, pas de doutes, j'ai bien le dvd Fearless Freaks entre les mains. Connu pour être l'un des plus intimes portraits jamais réalisé sur un groupe, ce rockumentaire s'attache à pénétrer dans l'histoire des membres de la formation qui nous a livré ces 20 dernières années une poignée d'albums incarnant à juste titre la quintessence psyché pop, depuis Hear it is en 1986 jusqu'à At war with the mystics en 2006, j'ai nommé et vous l'aurez deviné, les Flaming Lips. Clap, clap, clap!!!
On y apprend beaucoup sur la double carrière des Lips, dont la deuxième est la meilleure, jouant vite et fort à leurs débuts puis évoluant vers l'expérimentation de ballades cosmiques, qui verront leur apothéose dans la naissance d'un disque culte en 1999, The soft bullettin, souvent comparé au Pet Sounds des Beach Boys dans la manière d'alambiquer les voix. Un trouble obsessionnel de créativité qui passe entre temps par de sévères partie de tirages de cheveux sur des projets visionnaires mais torturés, comme organiser des Parking session (diffusion en simultané de 50 cassettes d'autoradios sur 50 véhicules différents dans un parking pour créer un morceau) ou encore Zaireeka, objet musical fou, que peu ont expérimenté, album conçu en 4 cd différents destinés à être diffusés sur 4 système audio simultanément et créant ainsi une interactivité sans fin par le biais de mutes ou d'echos.
Ce ne sont que des exemples parmi tant d'autres, qui témoignent du besoin pour le groupe d'Oklahoma city de perpétuellement se recréer, pour se raccrocher à la vie. Leurs concerts, fou furieux de mise en scène, de costumes et d'astuces interactives ont fait dire des plus aigris qu'ils étaient des génies des artifices, d'autres plus pondérés évoquent l'art de l'ornementation, et puis il y a les fans, dont il faut se sentir un minimum proche pour apprécier le film à sa juste valeur. Les autres apprécieront le portrait, réalisé avec soin par un voisin, d'une jeunesse déjantée et insouciante, qui file inexorablement vers la vie d'adulte, forcément moins glamour. Un voisinage amical dont les hobbies sont les drogues douces, la peinture, le foot, les motos et la musique. Wayne Coyne, le cerveau du groupe, chevelure poivre et sel de la quarantaine et regard éclairé d'un gamin de 10 ans, y apparaît au naturel, sincère, naïf, presque trop gentil pour une soit disant personnalité du rock. Un homme attachant et humaniste que l'on aimerait avoir comme voisin, dont la scène la plus chargée de sens est ce moment de vie quotidienne, un improbable tondage de gazon dominical en règles, vétu d'énormes lunettes roses, chemise blanche, short et bottes vertes fluos.
D'autres moments sont plus difficiles, comme la scène hallucinante où Steven Drozd fait la démonstration de sa dépendance à l'héroïne, une séquence autement épidermique rattrapée plus loin par l'ouverture optimiste genre "Je m'en suis sorti par la musique". Mais il en faut, parce que dans la vie tout n'est pas tout rose, comme ce quartier américain idéalisé par des enfants mais souvent miteux, animé de fusillades, un endroit où pour certains, la seule famille est soit morte soit en prison. Plus rocambolesque, la coupe de cheveux de Mickaël Ivins, raison pour laquelle il a d'ailleurs été engagé. C'est l'occasion également de faire la connaissance avec le visage de Dave Friedmann, l'homme derrière les machines (auteur du récent Oracular Spectacular des jeunes MGMT) qui depuis 1992 et la signature avec Warner s'occupe de la production de la totalité des albums, se construisant ainsi une patte et une réputation Lipsienne.
Et puis, peut-être plus que tout dans ce documentaire, il y a ce décor, cette Amérique que l'on aime tant regarder, filtrée au travers des yeux de Bradley Beesley, si colorée, si contrastée, où chaque image est un plan de cinérama 16/9. Issu de 400 heures de rush étalés sur 15 ans, son film est effectivement un sommet du genre, évitant les pièges de la simple biographie en émaillant son récit de scènes décalées, et bien évidemment, à l'aide d'une mise en musique qui colle plus que jamais à son sujet. La bande son d'une vie. rare et étonnant.
