25 novembre 2011

Curren$y - Verde Terrace (2011)

Un peu de hip-hop ne fait pas de mal. Surtout quand c’est pour mettre à l’honneur l’un des plus discrets (et pourtant prolifique) rappeurs US. Le MC de New Orleans a battu tous les records en 2011 avec deux albums (dont un avec The Alchemist) et deux mixtapes officielles. Verde Terrace est la dernière de ces dernières, produite par Dj Drama, et peut à juste titre être considérée comme un véritable album de quinze titres. Comme toujours avec Spitta (un autre de ses pseudos) le résultat est quasi impeccable.

Avec lui j’ai découvert le terme weed-rap, et plus particulièrement weed-talk. Spitta est un gros fumeur de marijuana et ne s’en cache pas, aussi bien dans le flow nonchalant que dans les textes explicites à base de jeux de mots fumeux. Verde Terrace ne change pas la donne et aligne des chill-beats en mode laid-back. On ne s’y presse pas, on est cool. "Hennessy beach" le démontre avec force d’instruments jazzy, saxophone et claviers old-school en tête.

Mais il peut aussi s’aventurer non sans risques dans un registre plus "banger", c’est-à-dire tape à l’œil. "Car talk" est en cela un gros morceau west-coast à la limite du vulgos, mais une sacré bombe si l’on se laisse aller. Mais c’est une exception. L’ensemble reste plutôt groovy et de très bonne facture pour qui aime chiller justement. Entre autres, Young Roddy vient lui prêter main forte sur l’excellent "Crack BC". Lil Wayne également sur le bien nommé "Smoke sumthin" qui reprend l’instru du "Elevators" d’Outkast. Les reste est excellent, et malgré quelques titres en-dessous, l’album s’écoute d’une traite avec grand plaisir.

En bref : un très bon disque (gratuit) pour découvrir le hip-hop laid-back de Curren$y. Imparable de manière générale.





Le site officiel

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"Music to ride to" :


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24 novembre 2011

The Heads - Relaxing With The Heads (1995)

On ne trouve plus grand chose aujourd’hui sur la toile ou ailleurs au sujet du groupe anglais The Heads. C’est fort dommage car au milieu des années 90, à une époque de l’histoire de la musique où il était bon ton de se pavanaer sur la brit pop d’Oasis, c’était l’une des rares formations britannique à jouer la carte du rentre-dedans grunge et psyché. A l’occasion de la ressortie en double cd -plus de 10 ans après- de l’album jusqu’alors quasi introuvable, il était grand temps de revenir sur ce disque en particulier qui comme nombre de premiers albums montre le sommet de ce que peut faire un groupe.

Comment ne pas se sentir accablé sous le coup de massue qu’est "Quad", titre introductif de l’album. D’une cacophonie de drones, fuzz, réverbs, le morceau frappe par la basse de H.O. Morgan immédiatement suivie des guitares tonitruantes de Simon Price et surtout Paul Allen (alors tout nouveau dans le groupe, remplaçant le formateur originel). A la batterie derrière, Wayne Maskell tape dur. Un son massif que l’on a retrouvé par la suite chez les Queen Of The Stone Age ou plus récemment chez Megafauna. C’est bien évidemment l’une des bombes du disque, qui commence sur les chapeaux de roues.

Originaires de Bristol, The Heads nouvellement formés enregistrent quasiment tout en jam lo-fi ce manifeste de musique stoner au Foel Studio sous les manettes de l’un des membres d’Hawkwind. On pense à eux en effet, mais aussi à toute la bande Loop, Spacemen 3, Stooges, MC5… Les références se suivent et ne se ressemblent pas, mais les six Lp qui suivront témoigneront de ce délicieux melting-pot. Toujours dans l’excès et la non sophistication, The Heads et le chanteur Paul Allen envoient du bois. "Chipped" est un autre de ces rouleaux compresseurs.

Tous les morceaux sont du même acabit. Que ce soient les anciens, ou ceux du disque additionnel de la réédition qui comporte notamment des inédits et des extraits des trois Peel sessions réalisées (Peel était l’un de leur plus grands fans et ne s’en ai jamais caché). Et puis encore une fois parlons visuel -car le numérique n’a pas encore gagné- cette pochette façon Russ Meyer est tout de même sensationnelle !

En bref : drivé par des guitares écorchées vives et plusieurs très bons morceaux, ce premier album d’un groupe anglais disparu peut candidater au titre de chef d’œuvre de son époque, dans son genre.




