29 février 2012

I:Cube - Cubo Edits (2012)

Neuf ans après 3, l’un des musiciens électroniques français les plus exigeants et intéressants s’apprête à sortir un nouvel album, malicieusement intitulé Megamix. A en juger par la qualité de ses prods récentes, la galette s’annonce dantesque. Outre ses travaux sous le nom de Château Flight avec son comparse de toujours, Gilb’R, il y avait eu, en 2010, le Mérovingienne EP, et, en fin d'année dernière, l’excellent Lucifer en Discothèque. Cette fois-ci, I:Cube revient avec un carré de morceaux plus vintage et ludiques pour le septième épisode des Edits du Golem, série française bien connue des amateurs d’edits disco. Ceux qui avaient entendu son superbe mix Autoroute du Soleil connaissent déjà le premier titre de l’EP, "Hnt", une merveille de house lente aux forts accents new-wave. Il s’agit d’une relecture de "Hunting", de New Musik, un groupe britannique du début des années 80. I:Cube y apporte quelques légères retouches et le dépouille presque de ses voix pour un résultat splendide. "A Bicyclette", qui dure seulement deux minutes, est une sorte de version dub très marrante du mémorable tube de Jackie Quartz, "Juste une mise au point"…

La face B est plus ouvertement dancefloor, à commencer par "Piano In Paradiso" qui, comme son titre le laisse présager, est une sorte d’hymne piano-house complètement euphorique, bien ancré dans les eighties. Une bombe en bonne et due forme, dont le sample principal provient d'un obscur morceau euro-dance de Nikita Warren. "You Dance So Well" clôt cette collection sans faille avec un étrange groove disco agrémenté d’un chant en allemand qui fait fortement penser au stupide "Da Da Da" de TRIO. Comme d’habitude avec I:Cube, alias Nicolas Chaix, il s’agit d’autre chose qu’un simple et énième EP de nu disco au kilomètre. A une époque où beaucoup d’apprentis producteurs se sont engouffrés dans cette brèche et envahissent le marché avec des disques faciles et inintéressants, tous calqués sur le même modèle, des sorties comme celle-ci sont d’autant plus précieuses.

En bref : en attendant l’album, 4 edits ludiques et magnifiquement produits par le maître I:Cube, oscillant entre disco, new-wave, house et variète des années 80.





Le site des Edits du Golem
Le Soundcloud d'I:Cube







Lire la suite

27 février 2012

Caravan - In The Land Of Grey And Pink (1971)

Ah, la divine école de Canterbury ! Celle qui a engendré Soft Machine - et donc les oeuvres de Robert Wyatt et Kevin Ayers - puis celles de Gong et donc celles de Caravan. Groupe estimé mais très souvent "oublié" des anthologies (en dehors de cet album phare), Caravan qui officie encore de nos jours s'était fait connaître par la grâce d'un rock prog mâtiné de jazz (comme la Machine Molle). Avec des titres d'albums alambiqués et à rallonge (voir leur second) qui n'auraient pas déparé les oeuvres futures d'un Liars par exemple.

Composé de virtuoses ne se la racontant pas, et emmené par les cousins Sinclair, David à l'orgue et Richard à la basse, ces hommes là aux cheveux longs, se complaisaient dans un prog rêveur et pastoral, et ne dédaignaient pas les longues suites façon les compatriotes de Procol Harum, groupe auquel Caravan fait de toute évidence le plus penser - écouter à cet égard les 22 minutes tour à tour enchanteresses, lounge puis explosives de "Nine Feet Underground".
Il n'est d"ailleurs pas interdit de penser que son premier thème "Nigel Blows a Tune" n'a pas dû manquer d'influencer tout ce que l'Angleterre compta de défricheur easy listening des 90's, de Stereolab à High Llamas en passant par Saint Etienne.

Concernant le rapprochement avec Procol Harum, il est à noter que les créateurs du divin "Winter Wine" usaient davantage d'épure, d'esprit bucolique là où leurs très estimables contemporains latinistes versaient volontiers dans l'emphase à grand renfort d'orgues baveux et d'arrangements baroques.
Point d'outrance chez nos hommes caravaniers, puisque de l'unisson des voix fragiles et étonnamment dépourvues de testostérone (pour des groupes velus de l'époque) de Richard Sinclair et Pye Hastings, se dégageait une plénitude toute bucolique, alanguie et psychédélique. Nulle démonstration instrumentale bavarde telles qu'il s'en trouvait trop souvent chez Pink Floyd et les groupes atteints du syndrome art school.

Richard Sinclair, véritable chanteur oublié au même titre que le magnifique Jay Ferguson de Spirit, possédait un timbre clair assez voisin de LD Beghtol - pour les connaisseurs, le chanteur d'appoint le plus effacé des Magnetic Fields d'aujourd'hui.
Durant une bonne dizaine d'albums, Caravan dispensa son prog étonnamment poppy, dont les points d'orgue se situent bien évidemment dans le premier brelan de leur discographie - l'on poussera vers le très plaisant Waterloo Lily (1974), premier disque enregistré sans Richard Sinclair.
Mais c'est bien évidemment vers ce fascinant In The Land Of Grey And Pink et sa pochette village de hobbits qu'il conviendra et pour l'éternité de se repaitre.

Convenir qu'il existait autre chose dans le prog -terminologie si galvaudée, raillée etc...et devenue trendy avec les années ! - des divines 70's, que ces horreurs sans nom qu'étaient les boursouflés onanistes et gras du bide des affreux Genesis et Yes, c'est déjà s'ouvrir de manière conséquente à la décennie dorée et élargir son horizon musical.
Une version digipack définitive, car enrichie de titres rares (chouette !) a célébré les 40 de ce disque intemporel.

En bref : l'école de Canterbury à son meilleur. Un disque d'une rare finesse d'exécution et d'écriture que l'étiquette tant éculée et encombrante de progressive ne saurait minimiser. Un fleuron du prog-rock, un classique des seventies.