En bref : Film documentaire de rock majeur sur un groupe contemporain qui ne l'est pas moins. _
_ _ Note: Au casting vous retrouverez pêle mêle Beck, Jack et Meg White, Cat Power et bien d'autres.
Suite et fin de l'interview audio du musicien canadien Gonzales, à l'occasion de la sortie de son nouvel album Soft Power.
#4 - Gonzales nous parle aujourd'hui de Soft Power, de sa réalisation et des enseignements qu'il a tirés de ses collaborations avec Jane Birkin, Charles Aznavour ou encore Philippe Katerine.
Pourtant souvent cité dans ces colonnes, le groupe bordelais Calc n’avait encore jamais eu droit à ce jour à une chronique de disque. Réparons cette erreur par omission en évoquant la sixième livraison de Julien Pras et sa bande, au nom et à la pochette bigarrés. L’évolution entamée il y a peu avec Twelve steps to whatever continue de faire son effet et le son est de plus en plus clair, sans doute grâce au talent de Xavier Boyer (Tahiti 80) à l’enregistrement. Depuis Something sweet il y a 10 ans qui m’a fait tomber amoureux du groupe, Calc persévère à aller à l’essentiel sans surenchère et ne cesse d’émerveiller par ses pop songs d’orfèvre au spleen et à la mélancolie planante.
Très vite l’on se fait à l’idée, comme à chaque fois, que cet album est le meilleur de toute la discographie. Le trio de tête, Bad actor, Cooking blood et Old ennemies ne peut que le confirmer. Le songwriting tout comme le jeu de guitares sont impeccables, toujours à mi chemin entre pop anglaise et noisy américain, le tout sonne comme d’habitude résolument nineties et l’on peut penser à Grandaddy, Sebadoh ou Midlake sans honte. Avalon by night, dans la plus pure tradition calcienne est un sommet d’émotion douce amère, l’un des meilleurs morceaux jamais écrits par les bordelais. La suite de l’album se laisse écouter sans révolution mais sans fausse note. Si Adam Kesher est le meilleur groupe rock français actuel, Calc l’est définitivement dans la catégorie folk pop.
En bref : 10 titres reprenant le meilleur de 10 ans d’une carrière impeccable pour une musique située entre Guided by voices et Elliott Smith.
Qu'est-ce que j'aurais aimé pouvoir encenser ce premier album, depuis que je l'attendais. Hélas, je suis peut-être trop difficile mais le tsunami annoncé par le buzz (inter?)nationnal n'atteint selon moi qu'à moitié ses objectifs. Et pourtant, plus j'écoute ce disque, plus je me convaincs que c'est moi qui ai tort, parce que bien sûr, Adam Kesher est un putain de bon groupe, l'un des meilleurs français à coup sûr, mais voilà, depuis 2006 que je me passais en boucle avant de sortir les deux Ep incendiaires que sont Modern times et Allegory of chastity, je m'étais habitué à un son dance rock que je ne retrouve pas, ou peu, au long de ce disque. Le groupe, qui en avait plus qu'assez d'être résumé à un simple Klaxons français effectue et ce dès son premier album un virage à 45° vers son influence d'origine, la new wave anglaise teintée de power pop américaine.
En prenant le pari osé de n'inclure aucun tube édité sur maxi et en fournissant dix véritables nouveaux titres, le combo bordelais émigré à Paris pour l'occasion s'est vu offrir les talents d'enregistreur de Pierrick Devin. Ok, j'avoue, ce disque qui mérite et nécessite pour le coup de nombreux aller / retours est ainsi plus ambitieux, moins hype et surtout de plus en plus sombre à mesure que défilent les minutes. Bowie, Sonic Youth ou Phoenix que revendiquaient depuis le début le chanteur Julien Perez apparaissent ici plus clairement. Certes, afin d'amener la transition en douceur, Local girl et Ladies, loathing and laughter ont toujours cette fibre électro rock proche de la scène fluo kid actuelle mais très vite les titres de la face B deviennent plus denses, plus chaotiques aussi, encore que par moment toujours un peu hybrides. Et la belle énergie déployée à la Pulp de laisser la place à deux ballades que l'on n'attendait pas, Talent and distance et Syllabe. A écouter le sextet en interview, le but était de faire un album contemporain en évitant le kitch. Pari réussi par surprise si l'on prend en compte le fait qu'Adam Kesher grimpe encore largement un cran au dessus de tous les groupes parisots qu'on nous balance à la figure ici ou là. Et rien que pour cette leçon de musique moderne, merci.