Le site officiel pour le moins 1995

A lire aussi : Megafauna - Larger Than Human (2010)

"Quad" :



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Oneohtrix Point Never - Replica (2011)

Replica est le 6ème album de Daniel Lopatin sous cet imprononçable pseudo, et c’est aussi le meilleur. Si tout ce que touche le petit gars de Brooklyn ne se transforme pas forcément en or, à l’image du désagréable LP de Ford & Lopatin sorti en début d’année, il est difficile de nier que ses productions en tant qu’Oneohtrix Point Never méritent toutes les louanges qu’elles ont pu recevoir sur le net et ailleurs. Son style, qui s’affine un peu plus à chaque sortie, est on ne peut plus compliqué à définir. Les influences de Steve Reich, du drone et de la Kosmische Musik sont les plus détectables, mais cette musique hautement stupéfiante ne peut se résumer à ça. Car on y trouve également de larges traces d’ambient et d’électronica 90s, ainsi que des résidus de jazz, de house, de musiques classique et contemporaine... Dans l’unique but de nous faire triper, OPN use de tous les pouvoirs qui sont en sa possession, sans aucune considération de genre, et c’est l’un des aspects les plus appréciables de l’album.

Pas tout à fait aussi morbide que le suggère sa pochette, Replica est plus méditatif qu’apocalyptique. Le type de disque qui vous fait entrer bien profondément en vous-même, jusqu’à n’être plus qu’une sorte de conscience décharnée, un squelette métaphysique. Cela tient surtout à son caractère totalement immersif, dû pour l’essentiel à l’accumulation de boucles entêtantes de piano, de cordes intenses, de nappes et de sonorités aquatiques – cf. la bien nommée "Submersible". C’est d’ailleurs de cette capacité à envelopper que l’album tient sa cohérence, malgré un fourmillement d’idées et des morceaux aux structures souvent complexes et évolutives.

Entre l’ambiance presque grégorienne de "Remember", l’incroyable "Sleep Dealer" derrière laquelle se dressent les spectres de The Field et Moodymann, l’électronica à la Boards Of Canada, et la récréation 8 bit de "Child Soldier", Oneohtrix Point Never offre un voyage cosmique all inclusive, tâte de toutes les textures les plus opiacées, jusqu’à massacrer, par moments, ses harmonies sous le bruit blanc ou les parasites. Pour autant, l’ensemble est beaucoup moins noisy et expérimental, plus rythmique et carré que ses productions précédentes.


C’est qu’OPN a changé de méthode pour ce disque, s’appliquant à travailler quasi uniquement à partir de samples de vieilles publicités. Un concept intéressant, qui revient en gros à transformer la merde en or, tout en faisant appel à la mémoire de chacun de manière subliminale. Mais cet aspect théorique reste secondaire car les sources sont impossibles à identifier, et surtout parce que la beauté immédiate de cette musique efface toute velléité de réflexion approfondie au profit d’un état d’introspection plus passif.

Déclenchées par les sons concrets et l’hypnose des boucles, des images surgissent, toujours légèrement embuées, comme atténuées par un trajet de plusieurs années-lumière. Ce sont des visions cosmiques, des bribes d'au-delà qui glacent souvent le sang mais s'avèrent aussi étrangement réconfortantes. Une expérience de cinéma mental assez hallucinante, à réserver tout de même aux oreilles téméraires.

En bref : un exercice pointu de sampling au service d’un psychédélisme électronique à la fois éthéré et très prenant. Le port d’un scaphandre ou d’une combi d’astronaute est vivement conseillé pour s’immerger dans le cosmos d’OPN. L’un des gros trips de 2011.



Le site d’OPN
Les sites de Mexican Summer et Software Records

A lire aussi : Tim Hecker – Ravedeath, 1972 (2011) et Emeralds - Does It Look Like I’m Here ? (2011)


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22 novembre 2011

Nomenklatür - Fascinated By The Chaos (2011)

Encore une fois c’est la pochette qui m’a plongé dans l’univers du duo français Nomenklatür. Entre visuel hard-core et éclat électronique, avec ce corps dont le cerveau rayonne et où la peau est à nue. Le titre plus ou moins fascinant également. L’envie d’en savoir plus, d’écouter et de se laisser aller à un genre dont je ne suis pas forcément spécialiste, une sorte de techno new-wave sombre et marécageuse. Et dans cette optique, le deuxième Lp d’Olivier Brucker et Olivier Rossi se pose là.