Le site

"Winter Wine" :



"Golf Girl" :


Lire la suite

23 février 2012

The Explorers Club - Grand Hotel (2012)

Alors que ce nouvel Explorers Club sort dans l’indifférence la plus totale en France, la presse étrangère est divisée. Mais il ne faut pas oublier qu’elle l’a toujours été. Tout le monde n’a pas vu d’un bon œil l’hommage aux Beach Boys qu’était Freedom Wind. Beaucoup l’on accusé de singerie, nous l’avions jugé capable de trôner aux cotés des plus belles pièces des boys des années 1967/69. Quatre ans plus tard le groupe de South Carolina aux trois songwritters revient avec un Grand Hotel plus varié mais encore plus jusqu’au-boutiste dans sa façon de flirter entre l’imitation kitch et l’hommage inspiré. Back to the 60’s !

Se payant les services de Mark Linnet (l’homme derrière Smile), Jason Brewer et ses acolytes entendent revisiter la "Popular American Music" des 60’s. La production est riche et gavée de good vibrations. C’est l’un des reproches fait à ce disque d’ailleurs, son côté trop jovial, presque non sérieux. Disons que ça pousse parfois un peu loin le concept de "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil". Le club des explorateurs est heureux et veut qu’on le soit aussi.

Il y a beaucoup de choses dans ce grand hôtel. L’instrumental "Grand Hotel", le super cheesy "Summer days, summer nights", les ballades romantiques "It’s no use" et "It’s you", le mariachi "Weight of the world", le southern rock de "Anticipatin’" mais aussi un "Open the door" que n’auraient pas renié Scott Walker ou Roy Orbinson. C’est souvent à la frontière du ridicule vu notre époque (sorti un 14 février qui plus-est) mais il y a tellement de bonne volonté et de talent que bien souvent ça prend. Symbole de tout le disque, le single "Run run run" qui concentre peut-être là tout le dilemme de ce groupe, un côté sucré limite, mais une efficacité mélodiques et des idées qui sont bonnes.

En bref : plus que jamais anachroniques, The Explorers Club violent le patrimoine musical américain des années 60. On est constamment perdues sur leurs intentions mais il y a tellement de moments pop jouissifs qu’on l’aime un peu, ce disque.




Le site officiel

A lire aussi : The Explorers Club - Freedom Wind (2008)

Le clip cinéphile de "Run run run" :



Lire la suite

20 février 2012

Interview - Dylan Carlson (Earth)

On ne présente plus Dylan Carlson, l’un des pionniers du Drone et du Doom notamment, dernier rempart de la formation Earth, fameuse dans les années 1990 du côté de Seattle pour ses guitares gavées de réverbs et de distos. Aujourd’hui le groupe sort le deuxième volet d’un dytique entamé l’année dernière et continue de s’enfoncer les yeux fermés vers de nouveaux horizons. Toujours aussi aérienne, la musique de Earth est encore plus ténébreuse et exigeante qu’avant, de quoi largement prolonger pour quelques temps le culte que l’on porte à ce groupe. Et donc l’occasion de poser quelques questions à son leader.

Pourquoi as-tu coupé Angels Of Darkness en deux parties ?

Parce que cela aurait été extrêmement cher de produire le vinyle, et probablement trop cher pour que les gens l’achètent. A l’origine ils devaient sortir la même année mais les choses ne se sont pas passées comme cela aurait du à cause du label. Nous pensons toujours à la confection du vinyle, en réfléchissant en terme de faces et au fait que tu ne peux pas mettre plus de 22 minutes par face sans que le son commence à se dégrader.

Parles-nous du magnifique artwork ?

L’artiste s’appelle Stacey Rozich et c’est également lui qui s’est occupé de la première partie. J’aime le côté obsessionnel de son travail (et de ses êtres qu’il appelle des démons) tout comme les éléments folkloriques de son art. J’y vois une iconographie médiévale mixée avec des motifs orientaux et une certaine résonance occulte.

Que penses-tu de l’ancienne scène Britannique acid folk ?

J’adore son côté magique, le fait que cela résonne en moi comme un héritage génétique. Les musiciens donnent tout et j’aime la façon dont ils s’emparent de la tradition en la renouvelant. C’est mieux que d’aller au musée. C’est de la musique folk dans son côté populaire plutôt que dans son prétendu côté culture de masse. C’est encore vivant et les possibilités sont encore là.

Où trouves-tu ton inspiration ? Dans la solitude ou dans la relation aux autres ?

J’aime les paysages et la solitude, mais j’apprécie aussi de voyager avec des gens et en rencontrer d’autres, donc je pense que c’est un équilibre entre les deux.

Est-ce que tu continues à progresser en guitare ?

J’espère bien. Je suis constamment en train de m’entraîner et d’ouvrir les portes du possible.

Est-ce que tu vis de ta musique ?

Je n’ai pas eu à faire de job alimentaire ces quatre dernières années donc je dirais oui.

As-tu senti la crise ?

La crise économique ne m’a pas affecté tant que ça parce que je n’ai jamais été au top. Du coup ça n’a rien changé pour moi, je n’ai pas de maison à perdre, pas de crainte de licenciement. J’ai été très chanceux à cet égard.

Quel est ton meilleur souvenir de scène ?

Wow, elle est dure celle-là. En général les meilleurs concerts, je les commence, et la seule chose dont je me souvienne c’est quand ça s’arrête. Roadburn l’année dernière était excellent, je pense qu’on y a fait notre tout meilleur concert londonien. Newcastle était bien cool aussi. Helsinki était incroyable. Oslo l’année dernière aussi. Le public à Innsbruck était tellement dedans! Bilbao. San Fracisco. Les deux concerts que nous y avons fait au Slim étaient complets.

Te sens-tu mieux sur scène ou en studio ?

En général je préfère la scène au studio.

Est-ce que tu lis les blogs musicaux ?

Non pas régulièrement, je suis un peu un ancien et je continue à acheter des magazines. Du coup je ne me tiens pas trop au courant de la musique actuelle. Je tire généralement mes recommandations de mes amis. J’achète plus de livres qu’autre chose en fait.