En bref : Post punk dansant décomplexé meilleur représentant à ce jour de la scène hexagonale. C'est dit.
Pendant que Justice déchaîne de vaines passions avec son nouveau clip/événement "Stress", il se trouve à côté de ce produit, recyclage d’une réalité fantasmagorique, un imaginaire autrement moins racoleur et putassier. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’excellente, et il est vrai angoissante, réalisation de ce court-métrage réalisé par Romain Gravas du collectif Kourtrajmé, mais plutôt d’enfouir le contentieux. RIP. Aussi, je profite de la brèche ouverte avec Art Bleek pour me lover dans l’imaginaire réconfortant de la deep-house jazzy de Markos Spanoudakis et George Laimos, respectivement Kreon & Lemos.
Mon premier est né à Athènes au milieu des années 80. Dès son plus jeune âge, il se perd dans l’immense collection de vinyles de son père. Il apprend à reconnaître une multitude de styles musicaux, et se les approprie patiemment. Il organise ses premiers goûters dansants à la maison dès l’âge de 15 ans ; pour l’occasion, il réalise ses premières acquisitions, des disques plus dansants, plus frais que ceux de papa. En 2007, il rencontre mon deuxième, et décident de travailler de concert. Le duo sort son premier EP remarqué en 2007 chez Resopal Red. Depuis, les Berlinois ne semblent jurer que par ces deux bonshommes dont les productions encouragent une évolution jazzy du label.
Lookoospher Remixed propose une série de trois reprises du maxi sorti au mois de janvier. D’excellente facture, les trois titres déploient des airs languissants au moyen d'une clarinette, du piano, mêlés à des rythmes deep, suffisamment vifs pour retenir l’attention d’une oreille peu entraînée. Sur le Remixed, la face A "Lookoosphere" est extraite de ses profondeurs originelles et se retrouve travaillée et martelée par le soin des frères Wighnomy, véritables forgerons de la minimale Allemande. Suit la version du jeune français Art Bleek qui, retournant à sa marotte, nage tête hors de l’eau, préférant le mouvement des vaguelettes house au bruit étouffé de l’immersion totale. C’est avec une grande surprise que je retrouve Anthony Collins aux commandes du remix de "Lily’s Here". Ce DJ français m’avait agréablement interpellé avec son maxi Fortuna, techno minimaliste caractérisée par l’utilisation de petits sons en clapotis. Le morceau prend une allure dansante, transporté par l’agitation de la clarinette. Irrésistible.
En Bref : Le Remixe qui perd ses racines deep pour se concentrer surtout sur le côté house des productions des Athéniens reste un excellent maxi, mais n’arrive cependant pas à faire de l’ombre au premier du nom.
J'entends déjà râler les plus aigris d'entre vous. Encore un groupe en zeu, encore un groupe de post ados anglais en slim et perfecto, encore la même pop rock calibrée bandes FM. Et c'est vrai qu'à traîner un peu sur la toile, le deuxième opus de la bande de Luke Pritchard ne récolte pas tous les suffrages. Calqué sur le premier comme on dit. Oui mais voilà, quand une Joconde existe, est-il nécessaire de faire une deuxième Joconde? Mieux, un disque pop rock doit-il être nécessaire? Il est vrai qu'à mieux écouter Inside in inside out, les similitudes peuvent être trompeuses et l'effet copié / collé jamais bien loin. Toujours est-il que j'ai envie de me faire l'avocat du diable et de défendre à la mesure de mes moyens ce disque qui a généreusement accompagné mes trajets à la plage la semaine dernière, rien de plus, et c'est déjà pas mal.
Justement intitulé Konk en référence au studio du même nom de Ray Davies, là où enregistrèrent les Kinks quelques décennies plus tôt, ce deuxième album assume d'entrée de jeu son statut de nid à gentils tubes. See the sun, Always where I need to be, Mr Maker, autant de mélodies instantanées taillées pour le plaisir immédiat. Et même quand Do you wanna ou Stormy weather s'aventurent sur des terrains plus péchus à la Arctic Monkeys ou The Libertines (en moins bien évidemment), ça sonne un peu pompier et manque cruellement de finesse. Qu'importe, le quatuor de Brighton révélé en 2006 sait qu'il ne porte pas la révolution en lui; tout juste de jolies pop songs aux arpèges sympas qui forment un album sautillant, souffrant malheureusement de répétition chronique, dans les mélodies comme dans les refrains. Mais je m'en fous, pour aller à la plage un dimanche après-midi, ça fait sacrément du bien.