Instantanément ça marche. On retrouve un son mi-analogique mi-digital, des basses pour danseurs de salon et une noirceur affirmée. C’est pourquoi il ne faut pas trop croire le premier titre de l’album, "It’s all in the air" qui fait appel à la voix éthérée et hypnotique de Mini, car on ne la retrouvera plus par la suite. Dès "Personal diary" on est un peu plus dans le vrai univers Nomenklatür. Angoissants et longs, leurs tracks le sont très certainement. On pense aux années 80’s, à Giorgio Moroder parfois ("This is going to happen"), mais de manière générale le son est pourtant très allemand.

Leur premier album Gift Of Ages (sorti chez Space Factory, quel programme !) était quant à lui plus indus, davantage new-wave. Ici c’est réellement la précision métronomique teutonne qui intervient. Surtout sur le superbe "Freaky freaky". D’une noirceur totale, Nomenklatür extrait un spleen électronique qui ne cache cependant pas une certaine évidence pop, celle-là même qui m’a certainement accroché au projet. Le break de ce dernier morceau à 3’35" en témoigne. Pas de surprise que tout cela soit sorti chez Module.

En bref : bande originale possible d’un film imaginaire, un film où le héros serait vêtu de noir et marcherait seul dans la neige, sur fond d’électronique froide et entraînante à la fois.




Le site du disque, et la page Soundcloud de Nomenklatür qui recèle plein de super mixs à se passer en soirée

L’excellent teaser de l’album en 5’52"



Le titre éponyme :



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21 novembre 2011

I’m From Barcelona - Concert à Bordeaux le 15/10/11

Un concert d’I’m From Barcelona c’est un peu plus qu’un concert, sans en être tout à fait un, je m’explique. Déjà leur réputation les a précédés. Quand on s’y déplace on sait que l’on peut y aller déguisés, grimés, enjoués, éméchés, pas de soucis. Clairement, un concert d’I’m From Barcelona c’est une grande fiesta de près de deux heures non stop. Une cours de récréation géante dans laquelle il est interdit de se prendre au sérieux, de bailler ou de s’énerver contre son voisin. C’est sourire jusqu’aux oreilles pour tout le monde.

Puis ils ont ces bouilles de suédois, touts rondes et barbues. Et puis ils sont treize sur scène, sur deux étages (ils peuvent monter jusqu’à 29). Ils se marrent, ils s’éclatent, nous aussi. Très vite, comme si cela ne suffisait pas, la bande de foldingues bombarde la salle de ballons de baudruches géants, et de dizaines de milliers de confettis rouges et blancs, on se croirait presque à un concert des Flaming Lips. Ca vole dans tous les sens, plus personne ne regarde le concert, les enfants adorent. Les cuivres sont à la fête, ça bouge les têtes ça bat des mains, on ne voit plus rien.

Ce sera comme ça jusqu’au bout, quand il n’y en a plus il y en a encore. En ce qui concerne la musique, soyons honnêtes, ça n’est pas forcément calé. Ils seraient 5, 10 ou 20 ça serait pareil. On a droit à un grand foutoir ou finalement les moulinets de bras et autres handclaps sont plus importants qu’un solo de guitare bien placé. Là n’est plus la question. Les morceaux des trois albums studios sont suffisamment efficaces pour mettre en musique des publicités de voiture, ça ira donc pour nous faire danser main dans la main. Parce que ce soir là, que l’on vienne de Jönköping, de Bordeaux ou d’ailleurs, on vient tous de Barcelona, dans la joie et la bonne humeur.

Le site du Krakatoa, celui du groupe

Un aperçu de la folle ambiance :



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14 novembre 2011

Mars Red Sky - S/t (2011)

On avait raté la sortie du 45, on ne pouvait manquer celle de l’album en vinyle (500 ex only). Mars Red Sky pour ceux qui on ne sait comment seraient passés à côté est le nouveau projet disons, stoner -appelons un chat un chat-, du meilleur songwritter français, alias Julien Pras. Alors vous me direz quel est le rapport entre un délicat confectionneur de ballades pop et un grand méchant loup à guitare électrique ? A priori aucun, et pourtant force est de constater que le disque fonctionne à plein régime, potards à 11, et comble un vide à priori bien présent dans le paysage musical hexagonal.

Mars Red Sky est un trio. Autour de Julien Pras (Calc, Victory Hall), on retrouve le batteur Led Zepelien Benoit Busser et le bassiste débordant d’énergie Jimmy Kinast. Pas plus. Et ça suffit largement pour faire revivre Black Sabbath et autres Kyuss d’un coup de baguette magique. Julien Pras quant à lui, à la manière d’un Elliott Smith avec Heatmiser, ou J. Mascis avec Dinosaur Jr. s’autorise une parenthèse bruyante bien que mélodique. C’est d’ailleurs la seule concession de ce disque à priori violent : être gorgé de mélodies, sans doute inspirées par le désert espagnol des Barderas où la musique a été mise en boîte, entre deux trips de peyotl assurément.