Le site officiel




Lire la suite

16 février 2012

VA - Music For Dancefloors : The Cream Of The Chappell Music Library Sessions (2001)

Chappell est l’un des grands labels historiques de la library music, cette musique souvent désignée comme « légère » destinée à illustrer les programmes de radio et de télévision, des années 60 aux années 80. A cette époque où l’on n’utilisait pas encore systématiquement "You’re Beautiful" de James Blunt pour souligner l’émotion de telle ou telle séquence, les chaînes et stations pouvaient piocher dans un catalogue immense mis à disposition par des labels aujourd’hui mythiques, comme les Français Patchwork, Neuilly et Télé Music, ou les Britanniques KPM et Chappell. Elles pouvaient y trouver toutes sortes de sonorités, de la pop psyché au jazz funk en passant par l’exotica, le disco et les bidouillages de pionniers électroniques. Pour chaque ambiance souhaitée, elles pouvaient choisir parmi des milliers d'instrumentaux, souvent classés par thématiques et affublés de titres descriptifs.

Contrairement aux a priori sur la légèreté de la library, qui ne serait qu’un parent pauvre de la musique de films, tout ce pan un peu oublié de la musique du 20e siècle ne manque pas de consistance. Parmi ses figures de proue, on trouve toutes sortes de profils : anciens musiciens classique, touche-à-tout de génie, musiciens de studio et ingénieurs du son de luxe, hommes de l’ombre de la variète, pionniers du disco... Une sacrée galerie d’iconoclastes et d’innovateurs. Et c’est bien souvent dans le cadre de la musique d’illustration que ces artistes ont produit leurs œuvres les plus personnelles et les plus audacieuses.

Cette compilation sortie par Strut en 2001 me semble un bon moyen d’approcher cette sphère musicale pour les non-initiés, d’abord parce qu’elle se concentre sur l’aspect le plus funky et donc le plus accessible de la library, ensuite parce qu’elle présente un joli éventail d’artistes essentiels à travers certains de leurs meilleurs titres, sélectionnés parmi des milliers d’enregistrements. En dehors d’un interlude inutile (« Erotica 1 »), tous les morceaux sont excellents et ont ce petit côté exotique et tripé qui les distingue du jazz-funk ou de la pop plus classiques. Evidemment certains n’y verront que de la musique d’ascenseur. Je ne peux rien pour eux.








Un peu plus connu que les autres car samplé par Madlib et DangerDoom et présent sur moult compilations (dont le vol. 4 des Dusty Fingers), "Misty Canyon" de l’Australien Sven Libaek est sans doute celui qui a le moins vieilli. La nonchalance exquise du riff de guitare, la densité des cordes et des cuivres, l’efficacité des breaks de batterie, la beauté des soli de sax et de vibraphone, tout est réuni pour faire de cette petite pièce d’à peine plus de 2 :30 un chef-d’œuvre intemporel. Si.
"Safari Park", du génialissime Roger Roger, n’a pas non plus pris une ride. On voit à quel point ce type de groove a pu inspirer des maîtres du downtempo moderne comme Herbaliser ou Nightmares On Wax.

La plupart des autres titres ont un côté plus vintage, mais qui fait partie intégrante du charme et de l’ambiance de la compile. On passe de la funk survoltée d’Irving Martin et Brian Dee à des grooves soyeux et scintillants comme le "Discovery" de Brian Bennett ou le "Rainbow Bridge" de Paul Dupont & His Orchestra. Ici ou là, on a droit à une petite pièce de pop psyché à l’ancienne ("Following You" de Pierre Dutour, "Psychedelic Portrait" de Jean-Claude Petit et son Orchestre), ou à un détour par l’Amérique du Sud, comme sur le très brésilien "Five Plus Four" d’Al Newman, ou sur le délicieux "Exotica" d’Ole Jensen, qui évoque une version soft de Les Baxter.

C’est un festin de percussions étranges, de vibraphone et d’orgue, de trouvailles sonores en tous genres. Après ça, il serait étonnant de ne pas avoir envie de fouiller dans le gigantesque répertoire de la library music. Dans ce cas, faites un tour sur les nombreux blogs de collectionneurs, qui font véritablement un travail d’utilité publique en tentant de conserver ce patrimoine contre vents et marées. Donc allez-y, pendant qu’il en est encore temps…

A noter : la version CD ne contient pas tous les titres de la version vinyle (2xLP). Les autres volumes de Music For Dancefloors, consacrés aux labels KPM et Bosworth, sont également très recommandés.

En bref : une sélection des meilleurs titres d’un des labels les plus importants de la library music. Entre jazz-funk, pop psyché et exotica, c’est un excellent moyen d’aborder cette niche obscure et passionnante de la musique du XXème siècle.




Le site de Strut Records

A lire aussi : Shake Sauvage - French Soundtracks 1968-1973








Lire la suite

Billie Holiday / Bill Evans - Lover Man (1944/1963)

Pourquoi cette chanson plutôt qu'une autre? Parce que Kerouac l'adore, et que j'adore Kerouac... et Billie Holiday. Alors qu'il s'apprête à quitter Bea pour reprendre la route, Kerouac écrit : "J'avais la tête pleine de cette chanson grandiose, "Lover man", telle que Billie Holiday la chante"."Someday we'll meet, and you'll dry all my tears, an whisper sweet little words in my ear, huggin' and kissin', oh what we've been missing, Lover Man where can you be..." Ce ne sont pas tant les paroles que la mélodie, son harmonie, la façon dont Billie chante ça, comme une femme qui caresserait les cheveux de son homme à la lueur douce de la lampe" (Sur la route, rouleau original, p.242).