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En bref : Brit pop pas transcendantale pour un sous mais quand même 30 minutes de plaisir immédiat à emporter plutôt qu'à consommer sur place.
Suite de l'interview audio du musicien canadien Gonzales, à l'occasion de la sortie de son nouvel album Soft Power.
#3 - Gonzo revient sur son orientation vers le rap pour son second album The Entertainist (2000) ainsi que sur ses incessants revirements de styles. Superfificiel, opportuniste, sans goûts, méprisant, l'autosacré "showman capitaliste maître ès communication" sculpte et déroule son personnage.
C'est l'éternelle querelle des anciens et des modernes, et pour certains une conviction profonde, la virtuosité musicale serait à chercher du côté des instruments traditionnels, resteraient à la musique électronique l'astuce et le bon goût, tout au plus. Pour nous tous une évidence, l'électro est affaire de virtuosité. Et le jeune Parisien Art Bleek, pianiste et saxophoniste de formation, de son vrai nom Arthur Pochon, en offre une brillante démonstration, en compositeur appliqué et, oserais-je dire, précoce. Un frenchy bluffant, qui fait mériter à son label, Connaisseur recordings, son prétentieux patronyme.
Le parcours d'Arthur Pochon est digne d'un véritable érudit de la musique. Diplômé du Conservatoire de Paris et du département de musicologie du Boston College, le garçon balade son saxophone dans de nombreuses formations de la capitale française, jazz, nu-jazz, bossa nova, et travaille dans une major avant de publier ses premières compositions en 2001. Il signe chez le label Lounging Records (inconnu au bataillon) et sort un premier album confidentiel avant d'enquiller quelques titres pour les Hollandais de Rush Hour puis pour Connaisseur recordings.
Art Bleek livre ici un maxi loin de ses territoires jazz de prédilection mais terriblement magnifique. Trois titres classieux entre deep-house et minimale, démonstration d'un sens aigu de la mélodie et de l'écriture. Vraiment impressionnant. Sur la troisième piste du EP, Arthur Pochon en vient à tutoyer effrontément Carl Craig et se pare d'un son « Detroitish ». La garçon ne se dégonfle pas et soutient la comparaison.
« Euphorized », qui occupe la première face du disque de ses huit savoureuses minutes, est une pure pièce de deep-house rutillante et entraînante. Dire de ce titre qu'il porte bien son nom relève de la plus pure tautologie lorsqu 'émerge du laptop du Français un thème imparable aux sonorités pressées, toutes aussi furtives que délicieusement arrondies. Le rythme est frénétique et insaisissable. La première réaction est physiologique, le corps comprend et succombe. Dans un second temps, c'est la virtuosité de l'homme qui interpelle. L'éclat de sa composition nous aveugle, la pièce est parfaitement maîtrisée. Et sans répit, Art Bleek nous hisse dans ses profondeurs digitales, à la fois immatérielles et caressantes. C'est deep et la frappe est chirurgicale. L'aiguille pénètre sans forcer, le fluide se répand. La chaleur monte doucement.
Passé ce fabuleux moment de débauche abyssale, la face B du maxi ne provoque ensuite pas tout à fait la même transe, mais elle donne humblement la preuve de l'habileté de son géniteur. « Night Station » est plus aride et sèche qu' « Euphorized ». Son beat obsessionnel martèle sans répit le crâne, à en devenir lascinant. Lorsque les clochettes de « Snow Landscape » lui succèdent, nous devenons légers, illuminés, radieux. Hilares. Nous sommes au Pays des merveilles, pioupioutements d'oiseaux, atmosphère bienveillante, tout est là. Sur ce paysage sonore onirique, Art Bleek invite alors un beat jazzy que ne renieraient pas les pères de la techno de Detroit. Les deux parties communient. L'enchantement prend. La démonstration du Français est sans bavure.
En bref : Un Parisien classe, sous influence jazz, compose une pièce deep-house de choix. Un met raffiné et éclatant en bouche. Immanquable.