En fait l’album est davantage planant que massif, sans doute grâce à la voix de Julien gentiment psychédélique. Mais bon rassurez-vous ça envoie quand même du bois (les riffs lourdissimes de "Marble sky"). Entre instrumentaux assumés (un "Falls" hypnotique ou encore "Saddle point") et tubes de toujours ("Strong reflexion" et sa basse, lent et planant, mais aussi l’incontournable "Curse"), le disque défile jusqu’à son terme sans fausse note. Il faut dire 7 titres (longs) c’est peu, même si la version vinyle comporte un titre bonux. On en redemande.

En bref : nous aussi on sait faire du stoner mélodique bien lourd et perché comme du Dead Meadow.




Le site officiel

Acheter  Mars Red Sky - S/t chez l'International Records

Ma préférée, "Marble sky" :


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08 novembre 2011

Other Lives - Tamer Animals (2011)

En voilà un. Un disque de 2011 qui risque de laisser une trace et dont on se souviendra à la fin. Comme un Timber Timbre, on y revient, parce que l’on sait que l’on va y découvrir des choses à chaque fois. Et j’ai envie de dire "enfin!" pour ce duo d’Oklahoma qui avait déjà sorti un très beau premier opus (plus sombre encore) en 2009. Au final c’est un disque presque outsider qui commence à se retrouver sur beaucoup de lèvres, et qui irrémédiablement va se frayer un chemin vers un petit succès cette année.

Que font particulièrement Jesse Tabish et Jonathan Mooney comme musique ? Une sorte de folk céleste qui tient autant du western hanté que de la ballade poussiéreuse. Une majesté harmonique de chaque instant, mieux que n’importe quel Fleet Foxes. Par contre un peu de Grizzly Bear oui. Du Midlake parfois. Ce qui marque aussi c’est la grande retenue dans l’interprétation, cette majesté rampante qui sait aussi envoyer les cordes quand il faut.


Sans prévenir, Tamer Animals remplit ses 40 petites (mais suffisantes) minutes de majesté harmonique, imprégnant chaque titre d’un halo de grâce tout en créant une possible bande originale de film. Au milieu, émergentes, il y a surtout deux tours d’ivoire, deux morceaux incarnés. "For 12", chevauchée nocturne qui emprunterait presque son intro aux Suburbs canadiens avec ses cordes dénudées et son piano. L’un des plus beaux titres de l’année. L’autre c’est "Old statues". D’une intro morriconnienne le morceau dévie comme un "Black water" vers quelque chose de beaucoup plus grand et subtil, sans âge. Le reste de l’album est tout simplement tuant.

En bref : un très beau disque de folk habité et subtilement orchestré, possédé de bout en bout, avec de vrais beau titres. Belle surprise.




Le site officiel

"For 12" et "Old statues" :





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Paradis - Parfait Tirage EP (2011)

A la tête du show radio Beats In Space (diffusé en France tous les samedi soir sur Radio Campus), dont il a animé près de 600 épisodes, Tim Sweeney est une des têtes chercheuses les plus fiables de la musique électronique. Diffusant des exclus, recevant des invités plus prestigieux les uns que les autres (Andrew Weatherall, DJ Harvey, Laurent Garnier, Morgan Geist…), le DJ New Yorkais, proche du crew DFA, est devenu incontournable grâce à des sélections avisées et très éclectiques. 12 ans après sa première émission, il lance enfin son propre label et l’inaugure avec un single disponible uniquement en vinyle signé par des Parisiens totalement inconnus, Simon Mény et Pierre Rousseau, alias Paradis. Le duo, qui avait simplement envoyé sa démo à Sweeney, mixe habilement la variète pop française avec des instrus deep house élégants et veloutés. Une alliance qui pourrait paraître contre-nature sur le papier, mais qui s’avère finalement assez réussie.

Les francophones s’arrêteront sans doute sur la face B, puisqu’il s’agit d’une reprise de "La Ballade de Jim" d’Alain Souchon, tube faussement édulcoré sorti en 1985, qui vire au tragique puisque Jim finit par se suicider au volant de sa Chrysler, qui échoue "dans les fougères et les nénuphars". Pas de sample ici, Paradis réinterprète la chanson avec nonchalance sur fond de synthés rêveurs et de belles basses bien rondes. L’exercice est particulièrement casse-gueule mais le morceau s’avère finalement complètement addictif. En face A, "Parfait Tirage", également chantée en français, est quand même plus cheesy, avec ses paroles un peu mièvres évoquant des souvenirs de vacances. On pense vaguement à Daft Punk époque Discovery, à Hot Chip ou aux Junior Boys, bref à toute cette mouvance dance-pop fortement influencée par le son des années 80, bien que le beat soit plus proche des productions house / nu disco actuelles, type Wolf + Lamb. En tout cas un joli petit disque, à la lisière du kitsch, que je ne me prive pas d’écouter en boucle, sans une once de culpabilité.