C'est une chanson où l'âme oscille entre espoir et tristesse, sans jamais sombrer dans le désespoir profond. Pourtant, la voix de Billie Holiday y imprime une sorte de fatigue infinie, totalement bouleversante. Il faut l'entendre dire "I don't know why but i'm feeling so sad". En 1944, date de l'enregistrement, elle n'est plus très loin du fond, et ça s'entend. L'orchestre d'ailleurs, avec ses violons et ses cuivres, nuance le sentiment, en sonnant plus glamour que dark jazz... (Pour ceux que ce genre d'accompagnement daté rebute un peu, on préférera quelque chose comme Velvet mood chez Verve, où l'accompagnement est beaucoup plus épuré). Quelque chose est troublant jusqu'au fond : ce côté "hallucination paisible" dans cette plainte d'une âme esseulée qui fantasme la rencontre. Hallucination que perçoit bien Kerouac, puisqu'il imagine la chanteuse caressant les cheveux de son amant, alors que précisément elle chante sa solitude (" Got a moon above me, but no one to love me").

On jettera une oreille sur l'interprétation du Bill Evans trio, enregistré en 1963 au Shelly's Manne-Holle, avec Chuck Israels à la basse et Larry Bunker à la batterie. Bill Evans déstabilise doucement la mélodie en naviguant dans les octaves (écoutez le début), en ménageant des silences, de fines ellipses, et en introduisant petit à petit, ici où là, des éléments de swing. La section rythmique, fantomatique au début, se met à swinguer très progressivement, comme pour conjurer le désespoir. Une hypothèse : on est deux ans après les mythiques sessions du Village Vanguard, et ce standard n'ayant jamais été joué du temps de La Faro et Motian, il se peut bien qu'Evans invoque les mânes de son regretté bassiste (La Faro est mort dans un accident de voiture) en choisissant d'inclure "Lover Man" dans le répertoire de son trio reconstitué. Lui ou son inconscient...

>

Lire la suite

15 février 2012

Cloud Nothings - Attack On Memory (2012)


Il y a des groupes que l’on n’attend pas au tournant. Je n’aurais jamais parié un kopeck sur Dylan Baldi à l’écoute polie de ses deux premiers albums. Je l’avais même vu en parking concert au printemps dernier à Austin et n’en avait pas gardé un souvenir mémorable. Que s’est-il donc passé pour qu’un groupe plus que mineur livre tout à coup un album qui sera sans doute majeur cette année, toutes proportions gardées ? La présence d’Albini aux manettes ? Peut-être. La naissance d’un groupe aux dépends d’une individualité ? Certainement. En attendant de connaître la réponse Attack On Memory va faire des vagues.

Tout est dit sur les deux premiers morceaux qui totalisent à eux deux presque quatorze minutes sur un album qui en compte 34. Ces morceaux on les a découverts cette année et on a tous été immédiatement subjugués. Le nihiliste jusque dans le titre "No Future / No Past " annonce la couleur avec le morceau pourtant le moins représentatif de l’album. Une intro lente et torturée qui tourne vite en un déluge électrique de rock n’roll. Steve Albini pourtant décrié par Baldi (buzz ?) semble avoir gonflé comme il faut les batteries, brutes de décoffrage. Et Baldi de hurler son grunge entre Billy Corgan et Kurt Cobain.

"Wasted Days" ne laisse aucun répit derrière. Ca galope comme Fugazi et The Thermals réunis et à mi-chemin on fait vraiment connaissance avec le groupe avec une partie instrumentale ébouriffante, clairement enregistrée live. Entre le post-hardcore et le noise rock, on ne reconnait plus le jeune Baldi et ses 20 piges. Le garage rock lo-fi de ses débuts (Turning puis Cloud Nothings) a muté en bête punk et urgente.

Après il y a les morceaux de rock indé adolescents 90’s, "Fall In", "Stay Useless". Des tubes sans hésiter, mais moins puissants. Ou encore trois minutes instrumentales ("Separation") qui remettent dans le bain. Pour "No Sentiment" je ne peux m’empêcher de penser aux Smashing Pumpkins quand ils sont énervés. Puis quelques autres morceaux pour finir le disque.

En bref : sans crier gare, Cloud Nothings a muté en un groupe grunge des années 90’s et envoie du bois, c’est le moins que l’on puisse dire. Le disque ne restera pas dans l'histoire mais remplit bien son rôle.




Le site officiel

Acheter  Attack On Memory chez l'International Records

"No Future / No Past " et "Wasted Days" :




Lire la suite

We Have Band - Ternion (2012)

Il y a des groupes comme ça, on aurait envie qu'ils sortent toujours le même album tellement on a d'amour pour eux et tellement on a la peur au ventre de les voir nous décevoir. C'est le cas de We Have Band, ce groupe qui nous a fait rêver en 2010 avec leur premier album WHB qui se déroulait comme la setlist parfaite du concert de nos rêves. Avec leur électro-pop-rock parfois sombre mais toujours doublée d'un chant sexy, les We Have Band sont passés maîtres - en l'espace d'un album - dans l'art de composer des tubes indés que l'on écoute au casque matin, midi et soir.

Alors quand le groupe annonce la sortie de Ternion, on s'inquiète et on gamberge : vont-ils sortir un album de la même veine sur lequel on dansera quand même en rythme mais qui restera au demeurant inintéressant ? ou vont-ils se camper sur la voie electro-pop pour sortir un album façon The English Riviera ?

Ni l'un ni l'autre : les We Have Band n'ont pas choisi de faire un virage à 360 degré et n'ont pas non plus pris l'autoroute en appuyant immodérément sur le champignon. Nos protagonistes ont simplement amélioré leur recette en lui donnant un grain de maturité et en s'offrant plus de douceur.

Aidés du ex-Clor et producteur des Foals, Luke Smith, les We Have Band ont pu se lancer sur la voie de la composition avec toutes les cartes en mains. Leur musique en ressort plus pâle, même si pas tout à fait spectrale, brodée d'un chant plus fédérateur qu'à l'accoutumée. Un chant surtout mieux reparti entre les trois membres du groupe ce qui donne beaucoup d'ampleur a des titres comme "Shift" ou "After All" qui ouvrent l'album. Avec des voix pareilles, on se laisse tout à fait porter par leur son qui n'en finit pas de nous transporter entre paysages indés et mystiques.

Si l'identité esthétique du groupe a pris un tournant - désormais plus pastel -, il reste une part d'eux qui s'attache à faire de la musique comme on peut avoir envie de vivre l'adolescence, c'est-à-dire à la frontière entre le "cool" et le "hype". Mais ce background hipster tend à s'effacer derrière une identité plus construite et des idées plus fortes que la nouvelle coupe de cheveux à la mode. Espérons que le groupe persévérera sur cette voie, et peut-être même un jour nous surprendront-ils à la manière de Yacht !

Pour l'heure, Ternion prend des allures de réussite. Quand les notes de synthés au milieu de "Steel In The Groove" évoquent les Horrors dernière génération (ou ce que les Horrors pourraient être amenés à faire sur un prochain album), "Visionary" a des saveurs d'été comme Yuksek nous en faisait partager il y a peu. Il y a aussi un petit côté Depeche Mode à leurs débuts sur l'ensemble de l'album (la touch Luke Smith?). Ces morceaux travaillés au détail près ont toujours un caractère fédérateur, avec quelques notes de synthé quand l'ambiance devient trop noire. Apporter quelque chose de plus personnel ? Mission accomplie.

En bref : un disque moderne comme on voudrait en entendre plus souvent, bien que parsemé de quelques imperfections, il n’en devient que plus prometteur quant à l’avenir de We Have Band.






Le site officiel



Lire la suite

14 février 2012

Concert - Orelsan à Barbey (Bordeaux) le 04/02/12

Ce n’est pas tous les jours qu'on vous parle de hip-hop français ici et je vais m'y coller. J'espère que vous n'avez pas changé d'article en voyant de qui il s'agissait. Dans la catégorie "je me réveille au dernier moment", je m'aperçois vendredi matin qu’Orelsan passe à Angoulême le soir même. Séduis par l'idée d'aller se taper une petite excursion dans la capitale de la bédé en s'y prenant au dernier moment, je me renseigne et m'aperçois que c'est complet. Bon. La bonne nouvelle c'est qu'il est à Bordeaux le lendemain. La mauvaise c'est que c'est complet aussi... Donc un petit merci au staff de Barbey qui trouvera une petite place à Dodb.

Est ce qu'on doit présenter Orelsan en 2012? Vous avez forcément entendu parler (à défaut de l'avoir écouté) son nouvel album Le Chant Des Sirènes sorti en septembre dernier et qui a bénéficié d'une couverture médiatique assez énorme pour un album de rap de nos jours. Perdu D'avance sa première galette sortie il y 3 ans (ma préférence à moi), n'avait bizarrement pas eu la même chance. Les mauvaises langues diront que c'est grâce à toutes les polémiques que provoquent les titres du monsieur. Sûrement pas grâce à ses qualités de rappeur. Orelsan (comme Booba), c'est pile le genre de mec que j'aime défendre et que les gens adorent détester, le type dont tu dis du bien en soirée et pour lequel tu es sûr de provoquer des réactions négatives, surtout venant de ceux qui ne l'ont pas écouté. Il est l'empereur du statut Facebook, le prince de la citation MSN, vos potes qui postent des trucs que vous ne comprenez pas comme "on change pas une équipe qui fait match nul" ou "ma gueule de bois ferait passer Pinocchio pour un vrai petit garçon", c'est lui. Pour moi, Orelsan est surtout un comédien doublé d'un des meilleurs "punchliners" de France, un des derniers rappeurs français qui a une vraie qualité d'écriture dans son style très "personnel". Du coup, le ptit Aurélien sait faire des CD et des polémiques, mais sur scène? Il vaut quoi le Eminem de Basse-Normandie?

J'ai toujours trouvé un peu dommage que la programmation Hip-hop en Gironde ne vaille pas celles d'autres styles musicaux, notamment la pop. Excepté aux vibrations urbaines de Pessac ou au Garorock, les concerts de rap sont rares dans le coin. Et du coup on ne va pas bouder notre plaisir. La première partie est assurée par Beasty, un beatboxer bordelais qui va se charger de chauffer la salle avec son cours sur l'histoire et les techniques de son art. Celui qui a été sacré champion de France de beatbox l'an dernier va régaler la salle de ses imitations de Rahzel ou de Biz Markie et surtout chauffer la place pour le lascar que tout le monde attend. D'ailleurs, en observant un peu les gens venu l'écouter, Orelsan semble attirer un public très varié, y compris des groupies qu'on aurait plus attendu dans un concert de Matt Pokora.

Ca va être le tour d'Orelsan, la lumière tombe, le public réclame l'artiste. Trois silhouettes en soutanes arrivent sur scène. Les capuches tombent et comme prévu, Il déclenche les hostilités avec le premier extrait de son album : "Raelsan". Fidèle à l'imagerie créée autour de ce personnage, il porte le fameux masque du clip. Il est accompagné du binôme de son premier groupe (Casseurs Flowteurs): Gringe, mais aussi de Ablaye qui fait ses backs et de Skread son DJ et producteur. En concert, Orelsan est accompagné de trois instrumentistes. Il enchaîne avec ses titres qui sont pour moi les plus enthousiasmants, le fameux revival des 90's (moment d'anthologie le jogging LC Waïkiki) enchainé par le titre qui a placé Orelsan dans le top 5 des Lyricist français: "Jimmy Punchline". On aura même droit à "Saint-Valentin", pas la plus fine de ses chansons mais une des plus marrantes. En fait, ce concert est un peu un spectacle. A grands coups de costumes, de petites mises en scènes et d'accessoires, Orelsan nous emmène dans son univers. Il nous raconte ses galères avec les meufs ("Double vie", "50 pourcents"), ses soirées alcoolisées ("Soirée Ratée", "Des trous dans la tête") et sa condition d'adulescent de 25/30 ans ("Différent", "Perdu d'avance"). La fin du show m'a un peu moins conquise, les chansons de son dernier album s'enchaînent et j'accroche définitivement moins à celui-ci. "1990" et "Suicide social" sont de très très bons morceaux mais le reste de l'album est beaucoup plus moyen, beaucoup moins efficace. A ceci près qu’Orelsan arrive toujours à caler quelques punchlines dans ses morceaux et ainsi sauver la mise.