En bref : aussi saugrenue que soit l’idée de revisiter Alain Souchon en version house, le duo français Paradis l’a brillamment transformée avec sa "Ballade de Jim". La face A n’est pas mal non plus dans le genre dance-pop balnéaire.



Le site de Beats In Space



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01 novembre 2011

Melvins - Glazart, Paris (31 Octobre 2011)



Je ne crois pas me tromper en disant que les Melvins n'ont jamais eu l'honneur d'être chroniqués d'une manière ou d'une autre dans DODB. Trop brutaux et pas assez mélodieux peut-être pour nos délicates oreilles. Mais pas assez virils et extrêmes pour les métalleux dignes de ce nom. Un peu rigolos même, parfois, ce qui est le péché suprême pour ces gens là. La faune du Glazart est donc assez bigarrée ce soir là : profilage indie rock, un brin punk ou gothique, quelques hétérodoxes égarés du dernier Hellfest. J'y serais bien allé d'ailleurs au Hellfest, rien que pour voir les Melvins, programmés cette année en gage d'ouverture (avec les Stooges), mais je me suis dit qu'au Glazart, au moins, je ne risquais pas de mourir dans un wall of death. Je me trompais en fait, puisque le concert fut quand même une sacrée épreuve pour la petite chose que je suis. Dans une atmosphère surchauffée, il a fallu endurer 1h30 d'attente et 1h30 de concert à fond, sans temps morts, dans une salle ultrabondée, avec pogo, slam pour garçon et filles (sympa), et arrosages en tous genres.

Ce soir c'est Halloween. Le bassiste est déguisé en fantôme et le groupe ouvre sur une impro bruitiste de fin du monde. à gauche, Buzz Osborne, réellement impressionant en géant à la coupe afro-électrifiée, magnifiée par un aérateur savamment placé. Au centre deux batteries, qui ne s'arrêtent jamais et filent le set. à droite le bassiste, au jeu plutôt subtil et diversifié, et qui n'hésite pas à doubler la voix d'Osborne. La playlist, copieuse, navigue dans la discographie. Impossible pour moi de tout reconnaître.

Les Melvins impressionent en live pour les même raisons que sur album : leur sens collectif du tempo est remarquable et se donne à voir pleinement sur scène, dans les postures, les gestes, les regards, qui font que jamais personne n'est largué. Le son est absolument nickel, on sent le groupe qui tourne et aime le live. Les deux batteries, souvent parfaitement phasées, apportent indéniablement un côté "wall of sound". C'est vrai que ça n'est pas toujours trés mélodieux, mais on est trés loin des grognements ou coassements du métal, tant la voix est expressive, la projection et le phrasé modulés. C'est d'ailleurs un spectacle en soi que de regarder Osborne chanter, bouger, animer son visage, grossir les yeux. Les Melvins nous enseignent simplement qu'expression et sentiment ne passent pas que par la mélodie. Le Coltrane de la période free ne disait-il pas que certaines émotions sont tellement intenses qu'elle ne peuvent s'exprimer au moyen de la forme et de l'harmonie ?

Pourtant "Lizzy", qui fonctionne sur le principe quiet/loud, montre que le gros Buz sait chanter avec délicatesse. Question émotion, on aura droit aux meilleurs morceaux de A senile animal : "Talking horse" et "Civilized worm". Comment parler pour les bêtes, celles que cet animal sénile qu'est l'humain assujettit et massacre, autrement que dans un fracas sonore ahurissant ? Il faut voir Osborne nous regarder dans les yeux et hurler :

"The golden talking equine god
Speaks nothing but rage
The nature of the burning bee
Means nothing to no way"

Mais il y aura aussi des morceaux plus légers (le trés funky "The kicking machine"), et même un presque pop-festif, inconnu au bataillon. On aura parcouru en 1h30 toute la gamme des rythmes, des intonations, des atmosphères. Final imprévisible, où le Buz disparaît, tel un fantôme, laissant le bassiste conclure de sa petite voix, tandis que Dale Crover lâche les baguettes pour s'exciter sur une petite boîte à effets qui ne lâchera que quelques samples de cordes pleureuses. Les Melvins sont décidemment les freaks les plus talentueux d'Halloween 2011 !

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