Le seul bémol, c'est son flow. Ses textes sont bien écrits mais son interprétation est moyenne, il y a bien quelques rares fulgurances mais on est quand même loin des cadors du hip hop hexagonal comme Disiz par exemple. Mais quand même, Orelsan à Barbey, c'était un vrai bon concert de Hip-hop, un show bien construit, une grosse débauche d'énergie, un public au rendez vous et puis du son qui tabasse.

Le 14 avril, il y a Youssoupha qui vient défendre son nouvel album à Barbey, ça devrait plaire aux bordelais, le disque s'appelle Noir D****. On se voit là bas?

Texte de Seb.

"1990" et "Jimmy Punchline" :





Lire la suite

13 février 2012

Interview - The Jon Cohen Experimental

Vieux de la vieille de la scène indie pop montréalaise, Jon Cohen a entre autres participé à l’émergence de groupes comme The Dears ou The Social Register. Il était temps pour lui d’émerger en solo (en live) comme en trio (sur disques) et d’exprimer pleinement tout ce qu’il a à dire (et il en a). Son dernier album, Behold, est en ce sens un petit chef d’œuvre de pop orchestrée et bricolée, un véritable travail d’orfèvre aux arrangements sans fin. Jon est de passage en France, et jouera notamment à deux reprises cette semaine à Bordeaux, une fois à El Chicho mercredi, et jeudi pour un concert secret en appartement. Rencontre.

Quels souvenirs gardes-tu de la période The Dears ?

J’ai joué avec le groupe de 1999 à 2003 : ce fut une période très intéressante, une très belle expérience au cours de laquelle j’ai beaucoup appris. Ces 4 années m’ont fait gagner de la confiance en moi, j’ai appris à croire en mes capacités à composer et à être mon propre artiste. Je me souviens d’une grande tournée, avec beaucoup de villes sur notre route, et surtout des fortes amitiés nées de ces moments.

Qu’est-ce qui t’as poussé à passer de guitariste à chanteur ?

Ce fut une progression naturelle : j’écrivais énormément de chansons pour la guitare, les mots venaient de plus en plus facilement. J’ai un jour décidé d’enregistrer mon premier album. C’est à la fois un mauvais sort qui fait que je dois tout gérer moi-même et une bénédiction pour moi, parce que je peux dire que je produis quelque chose qui vient vraiment de moi.

Qu’aurais-tu fais si tu n’avais pas été musicien ?

Peut-être comptable. Je suis une personne très organisée. Je casse le stéréotype des musiciens. Plus sérieusement, j’adore voyager, j’aurais peut-être accompli quelque chose dans ce domaine.

Pour toi le psychédélisme c’est quoi ?

C’est la recherche de quelque chose d’inconnu, c’est le premier pas dans le noir. C’est une vraie aventure spirituelle : avec la musique, il est facile de franchir cette porte, c’est un medium complètement flexible et organique. Parfois je me considère comme le Capitaine Kirk qui fonce dans l’inconnu. Le psychédélisme, pour moi, c’est le nouveau.

Que cherches-tu dans la musique ?

Je me cherche moi-même. Je cherche mon identité, ce qui me rend unique. Chacun est unique, a quelque chose d’unique en soi que personne n’a. C’est ce que je veux trouver, et partager.

Comment décrirais-tu la scène montréalaise d’aujourd’hui ?

Elle ne se résume pas à Céline Dion. C’est une scène vivante, excitante, je suis heureux de faire partie de cette scène qui donne de la valeur à tout ce qui est nouveau.

Ta musique a un côté très aérien. Es-tu plus à l’aise à la nature ou en ville ?

Je vis dans un vaisseau spatial. Je suis un astronaute avec une vue sur tout mais avec aucun contact réel avec le monde. En vrai, comme tous les urbains, je suis collé à la ville, accroché à elle. J’ai besoin de son énergie, j’ai besoin de culture comme nourriture créative, de l’espace urbain pour me motiver. L’érotisme de l’esprit et non du corps : c’est ce qui m’inspire et qui apporte de la légèreté, un côté spirituel et aérien à ma musique.

Comment as-tu vécu l’explosion de la relation internet/musique ?

Je suis le produit de cette explosion : Internet est mon amplificateur, c’est un outil indispensable pour moi. Je ne cherche pas à vendre ma musique, mais à vendre mon message.

Quelle est ton ambition aujourd’hui ?

Mon ambition, c’est d’accomplir les 3 buts que je me suis donnés pour cette tournée : devenir totalement à l’aise avec ma voix et mon spectacle pour établir un vrai contact émotionnel avec le public, apporter un message positif qui peut-être aidera quelqu’un, et enfin voir le plus d’Europe possible et d’y rencontrer beaucoup de monde.

Quelque chose à dire en particulier ?

J’espère rencontrer le plus de monde possible lors de mes concerts à Bordeaux : je vous promets une expérience incomparable.

Le site officiel



Lire la suite

12 février 2012

Hawks - Rub (2011)

Voilà le genre de disque que vous auriez pu passer à Noël, au moment du foie gras. Simplement pour faire votre beatnik, ou pour dépasser la frustration d'une écoute de salon, et entraîner les gens normaux dans cette folie. Quatuor d'Atlanta, Hawks fait du noise rock, dans la grande tradition américaine des nineties, et à l'ombre vénérée, et un peu envahissante, de The Jesus Lizard. Amateurs de bruit et de fureur, de voix hardcore empilées les unes sur les autres, de sons bizarres et flippants, ils écoutent Art Blakey et Coltrane. Ils avaient évidemment un peu foiré le mix de leur premier album, ce qui arrive souvent dans ce genre où noise rime avec bouillie sonore. Ce deuxième jet passe l'épreuve du mix, et impressionne à plusieurs titres.

D'abord cette voix, opaque et sourde, trempée dans la boue, qui rappelle, dans un premier temps, les bidouillages à la Butthole Surfers ou à la Melvins, mais finit par sonner terriblement vraie. C'est la recherche d'intensité qui prédomine, avec des attaques à couper le souffle, dans un style typiquement hardcore. Et tout le répertoire de la folie chantée est parfaitement maîtrisée, et c'est à maître Yow qu'on pense inévitablement. Il y a aussi une concision punk, qui s'exprime dans des intros brèves, le refus des soli, le jeu de guitare rudimentaire, et qui donne à l'ensemble un côté encore plus percutant. Sauf que Hawks se donne la liberté de varier les tempi, comme dans ce "Future reaping", avec son riff de basse inquiétant et vicieux. Le batteur sait même groover, comme le montre le refrain de "Hung", ce qui là encore nous empêche de faire de Hawks un groupe strictement punk.

Enfin, du texte, beaucoup de texte, d'une qualité d'écriture nettement au dessus de la moyenne. Du sexe, déviant comme il se doit, comme dans "Royalty", où une duchesse se la joue "Venus in fur". L'aliénation et l'enfance sous tutelle, comme dans "Holy day" et "Late bloomer". L'American way of life, quoi... Une adéquation parfaite donc entre une forme outrée mais maîtrisée et un discours faisant fond sur des refoulés civilisationnels, parce que faire tout ce boucan pour dire que la société est moche et qu'on est malheureux, évidemment, ça lasserait vite...

Ce qui rend l'écoute de salon possible, c'est non seulement cette richesse des textes, cette variété des ambiances, mais aussi ces interludes qui rompent la furie noisy et vous plonge dans le versant catatonique de la folie, avec piano désaccordé au son métallique et autres bizarreries étonnantes pour l'oreille. Mais bon, on est pas contre les voir sur scène, si ces ptits gars daignent un jour venir hurler chez nous.

En bref : Hawks nous prouve qu'il y a une vie après The Jesus lizard. Un disque de swamp punk qui rejoint les sommets d'intensité qu'ont atteint les grands de la scène noise rock américaine des années 90. Une intensité qui rime souvent avec émotion.




Le site du groupe
Pour commander le beau vinyl



Lire la suite

09 février 2012

Django Django - S/t (2012)


Pour une fois qu’un buzz accouche d’une bombe, on ne va pas s’en priver. Quatre ans que Django Django se fait attendre, à distiller une paire de morceaux par-ci par-là, repoussant sans cesse la sortie d’un long format. J’avoue avoir pris le train sur le tard, après avoir vu passer quelques wagons sur des sites amis, mais à vrai dire comment pouvais-je le rater quand à son bord se trouve David McLean, inconnu pour certains, petit frère de John McLean pour d’autres (Beta Band, The Aliens, oui je sais, encore). Niveau patrimoine génétique, ça aide. Et donc ce premier disque inclassable, objet pop mais néanmoins suffisamment excentrique pour être intéressant. Passionnant même.

Que se passe-t-il en Ecosse pour que soit apparue cette scène ? Car malgré une domiciliation officielle à Londres et Edimbourg, c’est bel et bien du early Beta Band écossais que le quatuor nous donne l’occasion d’entendre. Soit une pop qui bave largement sur les bidouillages électroniques et se concentre sur un folk mutant parfaitement équilibré entre acoustique et électrique. Impossible de s’ennuyer pendant 13 titres tant chaque pièce de l’échiquier a son originalité propre. Ca ne ressemble à rien, si ce n’est à du Akron/Family mixé avec Kraftwerk et Talking Heads.

Parce qu’on y trouve du tribal, de l’oriental, de l’occidental et qu’à chaque fois ça débouche sur des mélodies entêtantes parfaitement maîtrisées. Et il faut saluer la Face A, peut-être l’un des plus belles tranches de ces dernières années. Ca commence avec "Hail Bop", grosse montée en puissance de post-punk psychédélique. La voix éthérée de Vincent Neff rappelle clairement celle du groupe de frérot. Les harmonies derrières immanquablement celles des garçons de plage si souvent cités ces dernières années. Ca enchaîne avec "Default", sommet de blip-blip sans limites sinon celles de l’imagination. Les rythmes n’arrêtent pas de changer, on saute d’une couche à l’autre, d’une texture à une sonorité différente.

Frais, neuf, insouciant, c’est ce qu’on veut. Derrière, "Firewater" enfonce le clou de son chant cosmique et clappé. Le trip est total, jusqu’à son final hédoniste au possible. Et là alors qu’on l’est en apesanteur, bim, "Waveforms" vous emporte dans une grande danse tribale et électronique autour d’un feu de psychédélisme moderne bouillant. Mais Django Django c’est aussi les percussions répétitives et cabotines de "Zumm Zumm", le folk intimiste de "Hand Of Man", les sirènes au galop de "Wor", le single conquérant qu’est "Storm" ou les milles et une nuits façon "Skies Over Cairo". Vous en voulez encore ?

En bref : génial premier disque de pop organo électro acoustique. Espiègle et subversif, il ne vous caressera pas dans le sens du poil mais se montrera vite indispensable.




Acheter Django Django en vinyle chez L'International Records
Le site officiel

"Default" :



"Waveforms" :


Lire la suite

06 février 2012

Les Valentins - Juke-Box (2001)

Chassez le naturel. Même au sortir d'une oeuvre majeure, on ne reverra a priori plus la rouée musicienne au sein de l'hydre à deux têtes qu'elle a créée. Mais plutôt et comme elle l'a toujours incarné, dans le rôle humble d'accompagnatrice ou de muse.
On veut parler ici de la compositrice Edith Fambuena et de son acolyte Jean-Louis Pierot qui à la fin des années 80, auront enregistré 4 albums, dont l'ultime opus qui nous occupe, cet exquis Juke Box.

Jusque à cette date importante, la paire d'aixois, débarrassés d'un encombrant acolyte qui fera plus tard florès sous l'odieux avatar de De Palmas, s'est surtout fait connaître - enfin si l'on peut parler ainsi - par ses collaborations, en composant pour des gens aussi divers que Daho qui les découvrit (l'album Corps et Armes en 1999), Brigitte Fontaine... la liste est trop longue pour mentionner tout le monde, contentons-nous simplement de rappeler qu'Edith et Jean-Louis sont à plus de 50% les bâtisseurs du Fantaisies Militaires (98) de Bashung, et que ces chansons fantastiques que sont "Malaxe" ou "La Nuit Je Mens" - pour ne citer qu'elles - sont en grande partie leurs. 
Hormis les gens concernés donc, le grand public ne connaît pas grand chose de ce duo qui nous a laissé un bien joli testament en 2001, même si "Les Avenues" constituait déjà entre autres choses un single très avenant.

Brillants metteurs en sons, les Valentins sont ici assistés de l'arrangeur-producteur Will Malone qui a aussi bien officié avec des sommités trip hop que rock métal. Sur un tapis de cordes accortes et gainsbourgiennes, de frémissements d'orgues, Edith et Jean-Louis abordent les sujets les plus mélancoliques, les plus tendres (l'enfance pour "Nos Mères", "Le Marchand De Fleurs"), les plus douloureux (le deuil du père pour "Je T'Ecris"), les plus sensibles (le coming-out pour "Entre Elle Et Moi"), et l'émotion conjuguée à la joliesse des mélodies - le savoir-faire impeccable du duo ne saurait être remis en question - fait parler le frisson.

L'intro vaporeuse et éthérée de "Sur La Pente" sert d'admirable tremplin à un autre sommet du disque, juste avant les minutes introspectives de "Tambours Battants".

Juke Box est une manière de travail d'orfèvre qui n'a pas l'air d'y toucher. Et pourtant, dans le genre, on a rarement fait aussi -osons le mot- intelligent en matières de textes made in France, et inspiré d'un point de vue mélodiste. Dans un monde idéal, les Valentins qui appartiennent à cette catégorie de groupes locaux inclassables tels les Innocents auraient dû vendre des camions de disques et être adoubés par les musicologues,  pas forcément par Nagui.
On sait ce qu'il en des des goûts des gens.
 
 En bref : si les Valentins ne sont pas le secret le mieux gardé de la chanson française sous influences pop, ça y ressemble. De loin l'oeuvre la plus aboutie du duo. Une oeuvre sensible, sincère et essentielle.





un site intéressant

"Nos mères" :



"Je t'écris" :


Lire la suite

02 février 2012

Porcelain Raft - Strange Weekend (2012)

Décidément le label Secretly Canadian n’en finit pas de ravir mes oreilles. Je lui voue déjà une sérieuse admiration pour avoir enrichi mon florilège personnel de groupes tels que Suuns, The War On Drugs et Little Scream. Toujours sous le signe de la qualité, son catalogue s’enrichit d’une nouvelle recrue : Mauro Remiddi aka Porcelain Raft. Italien de naissance, musicien multi-activiste, insatiable collaborateur multipliant les projets à droite et à gauche, on aura pu l’apercevoir à Londres, New York, Berlin, en Corée du Nord ou bien croiser son nom sur une pochette de disque et parmi les crédits d’une B.O. de film. Anciennement aux commandes de Sunny Days Sets Fire jusqu’en 2009, c’est en solitaire qu’il a commencé à sortir quelques maxis diffusés par Acéphale dont une reprise de Yuck ("Despite everything"). Mais c’est en duo qu’il devrait jouer sur scène avec l’ex-batteur de Women et en première partie de… M83. De quoi propulser sa carrière.

Au cas où vous n’auriez pas totalement succombé au charme de sa pochette incarnate – initialement une photocopie de sa main, trafiquée par la suite – le titre d’ouverture a tôt fait d’exercer une étrange fascination. Batterie et synthé grondent au loin avant de surgir par un habile fade in. Dix secondes se sont écoulées et déjà cet album ne laisse pas indifférent. La mélodie, portée par un tempo bien lourd et la voix androgyne de Remiddi, est suffisamment entraînante sans être aguicheuse. Une guitare gorgée de fuzz et de delay surgit à la fin pour un solo épique. La tendance au shoegaze fait son apparition avec le second titre, "Shapeless and gone" (fausse pop song), et n’en finira pas de hanter l’album jusqu’à sa fin. Ce mélange de dream pop teintée de shoegaze évoque parfois les trames sonores de The War On Drugs mais avec plus de retenu.

Porcelain Raft excelle surtout lorsque la rythmique domine le morceau comme sur "Unless you speak from your heart". C’est elle qui impulse une énergie du début à la fin. Elle atteint littéralement des sommets à la fin de l’excellent "Put me to sleep", si dantesque qu’on la croirait taillée pour les stades. Son caractère obsessionnel permet alors à la voix androgyne de Remiddi de se hisser, de prendre de la hauteur. Sur "The end of silence", elle est au bord de la rupture mais parvient à se maintenir sur le fil.

Seul à la composition, Remiddi a toujours privilégié le Do It Yourself, s'agitant sur tous les fronts, de la composition à la production. Pourtant c’est à Chris Coady (Tv On The Radio, Foals, Yeah Yeah Yeahs) qu’il a confié le mixage de son premier album. Et si un sous-sol de New York a remplacé sa chambre londonienne, son disque n’en conserve pas moins un côté intimiste, sans toutefois être trop introverti. Une fougue constante semble vouloir transcender chacun des morceaux pour les faire décoller vers des strates lointaines. Et quand bien même le disque s’achève, on en redemande encore.

En bref : un mariage brillant entre dream pop et shoegaze, prémices d'une signature sonore inédite.




"Unless you speak from your heart" :



"Put me in to sleep":



Une chouette interview

Lire la suite